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sont appelés les quatre labyrinthes de la France. En ce temps, les théologiens étaient partagés en trois écoles ; la première s’en tenait à l’enseignement et au langage de l’Ecriture sainte et des Pères de l’Église ; la seconde appliquait à la théologie la dialectique d’Aristote ; la troisième gardait une sorte de milieu et n’admettait les argumentations et les formes péripatéticiennes qu’autant que les conclusions se rapprochaient des dogmes reçues dans l’Église universelle. Pierre de Poitiers appartenait à la deuxième de ces classes, et à ce titre il est sévèrement censuré par Gautier de St-Victor. On possède toutes les pièces de ce procès, car dom Mathoud a publié les cinq livres de Pierre de Poitiers à la suite des œuvres de Robert Pullus, Paris, 1633, in-fol. ; on y peut trouver sans doute beaucoup trop de subtilités scolastiques, mais on n’y rencontre aucune proposition condamnable comme expressément contraire à quelque dogme. Il est vrai que l’autorité de la Bible est rarement invoquée dans ce cours de théologie, et cela peut sembler d’autant plus étonnant que le docteur Poitevin a laissé plusieurs autres écrits destinés à expliquer les Livres sacrés, l’Exode, le Lévitique, les Nombres, les Psaumes, des parties du Nouveau Testament. Tous ces commentaires sont restés manuscrits, mais on a imprimé un abrégé généalogique et chronologique de la Bible, qui pouvait leur servir de préface ou d’appendice. Olric Zuingle le jeune et dom Pez, en publiant cet opuscule, l’attribuaient à Pierre de Poitiers, moine de Cluny ; les manuscrits portent seulement Petri Pictaviensis, sans ajouter cancellarii ; en sorte que la question peut paraître indécise. Si elle valait la peine d’être discutée, nous croyons qu’on reconnaîtrait le chancelier de Paris pour le véritable auteur de cette chronologie. On lui fait honneur d’une invention qui devait faciliter alors l’enseignement élémentaire et que l’abbé Lebeuf explique en ces termes :

« Comme les livres coû-
« taient beaucoup à écrire et que la gravure né-
« tait pas usitée…. il y avait sur les murs des
« classes des peaux étendues où étaient repré-
« sentées en forme d’arbres les histoires et gé-
« néalogies de l’Ancien Testament, etc…. Pierre
« de Poitiers, chancelier de Notre-Dame de Paris,
« est loué dans un nécrologe pour avoir inventé
« ces espèces d’estampes, à l’usage des pauvres
« étudiants, et en avoir fourni les classes.

Il a souscrit, en sa qualité de chancelier, plusieurs

POI

actes, par exemple une charte de l’évêque de Paris Maurice de Sully, en 1184. Célestin III, après 1191, le chargea de pacifier un différend entre les moines de St-Eloi et l’abbaye de St-Victor. En 1196, il délivra une copie authentique de la permission accordée par Philippe-Auguste, à l’église de Paris, de bâtir une maison près du Petit-Pont. Depuis, Innocent III lui adressa une épître au sujet d’une contestation entre la comtesse de Blois et le chapitre de Chartres. Les frères Ste-Marthe, dans le Gallia christiana vetus, et, en les prenant pour guides, Casimir Oudin et Fabricius ont supposé que Pierre de Poitiers avait dans sa vieillesse, après l’an 1200, occupé le siége épiscopal d’Embrun et qu’il y était mort en 1205 ; c’est une erreur qui provenait de l’inattention avec laquelle on avait lu un texte de la Chronique d’Albéric de Trois-Fontaines, où il est dit au contraire que Pierre de Poitiers mourut chancelier à Paris en cette même année. Ce point a été si bien éclairci en 1735 par les bénédictins dans le tome 3 du Gallia christiania nova, qu’il est étonnant que Dominique Hansi ait laissé subsister la méprise de Fabricius dans l’édition qu’il a donnée en 1759 de la Bibliothèque latine du moyen âge. Du reste, Pierre de Poitiers, nous devons le dire, n’était qu’un théologien scolastique, qui n’a eu de célébrité que parce qu’il a plu à Gautier de St-Victor de l’associer à trois personnages plus renommés.

D-N-U.

POITIERS (Diane de). Voyez DIANE.


POIVRE (Pierre), voyageur, né à Lyon, en 1719. d’une famille de négociants estimés. fut élevé dans un pensionnat tenu à la campagne par les missionnaires de St Joseph. Il donna dès lors de si grandes espérances par son ardeur pour l’étude que les missionnaires désirèrent se l’attacher ; il y consentit avec empressement, fut adressé aux missions étrangères à Paris et, après y avoir achevé sa théologie, il consacra quatre années aux études préliminaires qu’exigeait sa destination future : la botanique, l’histoire naturelle, les procédés des arts et manufactures, le dessin, la peinture, etc. ; car on sait que c’est en portant les sciences et les arts de l’Europe dans les contrées où ils étaient envoyés que les missionnaires obtenaient le moyen de s’y établir et de propager les lumières de l’Évangile. Poivre partit à vingt ans pour la Chine et la Cochinchine, y apprit les langues de ces deux pays et recueillit une foule d’observation précieuses de tout genre. Il revenait en France pour s’engager définitivement dans la carrière qu’il avait choisie, lorsque le vaisseau qui le ramenait fut attaqué par les Anglais, au détroit de Banca. Le jeune missionnaire porta sa secours aux lieux les plus exposés, eut le bras emporté, fut fait prisonnier, conduit à Batavia, renvoyé à Pondichéri, où il se trouva lors de la brillante expédition de Madras et des funestes querelles de Dupleix et de la Bourdonnaie ; de là il vint a l’Île de France, en