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rablement. Exilé par Pertinax, alors proconsul d’Afrique, il eut recours à l’amitié de Sévère, son compatriote et peut-étre même son parent. Quelques historiens assurent qu’il acheta sa protection par d’infimes complaisances : en effet, dit Crevier, l’attachement que Sévère lui porta ressemble fort à une passion. Quoi qu’il en soit, Sévère se chargea de la fortune de Plautien ; et, dès qu’il fut arrivé à l’empire, il le créa préfet du prétoire. Dans cette place importante, Plautien put donner un libre cours à ses affreux penchants ; il encouragea Sévère, qui balançait à proscrire les parents et les amis de Pescennius (voy. ce nom), et s’appropria leurs dépouilles. Feignant un zèle extrême pour la personne de l’empereur, il imagina des complots et immola un grand nombre de victimes dans l’unique but d’accroître ses richesses. Bientôt, dans tout l’empire, il n’y eut aucune ville que ne s’empressât d’offrir un tribut au favori, dont l’insatiable cupidité dépouillait jusqu’aux autels et aux temples des trésors dont la piété des peuples les avait décorés. Son orgueil et son insolence égalaient son avarice ; il se faisait rendre les honneurs réservés au souverain : les sénateurs et les soldats juraient par sa fortune ; et partout les citoyens adressaient des prières aux dieux pour sa conservation. Le sénat donnait l’exemple de toutes les adulations ; et dès qu’il eut fait élever une statue dans Rome à l’indigne favori, les principales villes s’empressèrent de lui ériger des monuments comme à l’empereur et aux princes ses fils. Enivré de cette haute prospérité, Plautien se crut tout permis. Dion, écrivain contemporain, rapporte de lui des actes de tyrannie qui sont à peine croyables : il ne souffrait point qu’on l’approchàt, s’il n’en avait accordé la permission ; lorsqu’il paraissait dans les rues, on criait de ne pas se trouver sur son passage, de se détourner et de baisser les yeux. La gloutonnerie était le moindre de ses vices ; il chargeait tellement sen estomac de vin et de viandes, que, comme Vitellius, il était obligé de se soulager par les vomissements. Il surpassait par ses débauches les hommes les plus corrompus ; et cependant il était si jaloux de sa femme qu’il la tenait renfermée, ne lui permettant jamais de voir personne, pas même l’impératrice. Dans les voages qu’il faisait avec l’empereur, il se réservait le meilleur logement ; et sa table était mieux servie que celle de Sévère, qu’on eût pris, non pour le souverain, mais pour le ministre. À la fin, Sévère parut ouvrir les yeux sur les excès de son favori : blessé de la multitude de statues élevées de toutes parts au préfet du prétoire, il en fit abattre et fondre quelques-unes. On crut Plautien perdu dans l’esprit de son maître, et la haine qu’il inspirait éclata d’autant plus qu’elle avait été plus longtemps comprimée. Dans toutes les provinces ses statues furent renversées et son nom fut couvert de malédictions. Mais Plautien rentra bientôt en grâce, et tous ceux qui s’étaient entrés ses ennemis éprouvèrent l’effet de sa vengeance. Sévère combla son ministre de plus de faveurs qu’il n’avait encore fait ; il le désigna consul et l’autorisa, ce qui était sans exemple, à compter les ornements consulaires qui lui avaient été décernés autrefois pour un premier consulat ; enfin il lui permit de cumuler avec cette charge celle de préfet du prétoire. Il semble que Sévère aurait désiré de l’avoir pour son successeur. Dans une occasion, il écrivait : « J’aime Plautien jusqu’à souhaiter « de mourir avant lui. » Sévère fit épouser à Caracalla la fille de son favori ; le mariage fut célébré avec une pompe extraordinaire. Mais Caracalla détestait Plautien autant que son père l’aimait. N’ayant consenti qu’à regret à épouser Plautilla, il ne témoigna pour elle que de l’éloignement, et il déclarait tout haut que le premier usage qu’il ferait de sa puissance serait de se débarrasser du père et de la fille. Plautien sentit le danger de sa position ; il crut l’éloigner en faisant observer toutes les démarches de Caracalla, dont la haine s’accrut contre lui. Profitant d’un refroidissement de Sévère à l’égard de son ministre, Caracalla le fit avertir que Plautien avait formé l’odieux projet de lui ôter la vie. Sévère manda sur-le-champ Plautien et lui reprocha d’avoir pu oublier ses bienfaits au point de conspirer contre ses jours. Plautien surpris se disposait à se justifier ; mais Caracalla se jeta sur lui et l’aurait poignardé si son père ne l’en eût empêché. Alors le jeune prince donna l’ordre à un soldat de tuer Plautien, qui fut égorgé sans que Sévère tentât de s’y opposer. Cet événement se passa dans les premiers jours de l’an 205. Le corps de Plautien fut jeté dans la rue et abandonné aux insultes de la populace ; mais Sévère, par un acte de pitié pour ce ministre malheureux, ordonna qu’on lui rendit les honneurs de la sépulture.

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PLAUTILLA (Fulvia), fille du précédent, était mariée depuis vingt mois à Caracalla, lorsqu’elle fut reléguée avec son frère Plautius dans l’île de Lipari, ont ils languirent dans la misère jusqu’à ce que Caracalla, devenu empereur, les fit égorger. Cette princesse était très-belle ; mais ses manières dures et hautaines avaient achevé de la rendre odieuse à Caracalla, qui ne l’avait épousée qu’à regret. Il n’avait pas eu toujours pour elle de l’éloignement. Une médaille de cette princesse, publiée par M. Mionnet, porte au revers les mots Felix Venus, avec la figure de la déesse. Plautilla avait eu de son mariage un fils, mort au berceau, et une fille, que l’impitoyable Caracalla fit poignarder avec sa mère. On a des médailles de cette princesse en toute sorte de métaux : les plus rares, selon Beauvais, sont celles en bronze de coin romain (voy. l’Hist. abrég. des empereurs, p. 309 ; et l’ouvrage de M. Mionnet Sur le degré de rareté des médailles, grecques et romaines).

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