Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 32.djvu/579

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ainsi que le prouvent son Daniel, son Hercule et sa Junon. Peu de peintres ont rendu sur la toile avec autant de vérité la couleur, les muscles, la stature et tous les mouvements, toutes les habitudes de chaque animal. Peter comptait encore parmi ses protecteurs le prince Antoine Borghèse. Le palais Quirinal et celui du prince Torlonia possèdent plusieurs de ses ouvrages ; et il n’est presque pas en Europe une ville considérable où il ne s’en trouve quelques-uns. Son chef-d’œuvre est un tableau de grande dimension, représentant le Paradis terrestre, où sont distribués par couples tous les animaux que l’auteur avait pu étudier. Cet ouvrage, qui lui avait coûté beaucoup de soins, de travail et de dépenses, restera son plus beau titre de gloire. Malgré de brillantes offres, Peter ne voulut jamais s’en dessaisir. Il était professeur de peinture à l’académie de St-Luc. Cet artiste mourut à Rome le 28 décembre

1829. —

A-y.


PETERBOROUGH (Charles Mordaunt, comte de), fils aîné du vicomte d’Avalon et d’Elisabeth Carrey, naquit en 1662. Destiné par sa famille à suivre la carrière militaire de la marine, il servit d’abord dans la Méditerranée sous les amiraux Torrington et Narborough. En 1680, il montra une grande bravoure à Tanger, alors assiégé par les Maures. Après la mort de son ère, il succéda in son titre de pair, et son début dans la chambre haute fut un discours contre la révocation de l’acte du lest, mesure que Jacques II soutenait de toute son autorité. Désapprouvant la marche de gouvernement adoptée par ce prince, il demanda et obtint la permission de se rendre en Hollande, sous prétexte de prendre le commandement d’une esca re hollandaise qui devait aller aux Indes occidentales. Pendant son séjour à la Haye, il fut un des premiers membres de la noblesse anglaise qui s’engagèrent dans le parti du prince*d’orange. Celui-ci montra beaucoup de déférence pour les avis de Charles Mordaunt, qui l’accompagna dans son expédition d’Angleterre. À l’avènement de Guillaume III, il fut récompensé des marques de dévouement qu’il avait données par l’eutrée au conseil privé et par une des places de gentilshommes de la chambre. En 1689, il fut nommé premier lord de la trésorerie. et obtint le titre de comte de Monmouth, que son grand-père maternel avait porté. Il servit en Flandre, sous le roi Guillaume, dans la campagne de 1692, et résigna son poste à la trésorerie en 1694. Depuis ce moment, on n’entendit plus parler de lui pendant tout le règne de Guillaume. Il eut le titre de comte de Peterborough à la mort de son oncle Henri. En 1705, la reine Anne le nomma commandant en chef des forces anglaises envoyées en Espagne pour soutenir les prétentions de l’archiduc Charles, et amiral de la flotte, conjointement avec sir Cloudesley Shovel. La flotte, qui se trouvait alors à Ste-Hélène, se rendit à Lisbonne, où elle fut jointe par sir John Leak et par l’amiral hollandais Allemonde. Après avoir pris à son bord l’archiduc Charles, le comte de Peterborough se dirigea sur le royaume de Valence (août 1705). Ce fut en vain qu’il somma la ville d’Alicante de se soumettre : les magistrats refusèrent même d’ouvrir les lettres que leur adressait l’archiduc. Il fut plus heureux en d’autres endroits, et s’empara de la ville et du château de Denia, au moyen des intelligences qu’on y avait pratiquées. Les troupes alliées opérèrent ensuite un débarquement près de Barcelone, dont elles firent le siége. Cette place eût sans doute résisté longtemps, si don Francisco Velasco, vice-roi de Catalogne, qui s’y était enfermé pour la défendre, n’avait eu à lutter, avec une poignée de mauvaises troupes, contre une armée habituée à faire la guerre et à observer la discipline. Les dispositions hostiles de la plupart des Catalans et du “peuple même de Barcelone paralysaient les efforts de son gouverneur qui fut obligé de capituler, lorsque, par un funeste accident[1], le fort de Montjoui fut tombé au pouvoir de l’archiduc. Ce prince, reconnu comme roi, fit une entrée triomphante dans la ville. Voltaire rapporte une circonstance relative à ce siége qui fait beaucoup d’honneur au comte de Peterborough. Cet écrivain n’indique point la source où il a puisé son anecdote, que des historiens anglais et français racontent cependant d’après lui, sans en avoir vérifié l’exactitude[2]. Pendant qu’on négociait la capitulation de Barcelone, quelques soldats allemands et catalans pénétrèrent sans la ville par les remparts, et commencèrent à commettre de grands désordres. Le gouverneur s’en plaignit amèrement au général anglais. « Les coupables sont sans doute les Allemands du prince de Hesse, répondit Peterborough ; si vous voulez me permettre d’entrer avec mes soldats anglais, j’essayerai de les chasser, et je reprendrai ensuite ma première position. » Le gouverneur, s’en rapportant à la parole du comte, l’admit avec ses troupes. Peterborough eut bientôt chassé les Allemands et les Catalans ; il les obligea d’abandonner le butin qu’ils avaient fait, arracha de leurs mains la duchesse de Popoli que deux de ces scélérats entraînaient, et la rendit à son époux. Il retourna ensuite à son ancien poste, laissant les habitants pénétrés d’admiration et de reconnaissance de la conduite d’un ennemi qu’on leur avait représenté comme appartenant à une nation de barbares[3]. La réduction de toute la Catalogne, à l’exception de Roses, suivit de près

  1. Une bombe tombée sur le magasin à poudre du fort Monjoui avait fait sauter une partie des murailles, et écrasé le Commandant et quelques-uns de ses meilleurs officiers.
  2. Entre autres Smollett, Anquetil. etc.
  3. Les recherches que nous avons faites dans des documents officiels nous mettent à portée d'affirmer que le fond de cette anecdote est exact ; mais exécution de la capitulation ne fit pas autant d’honneur au comte de Peterborough puisque, malgré ses termes formels, les troupes furent désarmées par les Anglais et renvoyées dans un dénûment absolu.