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la moyenne et la petite, auxquelles la Russie en diverses occasions avait imposé des traités de paix : ce qui ne les empêcha pas de surprendre les caravanes de commerce et de tomber même sur les convois militaires dont on les faisait accompagner depuis 1824. Pérowsky commença par envoyer plusieurs fois des colonnes de troupes dans leur territoire ; il établit ensuite au milieu d’eux des stations militaires, et parvint enfin à engager, moitié par force, moitié par convention, leurs chefs à reconnaître la suzeraineté de la Russie. Les limites de l’empire étant ainsi reculées jusqu’au lac Aral, le gouvernement d’Orenbourg se trouvait limitrophe du khanat de Khiva, ancien centre des Kharismiens, puis d’une branche des Dchinghislthanides. Une expédition malheureuse, dirigée en 1717 par Pierre le Grand contre les khans, avait fait de ceux-ci les ennemis irréconciliables des Russes, qu’ils surprenaient dans de véritables razzias pour leur enlever des prisonniers et les vendre comme esclaves sur les marchés de l’Asie centrale. Après l’ambassade infructueuse de Mourawiefï, en 1820, la Russie n’attendait qu’une occasion favorable pour répondre par des représailles. Ce fut l’Angleterre qui la lui fournit en 1839 par son expéditionAfghanistan, dirigée, au fond, contre la Russie. Après avoir reçu la permission de la cour de St-Petersbourg, Pérowsky se mit en marche contre Khiva le 27 novembre 1839. Son infanterie ne se composa que de 8 000 hommes, mais elle était soutenue par de nombreux cavaliers kirghis et des hordes de Cosaques, dont le général avait lui-même adopté tout l’extérieur et le costume. Il avait en outre veillé avec un grand soin à l’approvisionnement, au transport des tentes et du matériel de chauffage, etc., et chargé quinze mille chameaux. Par malheur, le thermomètre descendit dans cet hiver jusqu’à 36 et 40 degrés au-dessous de zéro ; et comme d’immenses tourmentes de neige survenaient trop souvent dans ces steppes plates et arides, l’armée russe n’avança la fin qu’à raison de deux kilomètres en vingt-quatre heures. Pérowsky, qui n’avait pas voulu encourir une chaleur de 40 degrés dans une campagne d’été, trouva en, revanche un froid de 40 degrés. Sans être trop incommodés par l’ennemi, les Russes durent retourner sur leurs pas, après avoir perdu neuf mille chameaux et presque tous leurs chevaux. — Malgré l’échec du gouverneur d’Orenbourg, le khan de Khiva avait relâché les prisonniers russes. Mais la cour de St-Petersbourg ne se contentant pas d’une si pauvre satisfaction, Pérowsky fut chargé de faire faire des relevés géodésiques des pays à parcourir. En 1841 et 1842, Nikiforow, Blaramberg et Danilewsky durent explorer la steppe kirghise, les côtes du lac Aral et le cours inférieur du Syr-Daria ou laxarte, qui se jette dans ce bassin. D’autres agents, tels que Khanikoff, furent envoyés à la cour de Bokhara pour l’exciter contre celle de Khiva. Depuis lors, aucune année ne se passa sans que des expéditions, soi-disant scientifiques, fussent dirigées de ce côté. Tous leurs résultats furent consignés sur des cartes, qu’on déposa ensuite aux archives de l’état-major du corps d’Orenbourg. Quant à Pérowsky lui-même, épuisé de fatigue, il était allé, en 1842, à St-Pétersbourg, où, nommé général de cavalerie et membre du conseil de guerre ainsi que du conseil de l’empire, il traça à son successeur à Orenbourg, Obroutchetï, toute sa ligne de conduite. En 1847 ou était parvenu à construire une forteresse pour 1 000 hommes et 17 canons, sur une colline avantageusement située près du Syr-Daria, à soixante kilomètres de son embouchure et entourée d’eau de tous les côtés. Cette forteresse dominait la route d’Orenbourg à Khiva, ainsi que le chemin des caravanes conduisant de Bokhara, Balkh et Kaboul, vers la ligne d’Orenbourg. D’après la colline sur laquelle elle était construite, elle a été appelée d’abord Raïm, puis Aralsk, et lorsqu’en 1855 on la plaça un peu plus au sud-est, on lui imposa le nom définitif de fort n° 1. De cette forteresse formant un point d’arrêt et de refuge en cas de besoin, des colonies russes se répandirent à l’ouest et à l’est du lac Aral, ainsi que dans toute la vallée intérieure du Iaxarte, dont elles refoulaient dans la haute vallée les habitants pêcheurs et agriculteurs de la tribu karakalpake. En même temps le gouverneur d’Orenbourg prit, au nom de la Russie, formellement possession du delta du Syr-Daria et des rives du lac Aral. En 1848 et 1849, le capitaine Boutakoff fut chargé de faire le relevé détaillé du lac, occasion à laquelle on y découvrit un groupe d’îles considérables, appelées îles du Czar. C’était sur ces îles que Pérowsky, qui, en 1851, avait repris son ancien poste d’Orenbourg avec le titre de gouverneur général, fit établir des colonies russes, des ports et des points d’abordage fortifiés par des redoutes. Il bâtit en même temps une flottille de bateaux à vapeur pour sillonner le lac et fonda en 1852, sur une île à l’embouchure du Iaxarte, le fort Kos-Aralsk. Sur le point d’intersection de la route d’Orenbourg à Khiva avec le chemin de caravanes, passant par orsk, il construisit ensuite, aux rives de l’Irgis, à quatre cent trente kilomètres d’Orenbourg, le fort de Karaboulak. À deux cents kilomètres de là, où la route, après avoir couru au sud-est, reprend l’ancienne direction sud et rencontre tous les autres chemins de caravanes, Pérowsky établit le fort Irgis. À des intervalles de neuf à quinze kilomètres, il creusa, en outre, des puits et réservoirs d’eau. Ainsi préparé, l’entreprenant gouverneur se mit, au printemps 1853, en marche pour la seconde expédition de Boukharie. Il avait comme second le général Chrouleff, qui devait l’année suivante se distinguer dans la défense de Sébastopol. Après avoir traversé le désert sans encombre, les Russes, arrivés au lac Aral et con-