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côte orientale : Pérou étudie dans de fréquentes visites les peuplades de cette île éteintes aujourd’hui, et dont on retrouve les analogues à la Nouvelle-Calédonie, si récemment française. Le 29 mars 1802, le navire franchit le détroit de Banks, et on commence une première reconnaissance de la terre Napoléon (terre de Flinders), sur la côte sud-ouest de l’Australie. Après avoir reconnu une très-grande île (île aux Kanguroos, île Decrès) et après une tentative infructueuse pour regagner la pointe sud de la Tasmanie, et lorsqu’il ne restait plus que quatre hommes valides et un seul officier, l’expédition aborde à Port-Jackson le 20 juin 1802. Pérou assiste aux premiers développements de la colonie anglaise, et en prévoit dans un de ses plus remarquables mémoires la prospérité future. Le Géographe franchit ensuite le détroit de Bass, et s’arrête à l’île King. Péron, Lesueur, Leschenault, descendus sur ces rivages, y restent pendant douze jours, abandonnés par le navire fuyant la tempête. Péron et ses collègues durent leur salut à une colonie de onze pêcheurs anglais employés à l’exploitation de l’huile et des peaux de phoques gigantesques qui abondaient alors sur les rivages de l’île, se nourrissant de casoars et de kanguroos pris par des chiens dressés à cette chasse, et de wombats qu’ils avaient rendus domestiques ; expérience qu’on reprend en ce moment à plus d’un demi-siècle d’intervalle au jardin d’acclimatation du bois de Boulogne. Ensuite fut visité le petit archipel des îles Hunter, dont les deux principales sont séparées par un détroit de peu de largeur qui a reçu le nom de casual de Péron. Après une nouvelle relâche à l’île Decrès, le mois de janvier 1803 fut consacré à l’examen des golfes de la terre Napoléon, à la découverte des îles Joséphine et du Géographe, à une revue de la terre de Nuytz, déjà relevée par d’Entrecasteaux ; puis, après un séjour au port du Roi-George, dans les premiers jours de mars 1803, on reprit l’exploration de la terre de Leuwin. Dans une nouvelle descente à la presqu'île de Péron, le naturaliste dont l’histoire nous occupe courut les plus grands dangers. Il échappe avec peine, lui et deux de ses compagnons, à -la fureur des naturels, et ils ne sont recueillis par la chaloupe du navire qu’au bout de deux jours d’insomnie et de privation de tout aliment ; ensuite, de la terre de Witt qu’elle a visitée, l’expédition retourne à Timor et y demeure pendant tout le mois de mai 1803. Des vents furieux s’étant opposés à ce qu’on put aborder à la Nouvelle-Guinée et entrer dans le golfe de Carpentarie, on revint à l’île de France où l’on resta cinq mois. On fit encore une relâche d’un mois au Cap. C’est là que, par suite des fatigues d’études excessives, et aussi par suite de quelques écarts de régime, Péron contracte le germe de la maladie de poitrine qui devait amener sa fin prématurée. Le navire débarqua enfin à Lorient le 25 mars 1803, rapportant, outre une immense collection, une centaine d’animaux vivants qui jamais n’avaient encore été amenés en Europe. Péron fut chargé par le ministre de la marine Decrès de publier, conjointement avec Freycinet, la relation du voyage et la description de la collection zoologique. L’Institut s’empressa de l’admettre au nombre de ses correspondants. Le rapporteur de la commission nommée pour examiner les résultats du voyage, Cuvier, déclare qu’elle contient plus de cent mille échantillons d’animaux ; que le nombre des espèces nouvelles s’élève à plus de deux mille cinq cents, et que Péron et Lesueur ont à eux seuls fait connaître plus d’animaux que tous les naturalistes des expéditions précédentes. Péron et Lesueur se fixèrent à Paris dans un petit appartement de la rue Copeau (actuellement rue Lacépède), voisin du muséum. Quelque modeste que fût Péron, son nom était déjà répandu même dans le monde, reçu à la Malmaison, dont il avait enrichi le parc d’animaux précieux, il fut honoré de la bienveillance de l’impératrice Joséphine, qui paya généreusement les dettes contractées par le naturaliste à l’île de France et au Cap pour achat de collections. Il paraît même probable qu’il fut un de ses lecteurs de 1806 à 1807, d’après les souvenirs d’un des petits-fils de M. Petitjean, bienfaiteur de Péron. À cette époque, Pérou, qui avait au plus haut point le culte de la reconnaissance, avait fait venir près de lui ces deux enfants, dont il surveillait l’éducation. Les sociétés savantes du temps se disputaient le voyageur intrépide qui survivait presque seul à la légion scientifique du début de l’expédition aux terres australes. Pérou fut nommé membre de la société de l’école de médecine de Paris, de la société médicale d’émulation, de la société philomatique et de celle des observateurs de l’homme. Le mal incurable qui attaquait de plus en plus les sources de la vie décida Péron à un voyage à Nice. Ce voyage devait être le repos, une amélioration dans son état peut-être ; l’activité infatigable du naturaliste n’en fit qu’une cause de mort plus prompte. Sans cesse en mer sur une barque, exposé aux brouillards et à la pluie, jamais il n’a plus travaillé, comme il l’écrit lui-même à Freycinet. Atteint d’une fièvre hectique intense, Péron revint d’abord à Paris, et enfin il fut transporté à Cérillï près de ses deux sœurs. Le malade avait son lit placé dans une étable, qu’un ancien camarade d’études, M. Bonnet, avait disposée à cet effet. Il ne prenait d’autre nourriture que le lait des vaches que ses sœurs ou son ami Lesueur allaient traire. Comme on craignait de le laisser parler, à côté de ses sœurs penchées sur son lit, Lesueur lui faisait constamment la lecture, et ne cessait que lorsqu’il l’avait vu s’endormir. Il s’éteignit peu à peu dans la nuit du 14 décembre 1810, la main dans celle de Lesueur. Beaucoup plus tard les