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rin, la numismatique n’avait pas une allure bien déterminée. On marchait sans méthode dans cette science ; on manquait surtout d’un bon système de classification. Les uns ne faisaient cas que des médailles impériales ; les autres ne recherchaient que les consulaires : ceux-ci ne voulaient que le moyen, le grand ou le petit bronze ; ceux-là que les médaillons. Personne ne s’occupait des médailles de villes, ou du moins c’était d’une manière très-secondaire. On distribuait les médailles dans les tiroirs sans mélange de métaux. On séparait aussi les divers modules de médailles ; on les rangeaít par ordre alphabétique sur les catalogues. Cet ordre n’avait quelque utilité que pour la prompte recherche des pièces qu’on avait à consulter ; mais il était extrêmement vicieux pour l’étude de l’histoire et pour la géographie, puisqu’il rapprochait les villes les plus éloignées, telles que Lacédémone et Lampsaque, Alexandria-Troas et Alexandrie d’Égypte, Panomie de Sicile et Panticapée de la Tauride, etc. Pellerin fut le premier qui s’aperçut combien une pareille distribution était éloignée de l’esprit philosophique qui doit servir de base à la théorie de toutes les sciences. Il vit qu’il était aussi ridicule, dans l’intérêt de l’histoire et de la géographie, de distribuer les médailles selon leurs métaux ou leurs modules, que d’arranger les plantes selon leurs qualités ou d’après la nature de leurs tiges. Adoptant une méthode plus simple, il fit de grandes divisions géographiques de tous les pays dont on a des médailles ; il s’attacha principalement aux autonomes, qu’on avait a peine remarquées avant lui, les rangea selon les contrées auxquelles elles appartenaient, en conservant néanmoins l’ordre alphabétique pour les villes ou peuples compris dans chacune de ces contrées. Il embrassa le même système pour les médailles de rois et de colonies. Tous ceux qui, par goût ou par état, suivaient cette branche des connaissances humaines, adoptèrent sa réforme. Le célèbre Eckbel, trouvant la route frayée, s’y élança en homme supérieur ; et sa Doctrina numorum veterum, monument éternel d’un profond savoir réuni à la plus saine critique et à la classification la plus méthodique et la mieux coordonnée dans toutes ses parties, fut, il faut le dire pour l’honneur de la France, l’heureux résultat de la première pensée de Pellerin, qui avait fait faire à la numismatique un pas de géant. Personne avant Pellerin n’avait signalé et relevé un plus grand nombre d’erreurs commises par ses devanciers. Il apporta dans ses travaux de critique et d’explication de types des médailles une grande rectitude de jugement et une rare perspicacité. Il est vrai que le hasard se réunit aux circonstances pour le bien servir ; car, outre que sa collection devint par ses soins la plus nombreuse de toutes celles que jamais particulier eût formées, elle contenait une foule de pièces d’une insigne rareté, et beaucoup d’autres qui étaient uniques. Il est à regretter que le catalogue raisonné de cette immense et magnifique collection n’ait pas été fait d’un seul ’et, ou du moins qu’il n’y ait pas, au dernier volume, une table générale des matières. Malgré les lumières que cet ouvrage a répandues sur la science, il n’est pas plus que les autres exempt d’erreurs. Quelques-unes furent relevées par le P. Khell, par l’abbé Barthélemy, par Swinton, par Eckhel. On peut néanmoins lui appliquer la pensée d’Horace : Ubi plura nitent.... non ego paucís offendar maculis. (Ars poet.) Pellerin avait une sorte de passion pour la numismatique. Ce zèle ardent s’était si peu refroidi avec es années, qu’étant plus que nonagénaire et aveugle il composa et écrivit lui-même, à l’aide d’un procédé fort ingénieux, le dernier volume de son ouvrage intitulé Addition, etc., qui contient la description de plusieurs médailles inédites extrêmement importantes, et entre autres celle (en or) d’Euthydème, roi de la Bactriane, à peine connu par quelques passages de Polybe. Notre vénérable antiquaire ne pouvait couronner plus glorieusement sa carrière numismatique que par cette précieuse médaille qui est encore unique a ce moment. Frappé de la haute importance de cette collection, le roi l’acheta en 1776 pour trois cent mille francs. De trente-deux mille cinq cents médailles dont elle se composait, suivant le procès-verbal de cession, il y en eut, en défalquant les doubles réservées pour des échanges, dix-sept mille trois cent dix qui entrèrent dans les diverses suites du cabinet royal, ce qui en éleva la totalité à environ quarante-quatre mille. Le roi consentit à laisser Pellerin jouir de sa collection jusqu’à sa mort, qui eut lieu in Paris le 30 août 1782. Il était dans sa 99e année. Son portrait, gravé avec la devise Anima matures et ævo, se voit à la tête du premier volume de ses Recueils. Un autre portrait, plus grand, le représente entouré de ses médailles les plus rares ; celui-là est très-recherché.


PELLET d’Épinal (Jean-François), que l’on a nommé le Barde des Vosges, et qui méritait ce titre par sa candeur, son talent poétique, à qui il n’a manqué, peut-être, qu’une assez longue vie pour parvenir au premier rang du Parnasse français, naquit à Épinal en 1782. Il fit de très-bonnes études dans cette ville, et se consacra aussitôt après au barreau. Devenu l’un des meilleurs avocats d’Epinal, il ne composait des vers que pour se distraire des ennuis de la chicane. Cependant il en avait composé de très-remarquables, et s’était fait un nom dans le département des Vosges, lorsqu’il lui survint un procès assez curieux et que certainement il ne pouvait prévoir. Il avait envoyé à Paris, pour y être imprimé, un poème intitulé les Classiques et les Romantiques. Après avoir passé dans plusieurs mains, son manuscrit tomba dans celles de M. Massey de Tyronne, ancien procureur du roi et avocat