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superstitieuse qui admirait comme : os de géants des os prodigieux provenant de corps d’éléphants, etc. Il eut continuellement à lutter contre une complexion extrêmement faible. Cet homme valétudinaire possédait, si l’on en croit Gassendi, une telle sensibilité d’organes, qu’ayant la langue enchaînée par une paralysie, il recouvra tout à coup la parole et la liberté de ses mouvements par le plaisir que lui causa une romance chantée devant lui. Peiresc fut exempt de l’exil infligé par Richelieu, en 1631 et 1632, aux conseillers du parlement d’Aix, qui avaient repoussé le projet ministériel d’organiser la Provence en pays d’élection : il partageait les sentiments des opposants, mais il était demeuré étranger aux troubles populaires. Il écrivit à tous ses amis de Rome en faveur de Galilée dans les fers. Peiresc mourut entre les bras de Gassendi, le 24 juin 1637. Le pape Urbain VIII, qui avait été en commerce de lettres avec lui, ordonna que son éloge fût prononcé dans la salle de l’académie des Humoristes, quoique cet honneur n’appartint, aux termes du règlement, qu’aux présidents de ce corps littéraire. L’orateur fut Jean-Jacques Bouchard, Parisien, établi à Rome, et il compta dix cardinaux dans son auditoire, indépendamment de cet hommage solennel, la reconnaissance exprima en quarante langues les regrets de la république des lettres : le recueil de ces différentes pièces fut publié à Rome par les soins du même Bouchard[1]. La réputation de Peiresc était bien plus grande encore hors de son pays. Après la mort de Peiresc, on trouva plus de dix mille lettres que lui avaient adressées des savants de France, d’1talie, d’Angleterre, d’Allemagne et des Pays-Bas. La plupart furent détruites par sa nièce et son héritière, qui s’en servait, au rapport de Ménage, pour allumer son feu ou pour se faire des papillotes. Cependant il resta deux volumes in-fol. de lettres écrites à Peiresc, et six in-fol. des lettres de Peiresc lui-même. Le président Thomassin de Mazaugues, qui avait épousé sa nièce, se proposait de publier un choix de cette correspondance, et son prospectus annonçait plus de six volumes in-4o. Les manuscrits furent ensuite confiés à Séguier, de Nîmes, lequel ne put trouver d’imprimeur qui acceptât ses conditions. Nous indiquerons les lettres im« primées de Peiresc, dont nous avons connaissance : 1o Quarante-huit lettres en italien, depuis 1605 à 1623, adressées à Paul et J.-B. Gualdo, et insérées dans les Lettere d’uomini illustri, Venise, 1744, in-8o ; 2o quelques-unes mêlées parmi celles de Cambden, Londres, 1691, in-11o ; 3o deux Lettres sur le Pentateuque samaritain, dans les Antiquités de l’église orientale de Richard Simon ; 4o huit Lettres à Scaliger, suivies d’une lettre latine de Brutius sur la colonne Trajane, 36 pages ; 5o Lettre où Peiresc rend compte à son frère de la visite que lui fit le cardinal Barberin ; il y donne une idée des richesses de son cabinet, in-8o de 13 pages ; 6o Lettres au prieur Borelli, possesseur d’un beau cabinet à Aix, 23 pages ; 7o Correspondance de Peiresc avec Th. d’Arcos, comprise en deux recueils séparés, l’un de 56 pages, l’autre de 211. Les Lettres désignées sous ces quatre numéros ont été publiées à part, en 1815, par M. Fauris de St-Vincens, après avoir paru dans le Magasin encyclopédique ; 8o Correspondance de Peiresc avec Aléandre, publiée par le même dans les Annales encyclopédiques, et tirée à part à cent exemplaires, Paris, 1819, in-8o de 116 pages : 9o deux ou trois autres Lettres dans le Magasin encyclopédique. La correspondance de Peiresc avec Holstenius fait partie du volume publié par M. Boissonade sous le titre de Lucæ Holstenii epistolæ, etc., 1817, in-8o. Peiresc était l’ami et le correspondant de Malherbe ; on a imprimé en 1822 une suite de lettres que lui a écrites ce grand poète. Peiresc écrivait facilement en italien ; mais rarement il renonçait à l’usage de la langue française, il ne cessait d’exhorter ses concitoyens à suivre son exemple. Le seul de ses ouvrages qui ait vu le jour est une dissertation sur un trépied ancien, découvert à Fréjus (voy. Antelmi) : on la trouve dans le 10e volume des Mémoires de Desmolets. L’on peut y joindre un Mémoire sur l’arc de triomphe d’orange, publié par Montfaucon, dont les deux grands répertoires archéologiques contiennent plusieurs gravures d’après Peiresc. La liste de ses manuscrits a été donnée par le même auteur, dans le tome 2 de sa Bibliothèque des Manuscrits. On regrette un catalogue raisonné, dans lequel le laborieux magistrat avait pris soin d’expliquer lui-même ses médailles : ce travail fut supprimé par des mains infidèles. Les plus importantes des productions inédites de Peiresc sont une Histoire de la Gaule Narbonnaise, des Mémoires sur l’origine des familles nobles de Provence, des matériaux pour l’histoire de son temps, des documents pour l’histoire générale de la France, un Traité des œuvres bizarres de la nature, un recueil des auteurs grecs et latins sur les poids et mesures, des inscriptions anciennes et nouvelles, des éloges et épitaphes. Un recueil De nummis Græcorum, Romanorum et Judæorum ; Tractatus de monetis, etc.[2] ; des remarques et un index de



  1. Il est intitulé Monumentum romanum Nicolao Cl. Fabricio Pèrescío senatori Aquensi doctrinæ virtutisque causa factum, 1688, typis Vaticanis. in-4o de 20 et 110 pages, avec son portrait. La partie la plus curieuse de ce recueil est la Panglossia (p. 86-119), qui contient 46 pièces, inscriptions ou épitaphes en quarante langues, recueil polyglotte le plus étendu qui eut encore paru en ce genre, et auquel on ne pouvait peut-être comparer que le Virga aurea du Hepburne, publiée en 1617 (voy. Marie). Uhébreu, le syriaque, etc.. le persan, le géorgien, l’arménien, l’éthiopien, le copte, l’esclavon, le russe, le polonais et l’albanais, sont imprimés chacun avec leurs caractères particuliers : l’indien (brachmanicum), le japonais, le péruvien (Quichua), etc., sont en lettres latines.
  2. Ce manuscrit, en 2 volumes in-fol., a passé successivement du cabinet de Boze (no 2193) à celui de Cotte (no 22683), et de la bibliothèque de Van Damme (no 1286) dans celle de M. le baron de Westreenen de Tiellandt, où il était en 1818.