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de Condorcet de nouvelles notes dans une édition qui parut en 1778, réimprimée en 2 volumes in-18, Londres (Cazin), 1785. À la lecture de ce recueil et du double commentaire qui l’accompagne, le livre tombe des mains. La mauvaise foi et l’indécence y éclatent à chaque page, sans parler de la faiblesse du raisonnement dans les passages où les auteurs ont voulu être sérieux. Si ce travail est un déplorable monument des efforts de l’incrédulité, il atteste du moins l’impuissance des auteurs dans une triste cause, par la perfidie des moyens qu’ils sont réduits à employer. On sait que Voltaire faisait à Condorcet cette loyale invitation : « Mon ami, ne vous lassez point de répéter que, depuis l’accident du pont de Neuilly, le cerveau de Pascal était dérangé. » Il est vrai que, selon la remarque de Bossut, il n’y a à cela qu’une petite difficulté : c’est que ce cerveau dérangé a produit depuis l’accident les Provinciales et les Solutions des problèmes de la roulette[1]. 27° Lettre touchant la possibilité d’accomplir les commandements de Dieu, et Dissertation sur le véritable sens des paroles du concile de Trente, que les commandements ne sont pas impossibles aux justes ; 28° plusieurs écrits de peu d’étendue : Discours sur la


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possibilité et le pouvoir ; — Comparaison des anciens chrétiens avec ceux d’aujourd’hui : — Questions sur les miracles ; — écrit sur la signature du formulaire ; — fragment d’un écrit sur la conversion du pêcheur, etc. 29° Parmi d’autres écrits attribués Pascal, ou du moins auxquels on croit qu’il a travaillé avec Arnauld, Nicole, Hermant, etc., on cite des factums pour divers curés, touchant l’ouvrage intitulé Apologie pour les casuistes, des projets de mandements, la Réponse à un écrit sur le sujet des miracles qu’il a plus à Dieu de faire à Port-Royal, etc. R-M-D.


PASCAL-VALLONGUE (Joseph-Secret), général de brigade dans l’arme du génie, naquit à Sauve (département du Gard) le 14 avril 1763. Dans le cours de la révolution, il passa du génie des ponts et chaussées dans le génie militaire, et fit toutes les campagnes du Nord et d’Italie. Le commandement des îles de la Grèce lui fut confié après la paix d’Udine. On l’en retira pour l’expédition d’Égypte. Fait prisonnier au combat d’Aboukir, il revenait en France sur sa parole, avec quarante-cinq autres officiers ; mais le vaisseau qui les portait ayant relâché à Syphante, ils furent livrés aux Turcs par le capitaine, chargés de fers, envoyés à Constantinople et enfermés dans les prisons du bagne. Son talent pour la poésie, qu’il n’avait cultivée que comme un amusement, lui fut singulièrement utile en cette occasion. Une épître en vers, qu’il adressa à l’ambassadrice d’Angleterre à la Porte, pour l’intéresser à son sort et à celui de ses compagnons d’infortune, toucha cette femme sensible, belle-sœur de sir Sidney Smith, qui était alors en grand crédit à la cour ottomane et qui obtint facilement leur liberté. Le poëte captif avait trouvé au bagne une centaine de Français, restes mutilés de 400 braves qui avaient succombé sous l’effort de 11,000 Turcs, au combat de Nicopoli, en Épire, le 23 octobre 1798. Il a publié la relation de cette affaire et des horribles traitements qu’éprouvèrent de la part des vainqueurs ceux qui furent assez malheureux pour conserver la vie. Quand la guerre se fut rallumée, après la paix d’Amiens, Pascal-Vallongue, qui avait recouvré par ce traité le droit de reprendre les armes, servit de nouveau avec distinction en Allemagne et en Italie. À Ulm, il eut l’honorable mission de recevoir les drapeaux que l’armée vaincue s’était soumise à déposer aux pieds du vainqueur. Après la victoire d’Austerlitz, il alla commander le génie au siège de Gaëte, où il fut tué le 17 juin 1806. Les troupes consacrèrent un monument à sa mémoire aussitôt quelles furent entrées dans la place, quatre jours après sa mort, et le chef du gouvernement napolitain à cette époque lui en fit ériger un autre, sculpté par Canova, et sur lequel fut placée par ses ordres l’inscription la plus honorable. Le général Vallongue a fourni des articles aux six premiers volumes du Mémorial topographique et militaire,

  1. Les Pensées de Pascal, dont il existe de nombreuses éditions pour que nous puissions en donner la nomenclature, et qui sont constamment réimprimées, ont été depuis quelques années l’objet de nombreux et importants travaux. Le manuscrit original est conservé à la bibliothèque de Paris ; il est composé d’une multitude de petits morceaux de papier qui ont été collés au hasard, et qui sont criblés de ratures et de surcharges ; l’écriture presque indéchiffrable augmente les difficultés. Ce manuscrit a été scruté, interrogé avec la plus minutieuse attention. M. Victor Cousin a donné sous ce rapport une forte impulsion en se livrant à des recherches qu’il a publiées en 1843 : Des Pensées de Pascal ; Rapport à l’Académie française sur la nécessité d’une nouvelle édition de cet ouvrage (in-8o, LV et 450 pages). Ce travail a été reproduit avec quelques changements de détails et quelques additions dans le 1er volume de la 3e série (Littérature) des Œuvres de M. Cousin * (édit. gr. in-18). Bossut eut le premier l’idée de diviser le travail du Pascal en deux parties ; il augmenta l’obscurité et la confusion des premières éditions. En 1835, M. Frantin tenta de rétablir les Pensées dans leur ordre primitif, mais ce dessin fort louable, entrepris sans recourir au manuscrit, ne réussit pas complètement ; du moins l’éditeur, qui avait beaucoup lu et médité Pascal, en a-t-il habilement caractérisé la philosophie dans la remarquable introduction qu’il a placée en tête de son volume. M. Prosper Faugère a donné, en 1844, en 2 volumes in-8o, une édition des Pensées en revoyant le texte sur les manuscrits autographes, en classant les fragments dans l’ordre qui paraît le plus logique. Quant à retrouver le plan primitif de Pascal, il ne faut pas se flatter d’y réussir ; l’illustre apologiste n’avait encore arrêté que l’idée fondamentale et la grande division de son ouvrage ; les divisions secondaires restaient à trouver. Une introduction de 87 pages fournit d’ailleurs sur le travail de M. Faugère et sur les principes qui l’ont dirigés d’amples renseignements. Cette édition, d’après M. Ste-Beuve (Port-Royal, t. 3, p. 50), est la seule exacte et conforme de tout point au manuscrit. Dans ces cas on pourrait presque regretter de ne pouvoir plus citer l’ancien texte plus courant et plus net. En 1862, M. Ernest Havet a publié, de son côté, les Pensées, en s’inspirant des idées de M. Cousin. « Je me suis, dit-il, reporté au manuscrit autographe dont j’ai tiré plusieurs corrections ; cependant mon édition ne diffère pas en général de celle de M. Faugère quant au texte de chaque fragment pris à part. Elle présente cependant un autre aspect ; la disposition n’est plus la même. » Ba-T * Le travail de M. Cousin a été apprécié d’une façon favorable dans la Revue de Paris’, 1844, T. 3, P. 188. Charles Nodier a dit d’ailleurs avec raison, ce nous semble, au sujet de ces discussions sur tel ou tel paragraphe des Pensées : « Il ne faut pas prêter une trop grande importance aux variantes d’un brouillon informe qui a partout l’élan et, tranchons le mot, a la témérité d’un premier jet. »