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liages n’étaient point obligatoires. L’assemblée partagea cette opinion : ainsi fut levé un des principaux freins qui pouvaient arrêter les novateurs. Le 9 août, il s’opposa a ce que l’emprunt proposé par Necker fût hypothéqué sur les biens du clergé, attendu, disait-il, qu’un pareil gage mettrait obstacle à l’exécution des projets de l’assemblée sur les biens ecclésiastiques. Chaque jour son langage prenait un caractère plus décidé. Ainsi, le 5 octobre, ce fut avec beaucoup de vivacité qu’il s’éleva contre la réponse évasive du roi, à la demande de sanctionner les articles décrétes sur la constitution. Il n’accordait au monarque que la faculté d’y accéder, et non le droit de les refuser et encore moins d’en faire la critique. On le vit demander avec animosité, les 10 et 11 novembre 1789, puis le 9 janvier 1790, la suppression ou la mise en jugement des magistrats des parlements de Rouen (voy. Barnave), de Metz et de Rennes, pour avoir protesté contre les décrets de l’assemblée. Le 10 avril, au nom du comité des domaines, il proposa de déclarer tous les biens de la couronne aliénables par la nation seulement, et mis en vente sur-le-champ, à l’exception des châteaux, domaines et maisons royales qu’il plaira à Sa Majesté de conserver, motion qui fut passée en décret le 9 mai suivant, et qui lui fut reprochée sous la convention comme un acte de royalisme. Il avait été élu le 4 janvier 1790 secrétaire de l’assemblée. Il publia alors un petit volume in-12 de 53 pages, sorti des presses de Firmin Didot, intitulé les Étrennes du peuple, ou Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen, précédés d’une Épître aux nations. Le 21 décembre, il fit accorder une pension à la veuve de J.-J. Rousseau. Barére professait aussi la plus grande admiration pour Voltaire, et il fut, le 12 juillet 1791, au nombre des quinze membres qui assistèrent au nom de l’assemblée à la translation des cendres du patriarche de Ferney au Panthéon. Lors du départ de mesdames, tantes du roi, il proposa (25 février 1791) d’obliger à la résidence tous les fonctionnaires publics, en commençant par le roi, et par tous les membres de la famille royale. Le 7 mars, il insista pour que les ministres fussent nommés par le roi, et non pas élus par le peuple, car, observa-t-il, "donnez au peuple une part dans leur élection : aussitôt le a pouvoir devient une chimère et la responsabilité est impossible…". Le 15 mai, il se prononça pour qu’on accordat le titre et les droits de citoyens aux hommes de couleur. À l’occasion de l’évasion de Varennes, il s’opposa a ce que les déclarations du roi et de la reine sur ce grand délit national fussent reçues par les commissaires de l’assemblée, et insista pour que les juges seuls reçussent, par écrit, ces déclarations. Quelques jours aprés, il appuya un projet de loi contre les émigrés ; l’assemblée en la votant fut surtout déterminée par les sophismes que prodigua Barére, añn de prouver la nécessité de cette mesure, qui n’était, à l’en croire, qu’une simple mesure de police. Ce décret fut comme non avenu, par suite de l’amnistie générale du 11 septembre suivant. La discussion étant engagée le 15 août sur les relations du corps législatif avec le BAR

roi, Barère se joignit à Robespierre pour demander que les ministres n’eussent le droit de prendre la parole dans l’assemblée que pour donner, quand ils en seraient requis, des éclaircissements sur les objets appartenant à leur administration. Il s’opposa à ce que l’initiative de la proposition des contributions publiques leur fût laissée. Il faut lire ce long discours de Barère, qui fut fort applaudi, pour avoir l’idée des principes désorganisateurs qui animaient alors nos gouvernants. Barère ne fut point compté parmi les grands orateurs de l’assemblée constituante ; seulement l’on peut remarquer la hardiesse ascendante de ses opinions tant dans son journal qu’à la tribune, à mesure que la révolution acquérait plus de force. Il avait d’abord préféré le club des feuillants, qu’il présida, au club des jacobins ; plus tard, il devint un des plus zélés apôtres de ce dernier club. Pendant l’assemblée législative, il fut élu juge au tribunal de cassation au mois de mars 1791 Après le 10 août, il obtint, avec Collot d’Herbois et Robespierre, une place parmi les jurisconsultes patriotes qui, sous Danton, formaient le conseil du ministère de la justice. Elu, en septembre 1792, député des Hautes-Pyrénées a la convention nationale, il proposa, dés le lendemain de l’ouverture de la session, d’envoyer des commissaires dans les départements des Pyrénées, afin de mettre en état de défense les places de Perpignan et de Bayonne. Lui-même fut nommé membre de cette commission ; mais il demeure à Paris, car on le voit, deux jours aprés, demander le rejet sur toutes les propositions des ministres Roland, Servan et Danton. Il fut nommé le 11 octobre membre du comité de constitution. Le 30 octobre il appuya la suspension de cette commune de Paris, "qui, dit-il, a si souvent donné l’exemple de la violation des décrets. Le conseil général, né de l’anarchie, doit cesser avec l’anarchie." Barère tenait encore quelque peu au parti des modérés ; mais, voyant que la modération était une cause de prescription, la terreur s’empara de lui, et il alla faire amende honorable aux pieds de Robespierre. Celui-ci lui promit sa protection, à condition qu’il se dévouerait à son parti. Il est à croire toutefois que leur pacte n’était pas encore bien cimenté lorsqu’à la séance du 5 novembre Barère, en demandant l’ordre du jour sur les premières accusations des Girondins contre Robespierre, le motiva sur ce que la convention ne devait s’occuper que des intérêts de la république ? "Ne faisons pas, dit-il, des piédestaux à des pygmées. — Je ne veux pas de votre ordre du jour, s’écria Robespierre." Le soir même, à la société des jacobins, Barère, qui avait à cœur d’apaiser le mécontentement de Robespierre, fit l’apologie des journées de septembre, "comme ayant anéanti tous les projets désastreux enfantés par l’hydre du feuillantisme, du royalisme et de l’aristocratie." Bientôt commencèrent les débats sur le procès de Louis XVI. Barère y prit toujours une grande part. D’abord il fit décréter l’impression de tous les discours prononcés dans cette discussion (15 novembre) ; puis, à propos de la lettre du défenseur officieux Huet, qui