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« bataille des trente. » (Voy. la Chronique de Froissard.) G.-F. de Toustain a publié, sur l’authenticité de cette journée, une dissertation intéressante qu’on n’a point réfutée. On voyait encore, il y a peu d’années, entre Ploërmel et Josselin, les débris vénérables du chêne de mi-voie. Enfin, les Anglais, dont le témoignage en cette occasion n’est pas suspect, ont élevé un monument religieux à la mémoire de ceux de leurs guerriers qui périrent à la bataille des trente. Cambry a fait graver ce monument en 1805.

D. N — L.


BEAUMANOIR (Jean de). Voyez Lavardin.


BEAUMANOIR (le baron de), littérateur, était né vers 1720, en Bretagne. Ayant embrassé la profession des armes, il entra dans les mousquetaires, et fit avec distinction plusieurs campagnes en Flandre et en Allemagne. À la paix de 1765, il fut mis à la retraite, et dès lors chercha dans la culture des lettres un noble délassement. Il devait donc être dans un âge avancé, lorsqu’il publia le recueil de ses écrits en prose et en vers, sous le titre d’Œuvres diverses, Lausanne (Paris), 1770, 2 vol. in-8o. Le 1er contient deux tragédies en cinq actes, Osman III et Laodice, reine de Carthage, sujet déjà traité par Thomas Corneille ; deux comédies, les Ressources de l’esprit, en 5 actes et en vers, et les Mariages, en 1 acte et en prose ; Zéliane, tragédie lyrique, et Sidonis, pastorale. Il y a de l’esprit et de la gaieté dans les comédies ; mais les autres pièces, dont aucune d’ailleurs n’a été représentée, sont au-dessous du médiocre. Le 2e volume renferme la Justification d’Enguerrand de Marigny (voy. ce nom), morceau d’une assez grande étendue, et plein de recherches intéressantes ; avec les Mémoires de la jeunesse de l’auteur. Exalté, comme Beaumanoir le dit lui-même, par la

lecture souvent répétée du plus grand des poètes, il ne put résister au désir de traduire ses ouvrages : mais on peut croire qu’avant d’entreprendre cette tâche il n’avait pas assez consulté ses forces, car sa traduction de l’Iliade en vers, Paris, 1781, 2 vol. in-8o, n’obtint pas même l’honneur d’être critiquée. « J’emploie, dit-il dans la préface, tous mes moments à la traduction de l’Odyssée, dont j’ai déjà achevé plusieurs chants et que j’espère conduire à la fin avant une année. » Mais le peu de succès de l’Iliade l’empêcha sans doute de mettre au jour l’Odyssée. Si l’on en croit les biographies modernes, le baron de Beaumanoir mourut dans l’émigration.

W— s.


BEAUMARCHAIS (Pierre-Augustin Caron de), homme de lettres, et surtout d’intrigue, né à Paris, le 21 janvier 1732, était fils d’un horloger qui le destinait à sa profession. Il s’y adonna d’abord avec ardeur et y joignit avec succès l’étude des mathématiques appliquées à la mécanique. On lui doit l’invention d’une nouvelle espèce d’échappement, « première preuve, dit Laharpe, et premier essai de cette sagacité naturelle qui peut s’étendre à tout. » Cette découverte, assez importante pour qu’un compétiteur la lui disputât, fut définitivement adjugée à Beaumarchais par l’académie des sciences. L’esprit vif dont la nature avait doué le jeune horloger ne s’accorda pas longtemps avec un travail manuel. Passionné pour la musique, il se mit à l’étudier, et devint en peu de temps d’une habileté supérieure sur la guitare et sur la harpe, dont il perfectionna le mécanisme. Il publia quelques légères productions musicales qui eurent alors de la vogue et le mirent à la mode comme un amateur très-agréable. Mesdames de France, Adélaïde, Sophie et Victoire, filles de Louis XV, furent curieuses de l’entendre ; elles s’occupaient beaucoup de musique, et donnaient chez elles des concerts où assistait quelquefois le roi leur père. Beaumarchais fut admis à ces concerts : les princesses le prirent pour maître de harpe et de guitare, quoiqu’il n’eût jamais donné de leçons. Il n’était point de ces gens qui ne mettent leurs talents que dans leur art ou dans leurs livres, et ne savent pas se servir de leur esprit dans le monde ; aussi, grâce à ces relations si fort au-dessus de sa naissance et de ses habitudes, il acquit bientôt l’usage et l’aplomb d’un homme de cour, et ses augustes écolières l’admirent dans leur intimité. Un prince qui aimait à s’instruire, et qui fut trop tôt enlevé à la France, le dauphin, fils de Louis XV, rencontrant Beaumarchais chez les princesses ses sœurs, ne manqua pas cette occasion d’entretenir un homme d’esprit : il goûta Beaumarchais parce qu’il lui disait la vérité : c’est le témoignage que lui rendit ce prince. Cette heureuse position fit à Beaumarchais beaucoup de jaloux. Un jour, un jeune seigneur, dans l’intention de l’humilier, lui dit : « Monsieur Caron, ma montre est dérangée ; voyez donc, je vous prie, ce qui peut y manquer ; vous devez vous y connaître. » Beaumarchais prit la montre, et la laissant tomber comme par mégarde : « Ah! pardon, monsieur, dit-il à l’impertinent ; mon père m’avait bien dit que je ferais toujours un méchant ouvrier. » Il dut à ces augustes protections l’intimité du fameux financier Pâris Duverney, à qui l’on fit promettre de faire la fortune de ce jeune homme, et qui s’y prêta d’autant plus volontiers, qu’il était déjà l’obligé de celui qu’on lui recommandait chaudement. Duverney avait souhaité passionnément, mais en vain, pendant neuf ans, que Louis XV allât visiter l’École militaire, dont il était le fondateur ; et l’on imagine sans peine, si l’on se reporte à ce temps-là, quelle noble espèce d’intérêt et d’ambition ce vieillard, comblé d’ailleurs de tous les biens, pouvait mettre à ce que le monarque l’honorât d’une visite. Beaumarchais plaida cette cause auprès de Mesdames, et obtint de leur bienveillance qu’elles donnassent à leur père un exemple qu’il voulût bien imiter. En effet, la visite des princesses fut aussitôt suivie de celle du roi, qui vint prendre à l’École militaire une collation magnifique. Duverney, transporté de cette démarche, qui était pour lui la récompense d’une vie toute employée au service du monarque, versa des larmes de joie. C’était alors un événement qu’une pareille visite, car le roi Louis XV prodiguait peu sa présence. Ajoutons que si la guitare et la harpe avaient introduit Beaumarchais chez Mesdames, il ne pouvait faire de son ascen-