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trois jours aprés, il expira (1206). Baudouin avait vécu 55 ans[1]. Plus longtemps captif qu’empereur, il n’avait régné que onze mois, depuis son couronnement jusqu’à la bataille d’Andrinople. Son crane fut entouré de cercles d’or, et servit de coupe au roi barbare. L’incertitude des circonstances de la mort de Baudouin jeta du doute sur sa mort même ; et un imposteur qui prit son nom abusa quelque temps la Flandre et le Hainaut. « Aucun des princes croisés, a dit un auteur (Lebeau, Hist. du Bas-Empire), ne et surpassait Baudouin en valeur guerrière, aucun a ne l’égalait en vertus civiles. Doux, affable, plein et d’humanité, il ne pouvait voir un malheureux a sans le secourir ; il souffrait sans humeur les contradictions, et renonçait sans résistance à son propre avis pour en embrasser un meilleur. Il ne manquait ni de lumières pour apercevoir la route et qu’il fallait tenir dans les conjonctures les plus « embarrassantes, ni de constance à la suivre. Sa piété trouvait dans les plus grandes occupations le temps de la prière, et la pureté de ses mœurs lui interdisait même les regards qui auraient pu la ternir. Son aversion pour la débauche allait jusqu’à la singularité. Deux fois par semaine, il faisait crier le soir dans son palais : Défense à tout et impudique de coucher sous le même toit que le prince. Il aimait les lettres, et, avant son départ « de Flandre, il chargea plusieurs personnes instruites de rechercher et de rédiger l’histoire dua pays. »

C-l.

BAUDOUIN II, dernier empereur de Constantinople, était fils de Pierre de Courteney et d’Yolande, sa seconde femme. Il n’avait que onze ans lorsque le sceptre lui fut dévolu, en 1228, par la mort de son frère Robert, qui avait succédé à Pierre de Courtenay. À l’avènement de Baudouin, l’empire des Latins était menacé d’un côté par Vatace, empereur grec, maître de l’Asie Mineure ; et, de l’autre, par Théodore, despote d’Épire. Les seigneurs français cherchèrent une alliance qui pût rendre quelque force au trône de Constantinople ; dans cette vue, on arrêta le mariage de Baudouin avec Marie, fille du vieux Jean de Brienne, Comte de la Marche, et l’un des chefs les plus célèbres de la cinquième croisade. Jean de Brienne reçut lui-même le titre d’empereur ; mais, jusqu’en 1255, il ne fit rien pour arrêter les progrès de Vatace, et resta témoin indifférent de la guerre qui s’éleva entre Théodore d’Épire et Asan, roi des Bulgares, dans laquelle ce dernier fut victorieux. Asan, irrité depuis longtemps contre les Latins, se ligua avec Vatace, en 1254. L’empereur grec épousa Hélène, fille du roi des Bulgares, et tous deux vinrent assiéger Constantinople. La valeur de Jean de Brienne se réveilla dans ce pressant danger, et les chevaliers français qui l’avaient suivi tirent lever le siège. Dans le même temps, la flotte vénitienne battit la flotte grecque ; en 1256, Asan et Vatace formèrent une nouvelle entreprise contre la capitale. Geoffroy de Villehardouin, prince d’Achaïe, avec quelques chevaliers montés sur six vaisseaux, vint donner au milieu de la nombreuse flotte des assiégeants, et le délit complétement ; mais ces prodiges épuisaient les vainqueurs. Baudouin prit le parti de se rendre en Europe pour solliciter les secours du pape et des princes chrétiens. il fut reçu avec empressement à la cour de Louis IX, roi de France ; on rendit au prince grec les biens patrimoniaux des Courtenay. Pendant qu’il s’occupait à les rassembler, Jean de Brienne mourut à Constantinople. Anseau de Cahieu fut nommé régent en l’absence de Baudouin, et les dissensions qui s’élevèrent entre Vatace et Asan jetèrent ce dernier pour quelques instants dans le parti des Français. Baudouin cependant passa en Angleterre pour y solliciter des secours et des subsides. Déjà la France armait en sa faveur ; mais les dispositions défavorables de Frédéric, empereur d’Allemagne, retardèrent les secours et suscitèrent de nouveaux embarras à Baudouin. Pour exciter le zèle de Louis, il lui fit présent de la couronne d’épines, relique révérée dans toute la chrétienté. Enfin, en 1259, Baudouin, suivi de plusieurs croisés illustres, partit pour Constantinople ; mais ses alliés le quittèrent en route et prirent le chemin de la Palestine. Il parcourut de nouveau la France et l’Italie, et parvint enfin à conduire à Constantinople une armée florissante, dent il se servit pour intimider Vatace et pour le forcer à une trêve de deux ou trois ans. En 1244, Baudouin, menacé. plus vivement, passa en Italie et en France, assista au concile de Lyon, mendia de nouveaux secours, et, après avoir inutilement donné à l’Occident le spectacle de sa honte et de sa faiblesse, il revint a Constantinople en 1248, vers le temps où St. Louis partit pour l’Égypte. En 4 251, Baudouin, accoutumé aux humiliations, parut encore en Occident, tandis que Vatace faisait de rapides conquêtes, que la mort vint arrêter en 1% Sous son successeur Lascaris, Baudouin, retiré dans Constantinople, resta spectateur inactif des exploits et des progrès de Manuel Paléologue, et vit enfin ce dernier s’approcher de Constantinople en 1260, et en former le siège. Le manque de vaisseaux empêcha seul les Grecs de s’en emparer ; mais l’année suivante, ils renouvelèrent l’attaque avec plus de succès. Baudouin eut a peine le temps de se sauver par mer. Il se retira d’abord dans l’île de Négrepont, et de là en Italie, n’emportant que le titre d’empereur, dont sa faiblesse le rendait indigne. En 1270, Baudouin se vit sur le point de conduire une nouvelle croisade à Constantinople ; mais les désastres de St. Louis ralentirent ces dispositions, et, après avoir erré pendant plusieurs années dans les cours de l’Europe, il mourut en 1275, à l’âge de 56 ans. d|L-S—B.|3|sc

BAUDOUIN V, dit Le Débonnaire, 6e comte de Flandre, gouverna cet État depuis l’an 1034 jusqu’a 1067. Il prenait le titre de prince, de marquis et de comte, et dans ses lettres de fondation de l’église de St-Pierre de Lille (1066), il ajoute à ces titres celui

  1. Une Chronique de la conquête de Constantinople et de l’établissement des Francs en Morée, écrite en vers politiques (greco-barbares), par un auteur anonyme, dans les premières années du 11e siècle, et traduite pour la première fois par M. J.-A. Buchon, en 1825, donne une nouvelle version de la mort de Baudouin. Selon cette chronique, ce prince fut tué dans la mêlée, le 14 avril 1205, en combattant contre les Cumans.
    Z-o.