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d’Alexandre, les négociations pressantes du duc de Vicence et les formidables convulsions du géant impérial qui, blessé mais non abattu, menaçait de ressaisir Paris par un suprême effort, on est amené à reconnaître que le concours de l’imprimeur royaliste offrait tous les caractères d’une véritable témérité. Michaud rapporta lui-même au prince de Talleyrand l’épreuve de la proclamation impériale, mot auquel il avait substitué celui de Déclaration ; mais il ne put parvenir jusqu’auprès du czar, auquel il se proposait de remettre un magnifique exemplaire de la Pitié, de Delille, sorti de ses presses quelques années auparavant. La publication rapide du manifeste impérial ne fut pas étrangère sans doute à la détermination d’Alexandre, que fixèrent irrévocablement la défection du corps d’armée de Marmont et le mot connu de Talleyrand Napoléon ou Louis XVIII ! Tout le reste n’est qu’une intrigue. Cet éminent service et quelques autres témoignages de zèle royaliste moins signalés, furent un peu négligés à travers les bruyantes démonstrations de dévouement qui ne manquèrent pas plus au régime de 1814 qu’à ceux qui lui ont succédé. Michaud obtint seulement le titre d’imprimeur du roi (1)[1], la croix d’honneur, et beaucoup plus tard, en 1823, les fonctions de directeur de l’imprimerie royale. Ces faveurs lui parurent une rémunération insuffisante des périls qu’il avait affrontés et des persécutions qu’il avait souffertes, et il conserva jusqu’à sa mort un ressentiment assez vif contre les princes de la maison de Bourbon, et surtout contre Louis XVIII, à qui, d’ailleurs, dans son goût originel pour le pouvoir absolu, il ne pardonnait point ses tendances libérales de 1789, ni la charte de 1814. Il oubliait que les causes politiques veulent être servies pour elles-mêmes et sans acception des personnages qu’elles représentent et des récompenses qu’ils peuvent décerner. Michaud appréciait avec autant de rigueur et plus d’équité la coalition étrangère de 1792, dans laquelle il avait pénétré le dessein égoïste d’envenimer la révolution plutôt que la volonté de la combattre sérieusement. Le régime oppressif de Napoléon ne lui avait jamais inspiré qu’une profonde antipathie. Les articles DUMOURIEZ, Louis XVIII et NAPOLÉON, qui sont, avec sa longue notice sur TALLEYRAND, les plus importants que lui ait dus la Biographie universelle, témoignent de ses sentiments sur ces divers points. Ces notices se font remarquer par une foule de particularités curieuses et intéressantes ; mais l’auteur tire de leur rapprochement des conséquences souvent excessives et passionnées, et la même absence d’impartialité affecte la plupart des nombreux et prolixes articles qu’il a consacrés aux acteurs plus ou moins marquants de la période révolutionnaire. Michaud est encore auteur des notices sur le

MIC

prince EUGÈNE, sur FOLARD, sur FRÉDÉRIC II, etc. Il avait publié en 1814 un Tableau historique et raisonné des premières guerres de Napoléon Bonaparte, vol. in-8o. En 1848, il fit paraître une Histoire de Louis-Philippe, que les ennemis même du monarque déchu jugèrent empreinte d’une extrême sévérité, et qui, sous le rapport des faits, ne doit être consultée qu’avec ménagement. Quatre ans plus tard, il publia un opuscule intitulé Louise-Marie-Thérèse de Bourbon, duchesse de Parme et de Plaisance, notice où, à travers quelques inexactitudes de détail, les vertus naissantes d’une des plus distinguées et des plus malheureuses princesses de l’Europe sont dignement appréciées. Promoteur de l’entreprise bibliographique la plus importante de nos jours, Louis-Gabriel Michaud, victime de nombreux revers de fortune, mourut dans un état voisin de la gêne, aux Ternes, près Paris, où il s’était retiré depuis quelques années. Il succomba le 8 mars 1858, à 85 ans, vivement regretté d’une nombreuse famille, à laquelle il avait prodigué toutes les ressources de son dévouement. Malgré cet âge avancé, il ne vécut point assez pour assister à la conclusion définitive de son œuvre. Mais la dernière période de sa vie avait obtenu une éclatante consécration du titre qui a fondé la véritable et la plus recommandable notoriété de son nom (1)[2].

A. B-ÉE.



MICHAUD DE CORCELLES (Hugues) naquit au commencement du XV° siècle en Savoie, d’une famille dont la noblesse remonte au X° siècle, et qui s'est allié aux plus illustre maison du pays, notamment à celles de Salles, de Menthon et de Conzié. D’abord Conseiller et secrétaire du Duc de Savoie, Charles III, Hugues Michaud le servit avec autant de zèle que d’habileté dans les guerres contre la France et contre les Genevois . Il étais auprès de lui en 1536 lorsque le prince, retiré dans son château de Nice , résista avec

  1. (1) Ce brevet fut retiré à G. Michaud à l’époque de l’ordonnance du 5 septembre 1816, mais il en obtint plus tard la restitution.
  2. (1) En 1852 la Biographie universelle eut à défendre sa propriété contre les graves atteintes d’une contrefaçon. La maison Firmin Didot frères entreprenait la publication d’un Dictionnaire biographique. Cette publication s’intitulait Nouvelle biographie universelle, ancienne et moderne, et elle s’attribuait en même temps le droit de prendre dans notre ouvrage un grand nombre d’articles, parce qu’ils étaient signés par des auteurs dont les ouvrages étaient tombés dans le domaine public. Une instance correctionnelle dirigée contre MM. Firmin Didot frères s’ensuivit. On déniait à Michaud la pensée, la direction, la création de la Biographie universelle ; bornant son rôle à celui d’un simple collecteur d’articles. Différents mémoires furent rédigés de part et d’autres (voy. le Journal de la librairie, ann. 1852,1853, 1854 et 1855} et des pièces nombreuses vinrent prouver le rôle de directeur éminent que Michaud avait joué dans la composition et la publication de la Biographie. La cause de la Biographie universelle fut défendue en première instance et en appel à Paris, à Amiens, à Orléans, par Mme Marie et Bethmont, alors bâtonnier de l’ordre des avocats à Paris, et devant la cour de cassation par Me Groualle. Divers jugements et arrêts différents quant au résultat juridique, mais unanimes sur le mérite et l’importance de Michaud dans la création de l’œuvre, furent rendus. La propriété de la Biographie et de ses articles fut définitivement sauvegardée au nom de la loi violée par la contrefaçon. Sans nous étendre sur ce sujet, il nous suffira de renvoyer le lecteur curieux de plus longs détails sur cette haute question de propriété et de jurisprudence aux préfaces des tomes 12 et 13 de notre édition, où nous en avons raconté les péripéties successives et reproduit textuellement les arrêts définitifs intervenus. E. D-s.