Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 28.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plusieurs mois d’emprisonnement à l’Abbaye pour avoir imprimé un écrit de Louis XVIII, que leur avait remis M. Royer-Collard. Ces rigueurs ne déconcertèrent point le zèle et les efforts de G. Michaud. Il prit soin de se mettre en rapport avec les principaux écrivains et publicistes de son opinion, et de ces communications, que favorisait puissamment la célébrité croissante de son frère, naquirent les belles éditions des Œuvres de Delille, de l’Histoire des guerres de la Vendée, par M. de Beauchamp, des Mémoires tirés des papiers d’un homme d’Etat, et plusieurs autres. Mais ces publications n’étaient que le prélude d’une collection bien autrement importante et qu’on peut, sans exagération, qualifier ici même l’entreprise littéraire la plus considérable du siècle. Encouragés par le succès d’une Galerie biographique des principaux acteurs de la révolution française, qu’ils avaient publiée clandestinement en 1806, et qu’ils refondirent plus tard dans la Biographie des hommes vivants, Paris, 1816, 5 vol. in-8o, les frères Michaud conçurent l’idée d’un cadre dont les vastes proportions embrasseraient tous les personnages qui s’étaient fait remarquer à un titre quelconque depuis l’origine du monde jusqu’à nos jours. Cette pensée n’était pas neuve sans doute ; elle avait été réalisée bien avant eux par quelques écrivains plus ou moins célèbres, tels que Suidas, Lloyd, Moreri, Bayle, Ladvocat, Feller, Chaudon et Delandine, Watkins, etc., mais ils surent en quelque sorte la rajeunir et la féconder par l’étendue des développements qu’ils lui donnèrent, et qui ont attaché à ce grand ouvrage le caractère et la valeur d’une véritable encyclopédie historique. Leur premier soin fut de provoquer le concours des esprits les plus éminents en France et à l’étranger, dans toutes les branches des sciences, de la littérature et des arts ; car l’originalité de cette entreprise consistait surtout, à la différence de celles qui l’avaient précédée, dans une division qui permît de confier chaque catégorie d’articles dépendant de telle ou telle section des connaissances humaines aux écrivains qui en avaient fait l’objet spécial de leurs études. Ce concours ne fit pas défaut aux nouveaux éditeurs. Tout ce que l’empire et la restauration comptèrent d’écrivains distingués en tout genre répondit à leur appel, et la coopération à la Biographie universelle n’a cessé depuis lors d’être considérée comme un titre d’honneur. Mais ce premier avantage, du, à beaucoup d’égards, à la position élevée qu’occupait Michaud l’aîné dans la république des lettres, était loin de suffire aux nécessités de cette vaste entreprise : il fallait maintenir l’esprit de cohésion entre tant d’éléments divers et conserver à la Biographie l’unité de l’esprit sous l’empire duquel elle avait été fondée. Cette œuvre difficile appartint spécialement à Gabriel Michaud, et ce sera son principal titre de gloire. A partir même de 1815, François Michaud, devenu député de l’Ain, con

MIC 213

centra exclusivement sa vie dans les préoccupations politiques, et la direction, de même que la propriété de la Biographie universelle, ne cessa plus dès lors d’appartenir à son frère seul (1)[1]. Cependant le régime impérial succombait sous ses propres excès ; et les souverains coalisés étaient entrés dans Paris, fort incertains encore du gouvernement qu’il conviendrait à la France d’adopter ; Les royalistes, qui connaissaient les indécisions du czar, cet arbitre suprême de la situation, n’épargnèrent aucun effort pour faire pencher la balance du côté des Bourbons. Deux d’entre eux, MM. de Sémallé et de Polignac jugèrent que le moyen le plus efficace d’y incliner les esprits était de répandre les proclamations, encore inédites, adressées aux Français par les membres de la famille royale, et recoururent au dévouement des deux imprimeurs, qui n’hésitèrent point à engager dans cette démarche périlleuse leur liberté et leur vie. Nous croyons pouvoir établir que cet acte de courage fut propre surtout au personnage qui fait l’objet de cette notice. Ce fut également à Gabriel Michaud que le secrétaire de M. de Talleyrand porta pour l’imprimer la proclamation du 31 mars, par laquelle l’empereur Alexandre déclarait que les alliés ne traiteraient plus avec Napoléon ni avec aucun membre de sa famille. Quand on réfléchit que la situation politique de la France se débattait encore à ce moment entre les perplexités

  1. (1) La 1re  édition de la Biographie universelle, commencée en 1810 fut achevée en 1828. Elle formait 52 volumes in-8o à deux colonnes. Elle fut suivie de 3 volumes contenant la partie mythologique, et numérotes 53, 54 et 55. En 1834, Michaud entreprit la publication d’un supplément qui forme les volumes 56 et suivants. Le dernier volume publié par lui est le tome 84, qui va jusqu’aux lettres Van. La 1re  édition, tirée au nombre de 8000 exemplaires, était épuisée. On songea à refondre la Biographie universelle et son supplément en un seul corps d’ouvrage, en apportant au texte les corrections et modifications qu’il pouvait réclamer, et en le complétant de toutes les notices relatives aux personnages contemporains morts entre la publication de la 1re  édition et du supplément jusqu’au jour de l’apparition de chaque volume nouveau. — Il ne nous appartient pas de porter un jugement quelconque sur cette 2e  édition de la Biographie universelle, dont la forte vieillesse de M. Michaud ne devait point voir l’achèvement. Nous devons dire seulement que, riches d’un fonds précieux, nous avons cherché à l’améliorer encore. Un savant bibliographe étranger, M. Œttinger, appelait la 1re  édition de la Biographie universelle « un des plus beaux monuments de la littérature française » (Bibliographie biographique universelle, t. 2, col. 1955). Notre ambition est d’avoir réussi à la compléter et à l’améliorer dans cette seconde édition. Sans parler des nombreuses corrections de détail qu’elle a reçues, nous nous sommes appliqués surtout à mettre les parties scientifique, historique et bibliographique au niveau des connaissances et des découvertes modernes. Nous n’avons pas hésité à modifier profondément ou à refaire entièrement ceux des anciens articles qui nous ont paru ou défectueux, ou ayant conservé l’empreinte de nos discordes passées, qui ne sont plus aujourd’hui qu’une part de l’histoire. Nous nous sommes toujours souvenus dans ce travail de l’épigraphe de la Biographie : « La vérité aux morts », mais la vérité calme et profonde. Pour ce qui concerna la partie tout-à fait nouvelle, suivant les principes qui avaient fait la gloire et la fortune de la 1re  édition de la Biographie universelle, nous l’avons partagée entre un grand nombre de collaborateurs, demandant à chaque talent le concours de sa spécialité. Ecrivant pour l’universalité du monde, pour l’avenir, nous nous sommes efforcés de rester impartiaux et justes pour tous, sans acception de partis ou de systèmes. Fléchissant sous le poids des années, absorbé par la rédaction de son supplément qu’il a laissé in achevé, Michaud a peu fait pour cette seconde édition de la Biographie universelle. Toutefois, nous lui devons un très grand nombre de corrections, de notes et documents amassés pendant sa longue carrière, et quelques articles nouveaux. E. D-Si