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Almanachs, etc., 1781, in-12. 2° La Nouvelle Anthologie française, 1769 ou 1787, 2 vol. in-12. Ce recueil est estimé. 3° Les Annales poétiques (avec Imbert), 1778-88, 40 vol. in-12. On sut gré aux éditeurs de leurs recherches parmi les décombres de notre vieille littérature, quoiqu’ils eussent donné des notices superficielles et eussent fait un choix trop peu sévère des morceaux de leur recueil. Ils méritèrent un plus grand reproche en exaltant outre mesure plusieurs de nos poètes oubliés, et particulièrement le P. Lemoine. Beuchot nous apprend que les tomes 41 et 12 sont imprimés depuis 1789, mais que l’éditeur n’a pas jugé à propos de les livrer au public (Journal de la librairie, 1815, p. 396). 4° La Nouvelle Bibliothèque de société, 1782, 4 vol. petit in-12 ; 5° les Poésies satiriques du 18e siècle, Londres, 1782, 2 vol. in-18 ; recueil bien fait, mais peu recherché depuis que Colnet a publié les Satiriques du 18e siècle ; 6° Les Œuvres choisies de Dorat, 1786, 3 vol. in-12 ; 7° Tablettes d’un curieux, ou Variétés historiques, littéraires et morales, 1789, 2 vol. in-12. Compilation intéressante. 8° Les Poésies du chevalier de Bonnard, 1791, in-8° ; 9° le Nouveau Siècle de Louis XIV (avec M. Noël), ou Anecdotes, poésies, etc., du règne et de la vie de ce prince, 1793, 1 vol. in-8° Cet ouvrage a reparu, avec un nouveau frontispice, en 1805. C’étaít une idée piquante que de faire ressortir le génie chansonnier de notre nation, en publiant les principaux événements du grand règne, célébrés, presque sans lacune, dans une série de couplets satiriques. 10° Œuvres choisies de Pope, 1800, 3 vol. in-12 (voy. Pope) ; 11° Lettres choisies de madame de Maintenon, 1806, 6 vol. in-12. Cette édition est supérieure à celles qu’avait publiées Labeaumelle.

W-s.


MARTAINVILLE (Alphonse-Louis-Dieudonné), l’un des écrivains de la restauration les plus spirituels et les plus courageux, naquit à Cadix en 1776, de parents français. Il vint fort jeune en Provence, où il demeura plusieurs années, puis à Paris, où il lit ses études au collége Louis-le-Grand. La révolution commença avant qu’il les eût terminées. Lancé dans le monde à peine âgé de seize ans, il s’y fit dès lors remarquer par l’énergie de son caractère et la causticité de son esprit. Sa naissance et sa position ne devaient pas lui inspirer l’éloignement pour les innovations ; mais, naturellement porté à la satire et à la controverse, il ne ménagea point les ridicules, ce qui lui attira dès lors beaucoup d’ennemis et le conduisit bientôt devant le tribunal de Fouquier-Tainville, sous prétexte de coopération, avec un nommé Monborgne, à un tableau du maximum inexact. Par une exception rare, tous les deux furent acquittés. Une circonstance remarquable de ce procés, c’est que, lorsque Martainville déclina son nom, le président, pensant qu’il voulait déguiser quelques titres de noblesse, lui dit : « De Martainville, sans doute. — Citoyen président, répliqua vivement le jeune accusé, je suis ici pour être raccourci[1], et non pour être allongé… » Cette repartie de la part d’un homme si jeune, dans une situation pareille, est bien étonnante, et quelques personnes ont refusé d’y croire. Cependant le fait est consigné dans plusieurs écrits du temps, et n’a pas été démenti. Quoi qu’il en soit, Martainville fut du petit nombre des victimes qui furent épargnées ; mais on croit qu’il dut cette faveur beaucoup moins à son audacieux jeu de mots qu’à la protection d’Antonelle, son compatriote, qui était un des jurés. Échappé ainsi au règne de la terreur, il se jeta avec toute l’énergie de son caractère dans le parti de la réaction qui suivit la chute de Robespierre. On le vit aux premiers rangs de ce qu’on appelait alors la jeunesse dorée de Fréron, et il composa dans cet esprit réactionnaire deux pièces de théâtre qui eurent un grand succès. Dans l’une, intitulée les Assemblées primaires, il déversa le ridicule à pleines mains sur le système électoral du temps ; dans l’autre, intitulée le Concert de la rue Feydeau, il exprima avec plus de force encore sa haine pour le parti jacobin, alors vivement poursuivi par l’aversion publique et que l’on croyait pour toujours renversé. Mais quand ce parti eut recouvré le pouvoir par la journée du 13 vendémiaire (octobre 1795), il s’opéra une réaction bien autrement redoutable que celle des thermidoriens. Martainville, ayant alors besoin de se faire oublier, alla passer quelques mois en Provence, et y fut poursuivi comme réquisitionnaire, puis contraint de s’enrôler dans un bataillon de volontaires qu’il suivit en Italie, où il ne resta que peu de temps. Revenu bientôt à Paris, il s’y livra encore à la composition de plusieurs ouvrages dramatiques, et s’associa en 1802 à Étienne pour une Histoire du Théâtre français, qu’ils publièrent en commun (voy. Étienne). Martainville traversa le règne de Napoléon assez paisiblement, bien qu’il laissât percer encore de temps en temps son goût pour opposition et la satire, notamment l’occasion du mariage de Marie-Louise, où il composa une chanson poissarde, pleine de sel, d’esprit, et qui courut toute la France. Napoléon et sa police n’en ignorèrent certainement point l’auteur ; mais quoique très-hardie, et peu respectueuse pour le maître, cette chanson avait tant d’esprit, de gaieté, que Napoléon lui-même dut en rire, et que Martainville n’essuya pas de sa part la moindre exécution. Il avait conservé toute son indépendance et toute la franchise de ses opinions contre-révolutionnaires quand la restauration survint, en 1814. Il s’en déclara, dès le commencement, un des plus dévoués partisans, sans que l’on voie que ces manifestations lui aient été d’aucun avantage personnel. Au mois de mars

  1. Par un horrible jeu de mots, les bourreau : de cette époque appelaient le supplice de la guillotine un raccourcissement.