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s’en dégager pour se vouer exclusivement au service de Dieu. Il se retira dans le monastère de Platz à l’insu de sa famille, qui tenta vainement de le faire changer de résolution. Son noviciat terminé, il se livra pendant quatre ans à l’étude de la théologie et fut ordonné prêtre lorsqu’il eut atteint sa vingt-cinquième année ; l’abbé du monastère étant mort peu après, il fut nommé son successeur à l’unanimité. Pendant qu’il gouvernait cette maison, à la grande édification de Rennes, St-Amand, évêque de cette ville, attaqué par la maladie qui devait l’enlever, manda le saint abbé, qu’une révélation lui avait indiqué comme son successeur et auquel il recommanda son troupeau. La désignation de St-Amand jeta la consternation dans le monastère de Platz, désolé de perdre son guide spirituel ; il en fut tout autrement dans la ville, car, aussitôt qu’on eut célébré les obsèques de St-Amand, les principaux habitants et le clergé allèrent trouver Melaine, l’enlevèrent malgré sa résistance et l’élurent d’un commun consentement pour leur évêque. Il fut sacré peu de temps après en présence du roi Hoël II et de toute sa cour, en l’an 485. Malgré son désir de rester étranger aux affaires temporelles, il remplissait les fonctions de chancelier quand Clovis, sollicité par le pape Symmaque, assembla en 511, à Orléans, un concile de trente-deux évêques ayant pour mission de maintenir la pureté de la foi et de prévenir le schisme ou l’hérésie qui menaçait d’envahir la foi naissante des Francs. St-Melaine fut l’âme de cette assemblée. « Effectivement, dit l’auteur anonyme de ses actes, insérés dans Bollandus (t. 1er, p. 327-333), la préface de ce concile fait foi que notre saint évêque se distingua d’une manière particulière entre tous les autres, soit en réfutant les objections des hérétiques, soit en établissant solidement les dogmes sacrés de l’Église. Au reste, si l’on veut savoir plus en détail quels ont été les chapitres dont on est redevable en particulier à St-Melaine, on n’a qu’à consulter les actes de ce concile, etc., on verra qu’il fut le principal auteur de ces saints canons. » Cette opinion, dont nous ne pouvons aujourd’hui vérifier l’exactitude par suite de la perte des actes de ce concile, a été confirmée par plusieurs hagiologues qui avaient lu ces mêmes actes dans le légendaire

de l’abbaye de la Couture et dans les manuscrits de la reine de Suède, au Vatican, n° 1,280 ; ils y étaient plus étendus que ceux qu’a rapportés Bollandus sur une copie défectueuse. Toutefois, il existe encore trente-et-un canons du concile d’Orléans, soit dans le tome 1er des Preuves de l’histoire de Bretagne, par dom Morice (col. 186-187), soit dans la Vie de St-Melaine, par dom Lobineau. Après la séparation du concile, Melaine retourna Rennes et fit une tournée dans son diocèse pour y veiller à l’exécution des décrets qui venaient d’être rendus. Mais Clovis, informé du zèle et du talent dont il avait fait preuve à Orléans, désira se l’attacher et le fit prier par le roi Hoël de se rendre auprès de lui. Malgré toute sa répugnance à s’éloigner encore de son diocèse, Melaine accéda à la demande de Clovis, qui le fit entrer dans son conseil et le chargea, concurremment avec St-Remi, de plusieurs affaires importantes[1]. Pendant les deux années qu’il passa à la cour de Clovis, Melaine se livra avec ardeur à la prédication et à la conversion des Francs qui n’avaient pas encore embrassé la religion chrétienne. Revenu dans son diocèse, Melaine y fit de nombreux miracles, et continua son œuvre de conversion dans la Bretagne, qui à cette époque n’avait pas encore entièrement abjuré l’idolâtrie. Les légendaires et les biographes ne s’accordent pas sur l’époque précise de sa mort : dom Lobineau la met au 6 novembre 535, Albert Legrand au 6 janvier 561, et le P. Lecointe assure qu’elle eut lieu à Platz le 6 novembre 530.

P. L-t.


MELAN (Ch.). Voyez Mellan.


MÈLANCHTHON (Philippe), célèbre réformateur et l’un des hommes qui ont le plus contribué aux progrès des lettres dans l’Europe moderne, était né le 16 février 1497 à Bretten, dans le bas Palatinat. Il se nommait Schwartz-Erde, mot allemand qui signifie terre noire ; mais Reuchlin, son oncle maternel, l’engagea dès son enfance à quitter ce nom pour celui de Melanchthon, qui en est la traduction grecque. Il montra de bonne heure des dispositions extraordinaires pour les lettres[2]. Dès qu’il eut appris les éléments des langues anciennes, ses parents l’envoyèrent au collège de Pfortzheim, qui était alors très-renommé. En 1509, il se rendit in Heidelberg, et y fit des progrès si rapides dans les sciences que le comte de Lœwenstein lui confia l’éducation de ses fils, quoiqu’il n’eût pas encore quatorze ans. Il se rendit à Tubingen en 1512 pour suivre les leçons des professeurs qui donnèrent à cette école une illustration qu’elle a conservée ; il y expliqua publiquement les classiques latins et trouva encore le loisir de diriger l’imprimerie de Th. Anshelmi (voy. Nauclerus). En 1518, il fut nommé professeur de grec à l’académie de Wittemberg ; il prit possession de cette chaire par un discours qui donna une bien haute idée de ses talents et fit disparaître les préventions que sa taille et sa mine peu avantageuses avaient d’abord inspirées. De toute l’Allemagne on accourut à ses eçons, et l’on assure qu’il compta bientôt jusqu’à deux mille cinq cents auditeurs. Mélanchthon avait déjà réfléchi sur les défauts de l’enseignement, et ce fut un

  1. Lanoue, dans son Syntagma de sanctis Franciæ cancellariis, Paris, 1634, in-4°, et Strasbourg, 1716, place St-Mélaine en tête des chanceliers de France.
  2. Baillet lui a donné une place dans les Enfants célèbres, et Klefeker dans la Biblioth des érudits précoces. À treize ans, il dédia à Reuchlin une comédie allemande qu’il avait composée tout seul.