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comme limite entre la Gaule et l’Italie, au lieu que Mela dit que c’est à Ancône que les nations gauloise et italienne se séparent (t. 2. p. ILE. Cet argument, quoique adopté par le docte Tzschucke, ne nous paraît pas seulement faible, mais tout à fait faux. Mela ne parle pas des limites de la Gaule comme pays, mais de celle des peuples d’origine gauloise. Mais il dit à la fin du même chapitre « que le fleuve Varus termine l’Italie ». C’était là le passage décisif qu’il aurait fallu citer. Le Var ne devint la limite de l’Italie que sous Auguste. Pomponius Mela parle aussi d’une tour qui portait une inscription en l’honneur d’Auguste, ainsi que de trois autels consacrés à cet empereur ; il cite en outre la ville César-Augusta, qui, d’après Strabon, fut bâtie du temps d’Auguste. On peut donc s’étonner qu’il se soit trouvé de nos jours un érudit (Belin de Ballu) qui ait voulu rendre Mela plus ancien que la naissance de Tibère. Notre géographe a lui-même marqué l’époque de sa vie ; il parle (t. 3, p. 6) d’un grand empereur qui va célébrer par un triomphe la conquête de la Grande-Bretagne. Cette conquête n’a eu lieu, comme on sait, que sous l’empereur Claude, dans la troisième année de son règne (42 de J.-C.) ; Jules César, de son temps, n’avait fait pour ainsi dire que reconnaître les côtes de la Grande-Bretagne et n’avait nullement conquis cette île. On ne peut donc appliquer à ce dernier ce qu’en dit Pomponius Mela. C’est un Espagnol, Vadianus, qui a le premier fait Pomponius Mela contemporain de l’empereur Claude, et cette opinion est maintenant la seule admise. Mela parle précisément sur le ton de l’admiration contemporaine des progrès de cette découverte, et comme habitant de l’Espagne, il avait appris les noms des îles Orcades et Hœmodes, auxquelles les armées romaines n’étaient pas encore parvenues. (Voyez M. Letronne sur Dicuil.) Tout coïncide d’ailleurs avec cette époque : les nouvelles notions que Mela avait reçues sur la Codanonia ou le Danemarck, la position vis-à-vis de la côte belgique qu’il assigne à Thule, ou la Norvège ; enfin le (passage où il parle de l’abolition des sacrifices es druides, ainsi que celui où il raconte l’apparition du phénix, événements qui eurent lieu sous l’empereur Claude. Il y a plus de difficulté réelle à déterminer son origine et sa patrie. Il se déclare natif d’Espagne (t. 2, p. 6) ; mais le nom de sa ville natale est écrit de deux ou trois manières différentes dans les manuscrits, et vingt conjectures ont encore augmenté l’incertitude. Tzschucke dit avec raison que les variantes se réduisent à deux, Tingentera ou Cingentera ; l’un ou l’autre nom doit être celui d’une petite ville inconnue que l’attachement seul de Meta nous a conservé. C’est Hermolaus Barbaro qui le premier a violente le texte afin de faire Mela natif de Melia :-ia, opinion que Nunnez a su accréditer. (Voyez son Epistola ad Shottum, dans l’édition de Gronovius.) D’autres le faisaient naître à Carteya ou Tarifa, d’autres à Tingis Ibera, ville imaginaire. On paraît s’accorder, à défaut de notions plus précises, à placer sa naissance dans la Bétique, dans le voisinage du détroit de Gadès. Le nom de Mela se trouve écrit Melia dans la plupart des manuscrits et dans les plus anciennes éditions, circonstance qui n’est pas indifférente dans la discussion sur sa famille. Quelques écrivains le font descendre de la famille des Annæus, et supposent tantôt qu’il était le fils de Marcus Annæus Sénèque le rhéteur, et tantôt qu’il en était le petit-fils par Lucius Annæus Sénèque le célèbre philosophe. Ceux qui ont embrassé la première opinion s’appuient sur les ouvrages de M. A. Sénèque le rhéteur, qui a dédié le premier et le cinquième de ses dix livres sur la controverse à ses trois fils M. A. Novatus, L. A. Sénéque et L. A. Mela. Cette opinion se concilie assez avec la chronologie, car nous savons que Sénèque le philosophe était venu à Rome encore enfant vers l’an 772 (18 de J.-C.) ; on pourrait admettre, d’après cela, qu’il avait alors près de dix ans, et que son frère n’en avait que huit. Si nous nous rappelons maintenant que ce fut vers l’année 797 (43 de J.-C.) que l’empereur Claude triompha pour la conquête de la Grande-Bretagne, Mela aurait atteint déjà sa trentième année, âge convenable pour la composition de son ouvrage, et ainsi il serait mort à cinquante ans, puisque Annæus Mela, ou plutôt Melia, s’arracha la vie dans l’année 820 (86 de J.-C.). Tac., Ann., xvi, 17 ; Plin., Hist. nat., xix, 33.) Il faut cependant convenir qu’on pourrait contester cette opinion par plusieurs raisons ; et d’abord on ne trouve pas la moindre conformité ni pour le style ni pour l’esprit entre Sénèque et Mela, ce qui aurait dû cependant avoir lieu si ces deux auteurs avaient été frères et élèves du même rhéteur. Une autre objection très-forte que l’on oppose à cette opinion est que nous ne trouvons nulle part le nom d’Annæus à côté de celui de Pomponius Mela, nom qu’il aurait cependant dû conserver, même après avoir été adopté par la famille Pomponia, puisque les lois de l’adoption le recommandaient. L’opinion qui fait Mela fils du philosophe, quoique soutenue par un savant estimable (Hager, Buchersaal, vol. 2, p. 483. etc., 3, p. 296 et 510), est inadmissible ; car Sénèque n’ayant que trente ans lors du triomphe de Claude sur la Britannie, époque fixe de la composition de cet ouvrage, son fils, que d’ailleurs il nomme Marcus. ne pouvait avoir alors que tout au plus dix ans. Il ne reste donc qu’à regarder la famille de Mela ou comme une branche des illustres Pomponius de Rome transplantée de la capitale dans la province, ou comme une famille espagnole adoptée ou protégée par les Pomponius, et cette dernière version nous semble avoir pour elle beaucoup de probabilité. Comme la première géographie des Romains qui nous