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Maury son grand vicaire et chanoine de sa cathédrale. Mais le séjour de Paris convenait mieux au jeune orateur que celui de Lombez, et le succès de son début l’engageait à suivre la même carrière. Il fut choisi pour prêcher le panégyrique de St-Louis devant l’Académie française en 1772. Son discours fut goûté ; l’Académie demanda pour lui un bénéfice et l’obtint : le roi nomma l’abbé Maury à l’abbaye de Frénade. Son Panégyrique de St-Augustin, prononcé en 1775 devant l’assemblée du clergé, paraît supérieur à ses autres discours. Il en publia le recueil en 1777, sous ce titre : Discours choisis sur divers sujets de religion et de littérature, in-12. Ce volume comprend un Discours sur l’éloquence de la chaire, les Panégyriques de St-Louis et de St-Augustin, l’Éloge de Fénelon, et des Réflexions sur les sermons de Bossuet, qui avaient été faites pour l’édition donnée par dom Déforis, mais que ce bénédictin avait rejetées. Dès ce temps, ’abbé Maury avait été appelé à prêcher à la cour ; il y donna successivement un avent et un carême, il était étroitement lié avec l’abbé de Boismont ; et l’on croit qu’ils composèrent ensemble les Lettres secrètes sur l’état actuel de la religion et du clergé en France, Paris, 1781, 22 p. in-12 ; écrit assez léger et satirique. En 1785, il fut élu pour succéder à Lefranc de Pompignan à l’Académie française : ce choix était dû aux liaisons de l’abbé Maury, alors fort répandu dans les sociétés brillantes de la capitale, et vivant dans l’intimité avec les gens de lettres et les académiciens les plus accrédités, notamment avec Marmontel. Son discours de réception est du 27 janvier 1785 ; l’orateur parla cette fois de lui-même avec modestie ; ll s’étendit avec plus d’abondance que de goût sur les titres de Pompignan, son prédécesseur ; blflinant adroitement les hostilités imprudentes entamées par ce littérateur contre le parti philosophique, il obtint du duc de Nivernais pour lui-même l’éloge d’avoir allié la philosophe à l’Évangile. L’abbé Maury perdit, l’année su vante, son ami l’abbé de Boismont, qui lui résigna en mourant son prieuré de Lions, bénéfice de dix-huit à vingt mille livres de rente. Soft existence était alors très-brillante ; il jouissait de plusieurs bénéfices, et s’était fait une belle réputation. Nous ne croyons pas devoir parler ici de sa vie privée et de ses mœurs qui, si l’on s’en rapporte à des bruits assez uniformes, n’étaient pas celles qui convenaient à son état. Il était difficile qu’un homme d’un caractère aussi ardent et aussi répandu dans les principales sociétés, restât étranger aux discussions politiques qui tourmentaient alors la France, et l’on verra qu’en effet il y prit la part la plus active. Le garde des sceaux Lamoignon, mort au commencement de la révolution, avait cru pouvoir tirer parti de ses talents. Il en avait fait son conseil particulier ; et l’on a dit que l’abbé aida le ministre dans la plus grande partie de ses travaux, et si particulièrement, en 1187 et 1188, dans la r action des édits qui tirent pousser de si hautes clameurs à la suprême magistrature ; édlts trop mémorables, qui eurent tant d’influence sur la suite des événements révolutionnaires, dont Maury devait bientôt combattre les principes et poursuivre les effets avec la plus grande énergie. Ce fut comme prieur de Lions qu’il assista aux assemblées du clergé du bailliage de Péronne, pour l’élection des députés aux états généraux. Il y fut nommé député : on ne le vit point figurer dans les premières discussions de l’assemblée ; et même sa fuite, son arrestation à Péronne et une lettre facétieuse de Rivarol semblèrent jeter sur lui quelque ridicule ; mais il l’effaça bientôt. Il parait que la première discussion où il prit part ut celle sur le veto du roi, au mois de septembre 1789 ; et depuis il n’y eut point de grandes questions où il ne portât la parole. On le trouvait également prêt, soit qu’il fût question de finances, soit qu’il s’agit de matières ecclésiastiques. Ses opinions sur les pensions, sur l’impôt, sur la compagnie des Indes, sur le papier-monnaie, etc., prouvèrent in la fois beaucoup de connaissances et une rare facilité d’élocution. Il attaqua vivement Necker le 18 mars 1790. Ses discours contre ce ministre, sur les attentats des 5 et 6 octobre, sur le droit du roi de faire la guerre et la paix, sur la réunion d’Avignon, méritent surtout d’être cités. Il défendit constamment les droits de l’Église et du clergé dans les séances, entre autres, des 17 octobre et 27 novembre 1790. Il combattit avec force les assertions de Mirabeau et les projets du comité ecclésiastique et de l’assemblée. Il signa aussi les protestations du côté droit en faveur de la religion et de la monarchie, notamment celle du 13 avril 1790, lorsque l’assemblée refusa de déclarer la religion catholique religion de l’État, et celle du 29 juin 1791, relativement aux décrets qui avaient comme prisonniers le roi et la famille royale. Les signataires de celle-ci annonçaient qu’i s ne prendraient plus de part aux délibérations de l’assemblée, excepté pour ce qui concernerait les droits et les intérêts du roi et de sa famille : en effet, l’abbé Maury parla rarement depuis cette époque. La tribune de l’assemblée constituante a été véritablement le théâtre de sa gloire ; il y soutint la lutte avec honneur contre tous les orateurs du côté gauche, et particulièrement contre Mirabeau, son compatriote et son constant adversaire, avec lequel on le met souvent en parallèle. Ses talents et son courage jetèrent sur lui un grand éclat. Ce fut surtout lors de l’attaque dirigée contre les propriétés ecclésiastiques que l’abbé Maury se montra réellement un grand orateur. Ces propriétés n’eurent pas de plus brillant et de pus noble défenseur : il reprit trois ou quatre fois la parole dans cette grande discussion ; et ce fut presque toujours à lui que les partisans de l’expropriation