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mille même, il y reçut une éducation dans laquelle l’étude approfondie des lettres et celle des mathématiques ne se trouvaient point séparées. Par l’heureux effet de cette éducation qui n’avait laissé aucune de ses jeunes facultés oisive, Malus eut le bonheur de conserver toute sa vie le goût et l’intelligence de ces chefs-d’œuvre de l’antiquité qui lui avaient fait sentir les premiers plaisirs de l’imagination, et l’ardeur avec laquelle il les avait étudiés retarda si peu ses progrès dans des études plus austères, qu’à dix-sept ans il fut en état d’être admis par examen à ’école du génie militaire. Ses dispositions tout à fait extraordinaires pour les mathématiques le firent bientôt remarquer ; et il allait être fait officier, lorsqu’un ordre du ministre Bouchotte le fit renvoyer comme suspect, probablement parce que son père avait possédé une charge de trésorier de France. Cette interdiction lui fermant la carrière du génie, à laquelle il s’était préparé, et pouvant d’ailleurs compromettre sa famille, il se réfugia comme bien d’autres dans les rangs de l’armée, fut incorporé dans le 15e bataillon de Paris, et employé pendant quelque temps, comme simple soldat, aux réparations du port de Dunkerque. L’ingénieur qui présidait à ces travaux, Le père, le remarqua, et lorsque, après la terreur de 1793, le gouvernement, sur les instances de Monge, fit chercher partout des jeunes gens déjà instruits pour former l’École polytechnique, Lepère saisit cette occasion de tirer Malus du rang des soldats et de l’envoyer à Paris. Monge, qui l’avait déjà connu et jugé à l’école du génie, le mit aussitôt dans le petit nombre de ceux qu’il destinait à devenir les instructeurs des autres élèves, et qu’il se plut à instruire et à préparer lui-même pendant trois mois avec un zèle inépuisable. Plusieurs autres savants distingués le secondaient dans cette tâche, et Lagrange même daigna quelquefois la partager. Que l’on se figure vingt jeunes gens, assez instruits déjà pour sentir le prix d’un enseignement pareil ; entourés de tous les moyens de travail imaginables ; comblés de soins, d’encouragements ; tour à tour et continuellement occupés de mathématiques, de dessin, de physique, de chimie ; n’ayant enfin ù songer qu’au développement de leur intelligence, et cela dans un temps où nulle autre occasion de s’instruire n’existait plus : on concevra facilement tout ce qu’un pareil concours de circonstances dût exciter en eux d’émulation. La même ardeur se communiqua bientôt après à la nombreuse jeunesse qui vint composer l’École polytechnique, et qui, ayant pu terminer en grande partie ses études littéraires avant la ruine des établissements d’instruction publique, se trouva ainsi singulièrement bien préparée pour recevoir les vérités des sciences. Il est impossible que ceux qui ont assisté à ces premiers cours de l’École polytechnique n’ont pas conservé un profond souvenir de l’enthousiasme qu’elle présentait, et surtout du spectacle consolant qu’offrait cette élite de jeunesse, s’empressant de ressaisir avec avidité les trésors de la civilisation et des sciences. De tous les élèves admis en même temps que lui à l’École polytechnique, Malus se montra le premier pour l’application, l’intelligence et les connaissances acquises. Pendant les trois années qu’il y resta, il dévora plutôt qu’il ne lut tous les ouvrages de mathématiques les plus difficiles. Il commença même à montrer ses propres forces par d’élégantes applications de l’analyse à des questions de géométrie ; et ce qui mérite d’être remarqué, le plus étendu de ses essais avait pour objet la détermination de la route que suivent les rayons lumineux lorsqu’ils sont réfléchis ou réfractés par des surfaces de courbure quelconque. Ainsi, les propriétés de la lumière, qui devaient rendre le nom de Malus à jamais célèbre dans les sciences, étaient dès lors l’objet favori de ses secrètes pensées. En observant les premiers pas des hommes qui se sont spécialement distingués par quelque grande découverte, on reconnaît assez généralement qu’ils semblent y avoir été appelés de loin par leur génie, et avoir été contraints d’y penser toujours, il n’y a rien au-dessus de cette spécialité, si ce n’est l’extension de la même faculté au système entier d’une science : c’est là ce qui fait les génies de premier ordre, tels que furent, pour ne parler que des morts, les Newton, les Leibniz, les Euler, les d’Alembert et les Lagrange. Quant à Malus, le temps de développer ces semences précieuses n’était pas encore venu. L’activité infatigable de son esprit et le peu de fortune que la révolution avait laissé à sa famille le détournèrent de suivre les sciences comme une carrière : et il rentra dans celle du génie, avec le rang d’ancienneté que lui assignait sa première admission. il fut aussitôt envoyé à l’armée de Sambre-et-Meuse, et se trouva au passage du Rhin en 1797, ainsi qu’aux affaires d’Ukratz et d’Altenkirch. Cette même année fut marquée pour lui par un événement plus important que ces batailles. Il vit et aima la fille du chancelier de l’université de Giessen, et il était sur le point l’épouser, lorsqu’il fut obligé de partir pour l’expédition d’Égypte. Il assista aux de Chebreïs et des Pyramides, à l’affaire de Jabisk, au siége d’El-Arisch et à celui de Jaffa. Après la prise de cette dernière ville, on le chargea d’en relever les fortifications et d’y former des hôpitaux militaires. Il y fut attaqué de la peste, et s’en guérit seul, sans le secours de l’art. A ’ rétabli, on l’envoya fortifier Damiette. De là, il partit avec l’armée pour marcher au-devant des Turcs débarqués à Aboukir. Il assista à la bataille d’Héliopolis, à l’affaire de Coraïm, au siége du Caire. Enfin, à l’époque de la capitulation, il fut embarqué sur le parlementaire anglais le Castor, et débarqua en France, le 26 octobre 1801. Épuisé de fatigues avec une santé pour jamais perdue, il alla retrouver œ Allemagne la per-