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à son cours, qui eut assez de succès pour augmenter sa clientèle et sa réputation, et concilier des suffrages parmi les tories, sans lui enlever ses amis parmi les whigs. Le collége des Indes orientales à Hertford le nomma professeur de droit civil et de droit des gens. Mais ce qui le servit le mieux fut l’avènement du ministère Addington. L’élection générale de 1802 l’envoya député à la chambre des communes, où bientôt il se distingua dans les commissions. Vint ensuite l’affaire de Peltier. Ce rédacteur de l’Ambigu était poursuivi, à l’instigation du gouvernement français, comme auteur d’un libelle contre le premier consul et contre les alliés de la France. Bonaparte, qui avait sévèrement réduit les journaux au mutisme autour de lui, ne pouvait s’habituer aux franches allures de la presse britannique. Peltier, il faut en convenir, avait passé la mesure ; mais il ne la passait point sans être sûr de l’approbation d’un fort parti, et même, à vrai dire, du parti qui menait les affaires, puisque Addington jouait toujours le rôle et eut toujours le titre de premier ministre. Le consul demanda la punition du folliculaire. Le cabinet anglais répondit par la mise en jugement de Peltier, mais en avertissant Bonaparte que toute la nation, sans distinction d’opinions. se soulèverait contre un ministère qui punirait d’autorité et sans forme de procès un sujet britannique. Du reste, on eut l’air de pousser le procès avec la plus grande vigueur. Lord Perceval, depuis remier ministre, et Abbot, qui fut plus tard lord Tenterden, parlèrent contre le journaliste avec le plus de véhémence qu’ils purent, bien que sans toucher les vrais points de la question ou en laissant à dessein planer des nuages sur la culpabilité du prévenu. Mackintosh, au contraire, s’étant chargé de la cause de Peltier (et seule cette coïncidence suffirait à prouver que le ministère ne voulait point la condamnation) ; Mackintosh, disons-nous, déploya autant d’habileté que d’éclat et de force dans la défense du journaliste ; il plaça la question très-haut, en fit bien saisir la portée par tous, et encadra heureusement dans son discours le tableau de la révolution française, d’abord pure et généreuse, bientôt marchant avec témérité dans des voies périlleuses et où elle ne pouvait que s’égarer ; de là courant, au travers du sang et des ruines, attaquer l’étranger et compromettre l’indépendance de l’Europe ; puis il montra l’insatiable ambition du premier consul, s’avançant sans cesse au même but et désormais à la veille de l’atteindre, le despotisme militaire menaçant d’anéantir toutes les libertés du monde civilisé. « De Cadix à Hambourg, disait l’éloquent avocat, pas une presse qui ne soit esclave, pas une si ce n’est en Grande-Bretagne. Notre île, voilà le seul coin de terre où, grâce à notre gouvernement et à notre patriotisme, la presse est libre. À présent, voici la question : Ce vénérable monument, que nous ont légué nos pères, survivra-t-il au milieu des mines nous entourent ? » Le triomphe de MackIntosh fut complet : non-seulement son client fut acquitté, mais lord Ellenborough proclama ce discours le plus éloquent qu’il eût entendu dans la salle de Westminster. Madame de Staël en fit une traduction qui courut toute l’Europe, à la grande colère du premier consul. Quelque temps après, Mackintosh fut nommé assesseur à Bombay. Ce n’était point encore ce qu’il eût souhaité, et il balança, dit-on, avant d’accepter ; à la fin cependant, il s’embarqua, et reçut avant de partir le titre de knight ou chevalier. Les sept années qu’il passa dans l’Inde furent signalées par des améliorations réelles dans l’administration de la justice. Les principes d’humanité, d’égalité devant la loi, qu’il avait défendus dans ses écrits et à la tribune, furent appliqués aussi souvent qu’il se pouvait en pays conquis et sous l’œil-de gouverneurs, en général, peu disposés à se départir de leurs habitudes de rigueur et des formes expéditives usitées en Asie pour l’application de théories qu’ils regardaient comme chimériques. Mackintosh se trouva donc plus d’une fois en lutte avec les chefs de la présidence de Bombay ; mais une forte conviction, de la ténacité, l’influence que lui donna sur les premiers jurys la haute éloquence qu’il déploya dans l’exercice de la magistrature, triomphèrent de ces obstacles, et finalement il fit prévaloir dans les procès criminels un système d’indulgence et de modération dans l’application des peines, qui produisit de bons effets. Toutefois il ne réalisa pas l’œuvre qui, depuis qu’il eut l’habitude du caractère des Hindous, lui tenait le plus à cœur comme condition essentielle de toute bonne appréciation judiciaire, celle d’inspirer aux témoins le respect du serment et de la vérité. Somme toute cependant, les archives judiciaires de Bombay semblent avoir conservé du passage de Mackintosh à l’assessorat un souvenir moins fugace que ne le ferait présumer le court intervalle de six ans et quelques mois. Car, soit désir de revenir tenter la fortune et de rouvrir au parlement sa carrière où il n’avait figuré qu’un moment, soit que réellement le climat de l’Inde fût nuisible à sa santé, il donna sa démission à la compagnie, qui lui assura une retraite de douze cents livres sterling (30 000 fr.), et il mit à la voile pour l’Europe en novembre 1811. Il avait à peine passé un an dans sa patrie qu’il fut envoyé la chambre des communes par le comté de Nairn (1813). L’influence du duc de Devonshire le fit réélire en 1818 par le bourg de Karesborough, et il ne cessa depuis cette époque de faire partie du parlement, honoré qu’il fut, à chaque renouvellement de la chambre, du suffrage de ses concitoyens (1820, 1826, 1830, 1831). La tribune était le vrai théâtre de son talent : c’est là qu’il le déployait dans tout son éclat ; et il ne se traitait aucune question graveà propos de laquelle il ne prit la parole, ou sur