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çais, les mêmes qui avaient été tracés sur les murs du cloitre (voy. François Jarry). A. Villerey a publié, en petit, la gravure de la même galerie avec des explications, Paris, Didot, 1808. Parmi cette suite de tableaux que Lesueur appelait modestement des esquisses, moins parce qu’il avait été aidé dans l’exécution de quelques-uns, que parce qu’il voyait la perfection au delà, on remarque principalement : 1o le St-Bruno prostemé devant un crucifix. Cette figure, profondément recueillie, exprime, sous les replis du vêtement qui l’enveloppe, le sentiment intime dont elle paraît pénétrée. C’est ici que commence véritablement l’histoire du saint ; car la résurrection du chanoine damné qui opère la conversion de St-Bruno est une fable ; mais à l’époque de la controverse élevée à ce sujet, l’artiste n’avait pu se conformer aux peintures consacrées par la tradition et les chroniques de l’ordre. 2o St-Bruno distribuant ses biens aux pauvres. Dans l’esquisse qui avait appartenu à d’Argenville et qui se trouve au Musée, la ligne de composition paraît sous un angle plus aigu que dans le tableau, où, moins resserrée, elle est plus favorable au mouvement des figures qui se pressent sans se confondre. Au reste, cette disposition du plan semble retracer une fabrique du Poussin. 3o St-Bruno lisant une missive du pape. La physionomie du saint et celle de ses religieux, son air de piété et d’attention, leur contenance humble et respectueuse, expriment et produisent ce calme de l’âme qui attache et qui prête des charmes à la solitude simple du lieu. Le ton de la couleur et la disposition des lignes concourent à l’effet paisible de la composition. Elle a été gravée par Sébastien Leclerc, dans la collection de Chauveau. 4o La Mort de St-Bruno, entouré de ses religieux. On a reproché au pinceau de Lesueur de manquer d’énergie, parce que son ton est assorti au caractère de ses compositions, presque toujours gracieuses. La vigueur du clair-obscur est ici en harmonie avec le pathétique du sujet ; mais ce sont les diverses expressions répandues sur tous ces visages, dans toutes ces attitudes et sous ces vêtements uniformes et sans couleur, qui, rapportées à une même intention, à un même objet, frappent le plus vivement, par leur ensemble, les spectateurs de cette scène. Des études faites d’après nature sur les religieux eux-mêmes, ont dû seules contribuer à produire cette vérité d’effets, que des mannequins et les modèles de l’école n’eussent jamais pu rendre. 5o L’Apothéose de St-Bruno excite un autre sentiment, celui de l’admiration. Le groupe d’anges qui porte le saint peut bien rappeler le Ravissement de St-Paul du Dominiquin ; mais la pose hardie et gracieuse de la figure principale s’élevant doucement dans les airs sur un plan incliné appartient à Lesueur. Cette dernière pièce de la collection est gravée par Leclerc, sur les dessins de Chauveau ; elle l’a aussi été par François Poilly. 6o Prédication de St-Paul à Éphèse. Le style animé de la composition, le ton lumineux de la couleur, tout tend à rendre plus frappante l’action de l’éloquence de l’apôtre, dont le front élevé (os sublime) semble porter l’empreinte du ciel que ses yeux ont vu ; disposition que Raphaël a souvent cherché à exprimer. Les auditeurs admirent, recueillent les paroles de St-Paul. Dans leur enthousiasme, les jeunes gens, les femmes, les vieillards, apportent les livres profanes, les déchirent et les brûlent. Ce tableau, le premier de l’école française par la dignité de la composition et du sujet, a passé de l’église de Notre-Dame au musée du Louvre : il est gravé par Picart le Romain. Un autre tableau de St-Paul prêchant à Éphèse était une grande et première conception de l’auteur. La gravure qu’en a faite Benoît Audran y montre plusieurs circonstances accessoires, tirées du récit des Actes des apôtres ; mais ces épisodes compliquent et partagent l’action principale. Félibien, qui avait vu ce tableau chez M. Le Normand, secrétaire du roi, l’a décrit et en parle avec éloge : on ignore ce qu’il est devenu. 7o  Tableaux de l’Histoire de St-Martin et de celle de St-Benoît, peints pour le monastère de Marmoutíer : 1. La Messe de St-Martin. Une hostie rayonnante parait sur la tête du prêtre qui officie, et fait éprouver par degrés à plusieurs des assistants divers sentiments de surprise, d’étonnement et d’admiration. Les différentes nuances de la même expression générale y sont rendues par le trait le plus simple, et les figures y semblent faites au premier coup. Malgré l’impression produite sur une partie des fidèles, un caractère de recueillement et de paix fait le charme de cette scène religieuse des premiers siècles. Lors de la révolution, le cabinet de M. d’Angivilliers recueillit cette pièce, qui passa ensuite au musée. Landon ne l’a point comprise dans l’œuvre de Lesueur, quoiqu’il l’eût publiée dans ses Annales ; mais elle a été gravée depuis par Laurent, dans le Musée français. 2. La Vision de St-Benoît, auquel apparaît Ste-Scolastique, accompagnée de deux vierges couronnées de fleurs, etc. Les Annales du musée avaient donné comme une apparition de la Vierge à St-Martin, celle de la sœur de St-Benoît à son frère : l’erreur rectifiée dans l’Œuvre annonce qu’il existait un autre tableau de St-Martin à Marmoutier ; celui-ci ne s’est pas retrouvé, et aura péri avec une Cène du même auteur, que la révolution a détruite, suivant la Vie qui est en tête de son œuvre. La Vision de St-Benoît, conservée au musée de Tours, d’où elle a passé à celui de Paris, a été gravée par Guérin. Cette composition mystique, mais d’une exécution gracieuse, unit la suavité et l’harmonie de la couleur à la vivacité et à la finesse de l’expression. Le svelte des figures des deux vierges y est favorable à la légèreté ; mais la proportion en est un peu allongée. Au reste, l’artiste n’a guère employé ce mode qu’en cherchant l’idéal de l’antique dans les figures auxquelles il voulait donner une grâce plus élé-