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pour Avignon ou pour Carpentras, et à rendre Îa liberté à tous les prisonniers. Maïs cette paix il- lusoire, quoique garantie par la France, fut bien- tôt la source de nouveaux malheurs: car, tandis que les antirévolutionnaires de Caromb, dans le baut Comtat, égorgeaient le détachement qui rentrait sur la foi du traité, les révolutionnaires d'Avignon, furieux contre la municipalité qui s’é- tait opposée à leurs excès, se priparaient à la vengeance et désignaient leurs victimes. Des troupes de ligne, des gardes nationales de France furent successivement appelées par les média- teurs, sans pouvoir empéècher le mal. On a juste- ment reproché à l’un d'eux d'avoir fermé les yeux sur les projets des agitateurs, qui des lors, se croyant appuyés, redoublèrent d’audace, désar- mérent toùt ce qui leur portait ombrage, s'empa- rérent de l’arsenal, violérent la maison commune, et tratnérent en prison plusieurs meinbres de la municipalité, ainsi qu'un grand nombre de ses partisans. Lescène Desmaisons, arrivé depuis peu de jours du haut Comtat, n'avait pu ni prévenir ni arréter ces désordres; mais il aurait dù désa- buser ou dénoncer son collègue. Les médiateurs quittérent Avignon, où leur caractère n’était plus respecté. Lescène partit le 25 août pour Paris, avec le maire et quelques officiers municipaux, et il rendit compte, le 10 septembre, à l'assemblée nationale de l'issue de la médiation. Quoique l’un de ses collègues, arrivé aussi à Paris avec Rovère et Dupral jeune, ne lui eût succédé à la barre que pour justifier en quelque sorte la faction qu'il semblait protéger, le discours de Lescène, appuyé par les délibérations de la majeure partie des communes du Comtat, qui demandaient à être réunies à la France, fut suivi d'une dernière dis- cussion sur cette affaire, et du décret de réunion, qui fut prononcé le 44 septembre 1791. Une nou- velle commission devait étre envoyée dans le Comitat ; elle fut composée de Lescène Desmaisons, de M. Champion de Villeneuve et du général Beauregard : mais, par une fatalité remarquable, ces commissaires ne furent nommés que le 6 oc- tobre et ils ne reçurent leurs provisions que le 11. Ce fatal délai fut cause des massacres qui eurent lieu les 16 et 17 octobre (roy. Jourpax et Main- VIELLE); et les regards des commissaires en furent presque souillés en arrivant dans une ville où régnaient le deuil et la consternation. Secondés par une furce armée imposante, ils firent consta- ter ces forfaits par un proces-verbal d’exhumation des cadavres, arrêter tous ceux que la voix publi- que accusait d'y avoir pris part, et ils installérent un tribunal spécialement créé pour juger ces as- sassins: mais ce triomphe sur le crime devait être de courte durée; et ce fut peu de mois après ce commencement de justice que , le 49 mars 1792, l'assemblée législative rendit, en faveur des assas- sins de la Glacière, ce honteux décret d'amnistie qui a été le prélude de l'impunité si souvent ac- cordée depuis à tous les forfaits de la révolution.

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Les commissaires osèrent reprocher à l’assemblée son aveuglement; et ils firent entendre si éner- giquement le langage de la vérité, qu'ils arrachè- rent un nouveau décret, expliquant et modifiant le premier, et ordonnant la translation des pré- venus dans les prisons de Beaucaire; mais il était trop tard. Peu de jours après, quatre-vingts in- dividus, revêtus de l’uniforme national, enlevèrent des prisons d'Avignon cinquante-six détenus dont vingt-cinq étaient décrétés de prise de corps, à raison des crimes des 16 et 17 octobre. Aussitôt le tribunal provisoire, établi pour les juger, se dispersa; trois cents témoins qui avaient déposé contre eux prirent la fuite; les commissaires des départements se relirèrent, et Lescène se rendit à Paris, où il fit à l’assemblée, les 16 et 18 avril, un nouveau rapport dans lequel il signala les fautes qu'on avait commises et les malheurs qui devaient en résulter. Mais il précha dans le désert: on touchait dans la capitale à des malheurs plus grands encore; et la faction qui préparait les massacres de septembre ne pouvait pas permettre que l'on punit ceux qui en avaient donné l’exem- ple. Les assassins ayant été ramenés en triomphe à Avignon par les Marseillais, MM. Champion de Villeneuve et Beauregard furent forcés de revenir à Paris, où ils ne purent obtenir d'étre entendus; et ce fut ainsi que finit cette triste et pénible mission. Lescène Desmaisons fut poursuivi, et obligé de se cacher pendant le règne de la terreur. Avec de l'esprit, des connaissances et une élocu- tion facile, il était fait pour se distinguer à Îa tribune et servir utilement son pays. Cependant il resta longtemps sans emploi et sans fortune : ce ne fut qu’en 1804 que M. de Fleurieu, ayant été nommé intendant de la liste civile, lui procura la place de chef du secrétariat, qu'il remplit avec autant d'intelligence que de probité jusqu'à sa mort, arrivée le 12 octobre 1808. On a de lui: 40 Histoire de la dernière révolution de Suède, pré. cédée d'une Analyse de l'histoire de re prys pour dé- velopper les causes de cet événement; Paris, 4781, et Amsterdam , 178%, 1 vol. in-12. Cette histoire est exacte, mais elle ne vaut pas celle de Sheri- dan, qui a été traduite en français; et l'analyse qui la précède, trop longue pour un précis, puis- qu'elle comprend les deux tiers du volume, offre néanmoins des omissions essentielles. Plusieurs lettres et discours de Gustave [If, insérés à la fin de l'ouvrage, en forment la partie la plus inté- ressante. ® Le Contrat conjugal, ou Lois du marirge, de la répudiation et du divorce, Neufchâtel, 1785, in-Ke de 316 pages. Ce livre, agréablement écrit, renferme quelqnes erreurs de faits et quelques paradoxes, parmi un grand nombre de vues utiles. 0 Essai sur les travaux publics. Paris, 1786, in-8°. 4 Histoire secrète des amours d'Elisabeth et du comte d'Essez ,tirée de l'anglais des Mémoires d'un homme de qualité, Paris, 1787, in-8° ; sorte de roman his- torique dont le sujet est un peu rehattu. 5° Qu'est- ce que les parlements en France? la Haye, 1788,