était alors dans toute sa force. Depuis le commencement de la guerre, chacune de ces puissances avait successivement négocié, et traité, ouvertement ou secrètement, avec la France révolutionnaire. Toujours occupée de ses intérêts particuliers. chacune de ces puissances avait indignement sacrifié ceux de sa rivale, même ceux du corps germanique ; et cet antique édifice, frappé par ceux-la mêmes qui devaient en être les appuis, était près de tomber en ruines. On conçoit que, dans ces négociations, beaucoup de secrets étaient restés impénétrables, et qu’il importait aux divers cabinets, et surtout à celui de Vienne, de tout savoir et de tout connaître. Ne trouvant pas d’autres moyens, le machiavélique Thugut imagina de faire enlever toute la chancellerie de la légation française, à Rastadt. On ne peut pas supposer qu’il ait voulu faire assassiner les envoyés de la république : ce meurtre était inutile, et il suffisait d’enlever les papiers de vive force, comme celà fut fait, au milieu de la nuit, dans une forêt que ces envoyés traversaient pourretourneren France. On a dit, et cela est très-probable, que les hussards autrichiens du régiment de Szeckler qui exécutèrent le meurtre étaient ivres, et qu’ils allèrent beaucoup au dei ! des ordres qu’ils avaient reçus de leur colonel. Quoi qu’il en soit, on ne peut pas douter, car tous les témoignages s’accordent à cet égard, que le comte de Lehrbach n’ait été le principal directeur de ce complot, l’un des plus audacieux qu’ait imaginés la diplomatie (voy. Debry et Roberjot). Ce que nous y voyons de plus odieux, c’est que les émissaires de l’Autriche accusèrent alors partout les émigrés français de cet assassinat, et qu’ils désignèrent même le général Danican, qui était à deux cents lieues de là, dans les rangs de l’armée de Condé. Dans les Mémoires du général Montholon, que, l’on regarde comme écrits sous la dictée de Bonaparte, on fait dire à ce général, contre toute probabilité, que ce fut le directoire qui fit assassiner ses propres envoyés, pour exciter en France l’enthousiasme de la guerre contre l’Autriche, et que les hussards qui commirent ce crime étaient des Français déguisés. Ce que Napoléon ne pouvait pas ignorer, c’est que tous les documents, tous les témoignages, et surtout le procès-verbal qui fut signé par tous les envoyés des puissances présents à Rastadt, établissent que les plénipotentiaires français furent assassinés par des hussards autrichiens que commandait un de leurs officiers, qui en avait reçu l’ordre de Barbaczi, leur colonel, et que, lorsque l’officier fut interrogé par ordre des plénipotentiaires, il ne nia point le fait, et se contenta de dire que c’était un malheur, qu’on ne l’avait par commandé. Il est également sur que les papiers de la légation française, enlevés par les hussards de Szeckler, furent portés au quartier général de l’archiduc Charles, et remis au comte de Lehrbach, qui les porta lui-même à Vienne. Après cette sanglante dissolution du congrès de Rastadt, le diplomate autrichien continua de rester à Vienne l’un des principaux directeurs de la politique extérieure, et jouissant en apparence d’un fort grand crédit. Cependant on ne lui confia plus de mission ostensible ; et plus tard, lorsque Napoléon parvint par ses triomphes à dicter des lois an cabinet de Vienne, et qu’il fit éloigner des affaires ceux qui avaient montré le plus d’acharnement contre la France, Lehrbach, Stadion et quelques autres allèrent expier dans la retraite l’excès de leur zèle. Lehrbach mourut en Suisse, d’une attaque d’apoplexie, en 1805. M-d j.
LEHRBERG (Aron-Christian)[1], savant littérateur
et philologue, naquit le 7 août 1770, à
Dorpat, ville de Livonie, longtemps célèbre
par une université qui est tombée ensuite en
décadence et n’a été relevée que longtemps
après. Lehrberg reçut sa première éducation
littéraire dans sa ville natale. Le désir de la perfectionner
le conduisit, en 1790, aux universités
d’Iéna et de Gœttingue, où il s’appliqua en particulier
a l’étude de la théologie. D’Allemagne il
passa en Angleterre, et revint à Dorpat en 1794.
La Livonie, où le goût de l’instruction et des
bonnes études s’était répandu dès le 17e siècle
sous les auspices des Allemands et des Suédois,
avait déjà fourni à la Russie plusieurs hommes
distingués par leurs connaissances et leurs talents ;
Lehrberg en augmenta le nombre. Il se rendit à
Pétersbourg ; et en 1807 il fut nommé professeur
adjoint de l’académie des sciences de cette ville,
dont il devint membre peu après sous le titre
d’académicien extraordinaire. Mais sa carrière ne
fut pas longue : il mourut, le 24 juillet 1813, de la
goutte, qui depuis treize ans ne l’avait pas quitté
et qui dans les dernières années de sa vie, lui avait ôté
l’usage de ses membres au point de l’empêcher d’écrire.
Sa dépouille mortelle fut accompagnée à la tombe par le
comte Nicolas Romanzow, chancelier de l’empire, et par plusieurs autres
personnes d’un rang et d’un mérite distingués
dont il avait obtenu l’estime. Le comte de liomanzow
acheta sa bibliothèque, et y fit placer
son buste en marbre. Lehrberg s’était occupé
principalement de l’ancienne histoire de Russie
et de celle des divers peuples qui relèvent de cet
empire. Ce futlui qui donna les instructions pour
le voyage de Klaproth au Caucase, publiées
dans la relation de ce voyage. On trouve aussi de
lui plusieurs mémoires et lettres dans le journal
publié à Dorpat par M. Messerschmidt, sous le titre
de Dorptsche Beyträge. Ph. Krug a publié les
Recherches de Lehrberg pour éclaircir l’ancienne histoire de Russie, Pétersbourg, 1816, in-4°. Cet ouvrage répand un nouveau jour sur l’histoire de
l’Europe orientale. On en peut voir un extrait
dans les Annuler encyclopédique : de 1817, t. 5, p. 127-145.
LEHRS (F.-S.), philologue allemand, né à Kœ-
- ↑ Dans la suite il signait Auguste-Christian.