mis, fut contraint de se déguiser en moine. On le condamna au bannissement ; on lui assigna Barcelone pour séjour, et l’on mit sa tête au prix de mille florins dans le cas où il se trouverait hors de l’enceinte de cette ville. On lui offrit un asile et une chaire de droit canon à Padoue ; mais ses prétentions et les menaces des Florentins l’ayant obligé de se retirer, il suivit à Rome, en 1580, Charles de Duras, et lui donna de si bons avis qu’Urbain VI dit, en consistoire public, que c’était à Lapo que Charles devait la couronne de Naples. Dès lors, ce roi le nomma son conseiller et sollicitent à la cour du pape ; et le pape, à son tour, le créa avocat consistorial et sénateur de Rome. Lapo jouit très-peu de ces honneurs ; il mourut le 27 juin 1581. Il fut l’ami des plus beaux génies de son siècle, et particulièrement de Coluccio Salutato et de Pétrarque. Celui-ci fut inconsolable de sa perte ; et il en témoigna sa douleur dans une de ses lettres. Les ouvrages qui nous restent de Lapo ne consistent guère qu’en quelques traités de droit canon, qui n’ont aujourd’hui que peu d’intérêt. L’abbé Mahus a publié, en 1755, une lettre, ou Ragionamento, de Lapo, avec une Notice sur sa vie. (Voy. Tiraboschi, Litterat. ital., vol. 5, et Fabricius, Bibl. lat. medævi, t. 4, p. 720.)
LAPOIX. Voyez Fréminville.
LAPONNERAYE (Albert), publiciste français,
né à Tours le 18 mai 1808. Issu d’une famille
noble, Laponneraye s’annonça de bonne heure
par son opposition aux idées dans lesquelles il
avait été élevé. Son père, ancien émigré, ne put
triompher de ses instincts révolutionnaires ; et
désireux d’obtenir une indépendance qui lui permit
d’exprimer librement ses opinions, le jeune
Laponneraye se fit recevoir instituteur ; il vint
à Paris, donner des leçons privées. Il s’était déjà
fait connaître par une brochure contre la peine
de mort, quand la révolution de juillet éclata
et alluma son enthousiasme républicain. La lecture
des écrits de l’ancien parti jacobin lui avait inspiré
une admiration exagérée pour la révolution
française ; et sa pensée constante était la réalisation
des théories sociales proposées par Robespierre
et son école. Aussi s’empressa-t-il d’ouvrir
un cours gratuit* pour l’instruction des ouvriers,
cours en réalité destiné à répandre chez les
classes inférieures ses principes ultra-démocratiques.
Afin de mieux arriver à son but, il fonda,
pour populariser les idées dont il était imbu, la
société de la Jeune France. Mais cette société demeura
obscure et n’eut que peu d’action sur le
populaire. Son cours avait été fermé par ordre
de l’autorité. Laponneraye imagina de fractionner
en sections de vingt membres les ouvriers
qui écoutaient ses leçons, afin qu’ils pussent continuer
de se réunir, malgré l’article 291 du code
pénal, et profiter de son enseignement. D’autres
démocrates s’associèrent à son plan, et c’est ainsi
que prit naissance la célèbre société des Droits de l’homme, dans laquelle vint se fondre celle de la Jeune France. Une autre société du même genre, celle des Amis du peuple, avait, peu de temps après la révolution de juillet, ouvertement arboré le drapeau républicain : Laponneraye en était un des membres les plus actifs et les plus exaltés. Interdite par l’autorité, la société des Amis du peuple se fondit à son tour dans celle des Droits de l’homme, et devint dès ce moment un foyer permanent de conspiration. La publication du cours de Laponneraye alarma justement le gouvernement. L’auteur y avait entrepris une apologie complète de Robespierre. Il y appelait St-Just l’ange protecteur des opprimés et des malheureux.
Arrêté préventivement, il fut conduit à Ste-Pélagie. Un soulèvement ayant en lieu dans cette prison parmi les détenus, soulèvement où la garde nationale se vit contrainte de tirer sur les prisonniers, Laponneraye, qui était signalé comme le chef de la révolte, fut transféré à la Force ; et il n’en sortit que pour comparaître devant la cour d’assises, à raison de son cours d’histoire. Il fut condamné à deux ans de prison et deux mille francs d’amende. C’était le 21 avril 1852. Les opinions de l’auteur étaient trop ardentes pour se calmer à la suite d’une condamnation ;
et dans la captivité, ses idées s’exaltèrent encore. Il ne s’occupa plus, dès lors, que de la rédaction d’ouvrages historiques, exclusivement conçus dans le but de propager ses doctrines. De nouvelles témérités appelèrent sur lui de nouvelles
condamnations, et peu de mois ne se passaient pas sans qu’il fût extrait de sa prison pour avoir à répondre sur des attaques contre le gouvernement d’alors. Il eut successivement douze procès. L’un, notamment, lui fut intenté en juin
1835, pour sa Lettre aux prolétaires. Ces procès, qui prolongeaient indéfiniment sa détention, étaient pour lui une occasion d’exposer en public ses principes, et les journaux démocratiques, qui imprimaient ses paroles, en assuraient l’effet. L’amnistie de 1858 le rendit à la liberté. Laponneraye entreprit alors une série d’ouvrages qui obtinrent peu de succès, composés qu’ils étaient à la hâte,
mais qui ont cependant contribué à répandre
les principes républicains dans les classes laborieuses.
La révolution de février fut saluée avec
enthousiasme par Laponneraye, qui annonçait
dans une brochure que la république était appelée
à rétablir l’ordre moral, aussi bien que l’ordre
matériel. Mais, désintéressé dans son admiration,
il n’eut pas, comme tant d’autres, le talent de
faire servir la nouvelle révolution à ses intérêts
personnels ; il n’obtint aucun emploi et ne fut
pas même un de ces nombreux commissaires envoyés
sans discernement par le gouvernement
provisoire dans les départements. Il se vit forcé
de continuer le métier de publiciste démocratique
qu’il exerçait depuis quinze ans, et qui ne
l’avait pas mis à l’abri de la détresse dont il eut
bien souvent à souffrir. Laponneraye prit à Mar-