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nier sur la constitution française, le 11 juillet 1789, il inaugura sa carrière parlementaire par la présentation du projet de Déclaration du droits de l’homme et du citoyen, que l’assemblée inscrivit deux ans plus tard en tête de sa constitution. Ce projet, emprunté au bill d’indépendance de l’Amérique, fut le premier monument direct de ce malencontreux esprit d’assimilation entre deux peuples si divers d’origine, de situation et de caractère, dans lequel il faut chercher la source de toutes les erreurs politiques de Lafayette. Assemblage abstrait et dogmatique des maximes d’indépendance les plus exagérées, la Déclaration du droit : constituait un véritable corps de jurisprudence révolutionnaire qui, selon la remarque d’un judicieux écrivain, « semblait toujours autoriser l’emploi de la violence pour faire prévaloir une opinion, une volonté, un intérêt particulier sur les constitutions fondamentales de la société (1). » Le fait inadmissible de l’égalité entre tous les hommes s’y trouvait exprimé comme une incontestable vérité, et l’on y rencontrait un silence absoluf sur les devoirs de l’homme envers ses semblables, envers le gouvernement et la société. Un document marqué de tels caractères ne pouvait laisser de traces sérieuses dans notre législation. Mais il n’a cessé d’être invoqué comme un puissant levier révolutionnaire, et son existence n’est pas moins liée à nos premiers troubles civils qu’au nom de Lafayette lui-même, pour qui ce manifeste démocratique fut toujours l’objet d’une vive prédilection. Mais il fallait aux doctrines subversives de Lafayette une force palpable pour les défendre et les faire prévaloir ; cette force, ce fut la garde nationale qui la fournit. Née sous l’impression des troubles qui ensanglantèrent Paris dans les journées des 12 et 15 juillet, et composée de quarante-huit mille citoyens, enregistrés en un jour, la garde nationale élut à l’unanimité pour son chef Lafayette lui-même, au moment où, comme vice-président de l’assemblée, il venait de féliciter les électeurs de Paris, réunis à l’hôtel de ville, de la conquête de la Bastille. Le vicomte de Noailles lui fut adjoint en qualité de major général, et l’on arracha Bailly à ses pacifiques études pour l’élever au poste périlleux de maire de la capitale. Tel fut le germe de cette organisation compacte de la commune de Paris, qui devait imprimer une direction si active a la révolution, alors que la création de la nouvelle milice, imitée par tous les départements, mettait à son service trois millions d’hommes. Quelques jours avaient suffi pour désarmer une monarchie qui comptait d’immenses ressources et huit siècles de durée ! Le 26 juillet, Lafayette présenta aux électeurs de Parisles nouvelles couleurs nationales, et prédit à cette occasion que « la cocarde tricolore ferait le « tour du monde. » Ces démonstrations démoO (I) M. de Barante, ds la Déclaration du droits, etc., 1849. LAF 451

pratiques, si dangereuses dans l’état d’effervescence des esprits, furent tempérées par des actes de courage et d’humanité auxquels l’histoire, dans son impartialité, dtüt s’empresser d’applaudir. Lafayette sauva par sa fermeté la vie à un grand nombre de personnes que menaçaient les fureurs populaires, et contint la faction d’Orléans. qui aspirait à réorganiser les anciens gardes françaises, sous le commandement de ce fauteur

avoué de l’anarchie. Mais il ne put empêcher le massacre de Foulon et de Berthier, et ce douloureux témoignage de son impuissance le porta à se démettre du commandement dont il était revêtu ; des acclamations unanimes venaient de le rappeler à ses fonctions, lorsque survinrent les événements à jamais déplorables des 5 et 6 octobre. Le prétexte (1) de ces sanglantes journées fut, comme on sait, une prétendue démonstration contre la cocarde nationale, confmise le 2 octobre à la suite d’un repas offert dans la salle de spectacle de Versailles, par les gardes du corps aux officiers du régiment de Flandres. Excité par ce bruit et par quelques autres rumeurs, le peuple de Paris, en proie à une disette moitié réelle, moitié factice, s’émeut, se porte en masse sur l’hôtel de ville, mal défendu par quelques gardes nationaux, et, traînant à sa suite trois canons qu’il leur a enlevés, se met en marche pour Versailles, sous la conduite d’un héros de la Bastille, nommé Maillard, en vomissant les imprécations les plus épouvantables contre la reine. Lafayette, accouru trop tard pour empêcher ces premiers désordres, lutte toute la journée pour en prévenir le développement. Eufln un ordre de la commune de Paris l’invite à se rendre à Versailles ; il part à la tête de quelques gardes nationaux, auxquels se joignent plusieurs militaires dévoués à l’ordre et à la monarchie, et certains hommes des faubourgs qu’attire l’espoir du pillage. Tout à Versailles respirait le trouble et la confusion. Le roi, qui chassait à Meudon, avait été rappelé en toute hâte, mais aucune résistance n’était organisée, et la tourbe populaire grossissait rapidement. Il était dix heures du soir quand Lafayette déboucha de la grande avenue de Paris à la tête de sa colonne. Le général fit prêter aux hommes qui la composaient le serment un peu vague d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi, envoya des détachements de grenadiers pour garder les ponts de Sèvres et de St-Cloud, parut à l’assemblée, envahie depuis quelques heures par la populace, et, après avoir fait part à ses collègues des dispositions qu’il venait de prendre, il se rendit chez le roi. Son entrée causa quelque étonnement parmi les gardes suisses, et un chevalier de St-Louis, d’une taille élevée, s’écria tout haut : 1 Voilà (li Nous avons eu l’onction de parcourir une Information inédits provoquée I ce sujet par M. Mounier alors président de l’assemblée nationale. Nous n’y avons trouvé aucune preuve des voies de fait alléguées par le parti révolutionnaire pour justifier les excès des 6 et 6 octobre.