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le 11 juillet 1731. On n’a de ce littérateur qu’un très petit nombre de productions, mais pleines de naturel et de délicatesse. Les principales sont deux odes adressées à Lamotte. Voltaire a tracé le portrait de Lafaye, son ami, dans des vers pleins de grâce et qu’on ne peut se lasser de transcrire :

Il a réuni le mérite

Et d’Horace et de Pollion ;

Tantôt protégeant Apollon ,

Et tantôt marchant à sa suite.

Il reçut deux présents des dieux ,

la plus charmants qu’ils puissent faire :

L’un suit le talent de plaire.

L’autre le secret d’être heureux.


Lafaye eut Crébillon pour successeur a l’Académie française. Un trouvera son Éloge par d’Alembert dans le quatrième volume de son histoire des membres de cette compagnie. W—s.

LA FAYETTE. Voyez FAYETTE.

LAFAYETTE (MARIE-PAUL-JOSEPH-GILBERT.MOTIER, général, marquis de), peut être regardé comme la personnification la plus complète et la plus constante de ce principe révolutionnaire de 1789 qui, après avoir remué jusque dans ses fondements la vieille société européenne, s’est retrempé depuis lors au baptême sanglant des deux insurrections populaires de l830 et de 1848, et dont soixante-et-dix ans de luttes, de convulsions et de sacrifices, ne paraissent pas avoir épuisé les conséquences. Il naquit à Chavaniac, près de Brioude, le 6 septembre 1757. dans une famille recommandable par plus d’un genre d’illustration. Le marquis de Lafayette, son père, maréchal de camp, avait péri à vingt-cinq ans sur le champ de bataille de Minden, en Westphalie. Lafayette vint achever ses études à Paris, au college du Plessis, et montra de bonne heure ce penchant pour l’indépendance et la liberté, qui devait influer si puissamment sur sa destinée entière. Lui-même raconte qu’en traçant, dans ses compositions scolastiques, la description du cheval, il n’omettait pas de dire que ce noble animal se cabrait sous la verge du cavalier. Il épousa à seize ans la seconde fille du comte d’Ayen. petit-gendre du chancelier d’Aguesseau, mort en 1824 duc de Noailles et pair de France. Lafayette parut à la cour de Louis XVI ; mais, soit qu’il y gâtât, au dire de Mirabeau, par la gaucherie de ses manières, un langage obséquieux jusqu’à l’humilité (1) ; soit qu’il y déplût, au contraire, comme il le dit lui-même, par l’indépendance de son langage et l’indocilité de ses idées, il n’y obtint aucun succès. Ce fut, toutefois, à ce contact momentané avec l’aristocratie la plus raffinée de l’Europe qu’il dut ces habitudes d’exquise politesse et d’affabilité à toute épreuve, qui ne l’abandonnèrent dans aucune des circonstances de sa vie. Une de ces perturbations politiques qui

(1) Correspondence entre Mirabeau et le comte de Lamarck , t. 8, p. 26.

LAF changent la face d’un pays et réagissent souvent sur la société tout entière, vint à point fournir des aliments à ce besoin d’action qui dévorait le jeune Lafayette, et donner un emploi à ces théories d’indépendance qui, vagues encore et dénuées d’application immédiate, se seraient probablement assoupis dans l’oisiveté des camps. Les premières nouvelles de l’insurrection américaine parvinrent en Europe en 1775. Lafayette, alors capitaine de cavalerie, embrassa avec ardeur une cause qui flattait si vivement son patriotisme et son goût pour la liberté. Née d’un système d’oppression dont rien ne justifiait l’éxagération croissante, la guerre était engagée contre l’eternelle ennemie de la France, contre cette Grande-Bretagne qui, courbée avec orgueil sous le joug du pouvoir oligarchique, ne craignait pas d’appesantir sur ses colonies le poids du régime arbitraire qu’elle même avait repoussé de ses foyers. L’intérêt qu’inspirèrent à Lafayette les premiers efforts du peuple américain était trop sincère pour demeurer stérile. Uni d’intention avec les défenseurs qu’avait armés sa cause, il ne songea plus, selon son expression, qu’à joindre ses drapeaux. Il entra secrètement en rapport avec Silas Deane, agent américain, et avec Carmichaël, secrétaire de l’agence fédérale, équipa à ses frais un bâtiment destiné à transporter, sous sa conduite, quelques officiers capables d’instruire et de discipliner les insurgés américains, et s’embarqua le 26 avril 1777 au Passage, au moment où le gouvernement, qui avait pénétré ses desseins, venait de lancer une lettre de cachet contre lui. La traversée fut heureuse. Cette petite troupe, qui recélait dans ses flancs le germe de plus d’une révolution , échappa, par le hasard d’un coup de vent, à deux bricks que la marine française, à l’instigation de lord Stormond, ambassadeur d’Angleterre, avait dirigés sur ses traces. Après sept semaines de navigation, Lafayette mouilla devant Georges-Town, dans la Caroline ; il acheta des chevaux et partit pour Philadelphie, où le congrès se trouvait alors réuni. Il conquit de prime abord la confiance de cette assemblée par le billet suivant ; « D’après mes sacrifices, j’ai le droit d’éxiger deux grâces : l’une de servir à mes dépens ; l’autre de commencer à servir comme « volontaire. » Il fut accueilli avec cordialité par Washington, et reçut du congrès, le 3l juillet 1777, « en considération de l’illustration et des alliances de sa famille, » le grade de major général de l’armée américaine. Lafayette assista, le 11 septembre, à la désastreuse bataille de Brandywine, où il reçut une balle à la jambe en cherchant rallier les fuyards. Il passa six semaines chez les Frères moraves à Bethléhem, rêvant dans cette retraite mille moyens d’attaque ou de diversion contre les Anglais, écrivant à ce sujet au ministère français des lettres auxquelles on ne répondait point encore, et faisant gémir les bons Frères des emportements de sa frénésie belliqueuse. Vers la