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JOSÉ (Antonio), auteur dramatique portugais, naquit au commencement du 18e siècle. Accusé de judaïsme, il fut jeté dans les cachots de l’inquisition, où il subit d’horribles tortures, et n’en sortit qu’en 1745, pour être livré aux flammes. Il est évident que cet infortuné entretenait au fond de l’âme quelque pressentiment de la déplorable fin qui l’attendait ; car il avait eu soin de terminer chacun des volumes de la première édition de ses œuvres par une espèce d’acte de foi portant qu’il ne croyait à aucune des divinités qu’il avait mises en scène. Il avait dans le célèbre comte d’Eryceyra un protecteur chaud et zélé, qui, s’il eût existé à l’époque du terrible sacrifice qui termina sa vie, n’eût sans doute pas manqué de s’employer pour le sauver. Ce qui caractérise le génie comique de José, c’est une bizarrerie inconcevable et une invincible indépendance. Il se faisait un jeu de violer toutes les règles, heureuses inventions du goût et de la raison. On rapporte qu’après avoir vu la représentation d’une des pièces de cet auteur, le comte d’Eryceyra le pressa de lire Molière et de chercher à l’imiter. Il est probable que José ne fit ni l’un ni l’autre ; car il continua de suivre les impulsions de son imagination déréglée. Son génie était d’une fécondité sans exemple. Il aimait à s’abandonner aux plus triviales plaisanteries, et ne pouvait réussir à peindre les vices et les caractères. Cependant il est certains abus de son temps qu’il osa fronder, — et certains ridicules qu’il peignit avec une malicieuse gaieté. La contexture de ses pièces est généralement négligée ; on en peut dire autant de la plupart de ses couplets. Tout imparfait, tout extravagant qu’il est, il ne laisse pas de plaire par les traits piquants de son dialogue et la vivacité originale de son esprit. Les Mémoires de l’Académie des sciences renferment sur le théâtre portugais une notice où, après avoir indiqué les défauts de cet auteur, on dit avec raison qu’il savait entraîner l’imagination par sa folle gaieté. Le théâtre de José est très-considérable. La plupart des pièces qui le composent sont regardées comme des espèces d’opéras-comiques à grand spectacle. Les meilleures de ces pièces sont incontestablement D. Quixote, Ésope, les Enchantements de Médée. Antonio José exerça sur les esprits plus d’influence qu’on n’aurait pu s’y attendre. Il a souvent été imité, mais il est à observer que ses imitateurs ne lui ont guère emprunté que ses défauts. On distingue parmi eux un certain Sylverio da Sylvera e Sylva qui, sa piquant d’être plus régulier dans ses pièces que son modèle, publia du temps de José une espèce de tragi-comédie intitulée lAmour fait des choses impossibles ou Inès de Castro, reine de Portugal, ouvrage qu’il terminait par le couronnement d’Inès sur la scène, et qui ne mérite qu’une simple mention[1]. Z.

JOSEPH ; fils de Jacob et de Rachel, naquit en Mésopotamie. Il était tendrement chéri de son père, qui voyait en lui le fils ainé de son épouse bien-aimée, le fruit de sa vieillesse, et le plus vertueux de ses enfants. Joseph n’était pas moins admirable par les qualités du corps que par celles de l’ame ; et l’écriture remarque qu’il était beau de visage et fort bien fait de sa personne. Son pere lui fit faire, pour le distinguer de ses autres fils, une robe de diverses couleurs*et sans couture. L’amour de prédilection que Jacob manifestait à Joseph fut la première cause des malheurs de celui-ci. Ses frères en conçurent la jalousie la plus envenimée et la haine la plus implacable. Joseph était âgé de dix-sept ans quand il dénonça les enfants de Baia et de Zelpha comme coupables d’un crime atroce ; ce qu’on ne lui pardonna point. Mais ce qui acheva de les révolter, ce fut l’assurance qu’il reçut du ciel d’une supériorité future, et l’aveu qu’il leur en fit : a ll me semblait, leur « dit-il une fois, que nous étions ensemble à lier « des gerbes dans un champ, que ma gerbe se « levait et demeurait debout, pendant que les « vôtres venaient en se prosternant se ranger autour d’elle…. J’ai vu, leur dit-il encore (et cette « fois-ci, devant son père), le soleil, la lune et « onze étoiles qui se prosternaient pour m’adorer. v Ces visions, qui lui attirèrent des réprimandes de la part.de Jacob, toujours porté a l’indulgence, et frappé lui-même de quelque pressentiment, irritèrent tellement ses frères, qu’ils ne lui rendaient plus le salut ordinaire, et ne voulaient plus lui parler. Un jour que ceux-ci étaient à Siehem, où ils gardaient les troupeaux, Jacob, qui demeurait dans la vallée d’aileron, dit à Joseph z « Allez et voyez si vos frères se portent bien, si « les troupeaux sont en bon état ; et vous viendras « me dire ce qui en est. » Joseph alla donc ã Sichem, qui était à trente-cinq lieues de là ; mais, n’y ayant pas trouvé ses frères, il s’avança vers Dothaïn, où ils étaient. Dès que ceux-ci Paperçurent de loin, informèrent le dessein de le faire périr, se disant l’un à l’autre : « Voici notre songeur « qui vient ; allons, tuons-le, jetons-le dans une « vieille citerne ; après cela on verra de quoi lul « auront servi ses songes. » Néanmoins, sur la remontrance de Ruben qui voulait le sauver, ils se contentèrent de le jeter dans la citerne, après lui avoir été sa robe. Bientôt même, in la vue d’une caravane de marchands qui venaient de Galaad et qui allaient en Égypte, Juda propou de retirer Joseph de la citerne, et de le vendre à ces étrangers, afin de ne pas souiller leurs mains du sang de celui qui était leur frère et leur chair. L’avis fut suivi, et Joseph fut vendu vingt pièces d’argent. Après cela, ils prirent sa robe, et l’ayant trempés dans le sang d’un chevreau, ils l’envoyèrent à


  1. Les amateurs du théâtre portugais peuvent consulter le volume que M. Ferd. Denis a donné dans la traduction des Chefs d’œuvres des théâtres étrangers. Ils y trouveront l’examen du système dramatique de quelques-uns des principaux auteurs Portugais.