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mais comme l’impératrice Marie-Louise avait obtenu la permission d’y aller, ce pays faisant encore partie de la France, M. de Blacas lui fit dire que la cour de Louis XVIII verrait avec peine qu’elle allât se réunir à sa belle-sœur. « Voilà,dit Hortense, un gouvernement qui se montre bien "fort en redoutant ainsi l’entrevue de deux femmes dont l’une, au milieu de sa puissance,n’a pas essayé de défendre sa couronne, et l’autre n’aspire qu’an repos ! » Hortense partit pour Plombières, laissant ses enfants à St-Leu,et elle alla joindre son frère à Bade, où elle fut traitée en reine par la grande-duchesse, sa cousine,par le roi de Bavière et l’impératrice de Russie. Là, elle eut une entrevue avec madame de Krüdner(voy. ce nom), qui lui prédit le retour de Napoléon et qui lui conseilla d’aller en Russie.Elle persista à retourner en France. À son arrivée à Saverne, elle rencontra des officiers français revenant de l’étranger où ils avaient été prisonniers. Reconnaissant la reine Hortense, ils l'accueillirent par de grandes démonstrations de joie. « Nous voulons vous servir "d’escorte, disaient-ils ; vous êtes notre reine, nous n’en "voulons pas d’autre. » À Phalsbourg elle retrouva ces mêmes officiers, qui, malgré ses refus et ses protestations, recommencèrent de plus belle. De retour à St-Leu le 19 septembre, après un voyage au Havre où elle apprit avec douleur la destruction d’Ecouen, un coup plus rude encore vint la frapper : Louis Bonaparte, qui s’était retiré en Italie, réclamait ses deux enfants, ou au moins l’ainé. Un homme de confiance était chargé de les lui amener. Dès le 15 mai précédent,Louis avait écrit à sa femme : "Madame, si vous voulez m’envoyer mon fils Napoléon,cela me fera plaisir, et vous garderez le plus jeune. Si vous ne voulez pas, dites-le-moi ; je consentirai à tout, parce que mon unique but maintenant est d’être dégagé de mes liens avec vous. Je sacrifierai tout à cela. » Eugène écrivit de Vienne à Hortense pour l’engager à ne pas résister aux volontés de son mari. L’empereur Alexandre, partageant cette opinion,lui fit dire qu’un refus de sa part soulèverait la malveillance contre elle. Hortense ne tint aucun compte de ces avis ; sa conduite fut d’autant plus imprudente que son salon était constamment rempli de militaires et d’anciens fonctionnaires qui regrettaient Napoléon. Le bruit courut qu’elle conspirait contre les Bourbons. En même temps les partisans de Bonaparte lui reprochaient plus d’un propos favorable à la restauration. Elle alla jusqu’à dire : « Notre mission "était de consoler, de faire oublier les discordes civiles, de réparer les maux passés par une fusion des partis, tout "en respectant les intérêts du peuple de qui nous tenions "tout. Les Bourbons reviennent pour frapper sur ce peuple "qui a osé innover et se révolter contre eux. S’ils ne le "font pas, cela tiendra à leur bonté ; mais cela doit être "dans leur système, puisqu’ils s’en croient le droit. » Dans son procès contre son mari, elle fit choix des quatre avocats les plus royalistes de tout le barreau : Bellart, Bonnet, Chauveau-Lagarde et Roux-Laborie. Et dans ses Mémoires mademoiselle Cochelet prétend qu’Hortense n’apprit que longtemps après les opinions et les antécédents de ses défenseurs. Enfin ce fut le moment que choisit Hortense pour aller faire visite à Louis XVIII et le remercier pour le duché de St-Leu. Ce prince lui fit l’accueil le plus gracieux, et Sémonville, qui n’était pas moins assidu à St-Leu qu’aux Tuileries, dit à cette occasion à mademoiselle Cochelet : « Votre reine a tourné la tête au « roi. Il ne parle que d’elle ; il est enchanté de son esprit, de son tact, de toutes se m* ièresi enfin on le plaisante au château. -Arrangez le divorce, lui dit-on dans sa famille, el épouK I

« : ez-Ia, puisque vous la trouvez si charmante. En effet, Louis XVIII avait dit au duc de Duras : K

« Je m’y connais, et je n’ai jamais vu de femme qui réunisse à tant de grâce des manières aussi G

« distinguées... » - (lui, lui répondit le courtisan, c’est une personne que tout le monde « s’accorde à trouver charmante ; mais- il est bien malheureux et peut-être bien à craindre qu’elle « ne soit entourée que de gens connus pour être les ennemis acharnés de Votre Majesté. » Cette If

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insinuation porta coup, car Louis XVII ! ne la revit plus. Le 16 novembre elle revint habiter Paris. Son salon de la rue Cérutti devint exclusivement bonapartiste ; on y parlait politique, elle recevait aussi les étrangers les plus illustres. Dans ces réunions, Labédoyère et M. de Flahault, qu’elle traitait avec une distinction toute particulière, affectèrent plus d’une fois de se présenter sans la croix d’honneur. La reine Hortense les grondait, mais le sourire sur les lèvres. Enfin il n’y avait pas un seul acte du gouvernement royal qui ne fût tourné en ridicule dans les petits comités de la rue Cérutti. La chose alla si loin que le 24 décembre il fut question de mettre les scellés chez elle. Avertie à temps, elle fit deux boites de ses diamants, dont elle confia l’une à M. Alexandre de Girardin, l’autre à Bonfiakim, agent diplomatique russe, que l’empereur Alexandre avait chargé spécialement de la protéger. Ne recevant pas les revenus qui lui étaient assignés par le traité de Fontainebleau, elle songea à vendre une infinité d’objets précieux qu’elle offrit d’abord à mademoiselle d’Orléans ; mais cette princesse répondit qu’il y avait tant de dettes à payer dans la succession de son père u A-e ni elle ni son frère ne pouvaient rien acheter en ce moment. Quand on parlait à la duchesse de St-Leu des propos auxquels elle était en butte : « C’est que je gène, répondait-elle, j'aurais dû l’imaginer plus tôt. » Au premier janvier 1815, toute la cour ayant défilé devant la famille royale, nombre de personnes distinguées allèrent, par la même occasion, en sortant des