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reprit ses travaux polémiques. Ce fut en vain que, par un mouvement de bascule, Merlin de Thionville essaya de le faire comprendre dans la proscription qui pesa sur le parti royaliste après la révolution du 18 fructidor an 5 (4 septembre 1797). Toutefois le directoire, qui le considérait toujours comme un de ses plus dangereux ennemis, l’exila dans le département de la Charente ; mais il ne prit pas même la peine de s’y rendre, resta impunément à Paris, et fut nommé député au conseil des cinq-cents par une fraction du collége électoral de la Seine et par le département des Bouches-du-Rhône. Ces deux élections furent annulées, l’une par le directoire, et l’autre par le conseil des anciens. Après le triomphe de Bonaparte au 18 brumaire, Antonelle se vit au moment d’être déporté ; mais l’arrêt des consuls fut révoqué presque aussitôt. La prescription qu’essuyèrent les démagogues après l’événement du 3 nivôse (la tentative de la machine infernale contre les jours de Bonaparte) fut plus sérieuse, bien qu’aussi peu méritée. Sur l’avis de Fouché, Antonelle fut relégué à quarante lieues de Paris ; et cette fois il fallut obéir. Un peu plus tard, la police le força même à s’éloigner davantage, et il se rendit en Italie. Lorsque les passions furent calmées, il lui fut permis de revenir dans sa ville natale ; et il y vécut enfin dans le repos, bien que, par intervalle, on le dénonçât à l’empereur, qui, dédaignant ces dénonciations, le laissa se livrer tranquillement à ses spéculations philosophiques. On n’entendit plus parler d’Antonelle jusqu’au rétablissement des Bourbons en 1814. À cette époque, on vit avec une grande surprise le vieux démagogue prendre la défense de la restauration dans un écrit intitulé le Réveil d’un vieillard, où il déclara positivement que la France ne pouvait attendre sa liberté que du roi légitime. Cet ouvrage est le dernier qu’il ait publié. Il mourut à Arles, le 26 novembre 1817. Comme il n’avait pas reçu les derniers secours de la religion, l’autorité ecclésiastique refusa de concourir aux cérémonies qui devaient accompagner sa sépulture [1]. Ses écrits sont : 1° Catéchisme du tiers état, Arles, 1789. in-8o. 2° Quelques Réflexions sur la mémorable assemblée de Carpentras, sur la pétition du peuple avignonnais, et sur l’opinion de Stanislas Clermont-Tonnerre, membre de l’assemblée nationale, Paris, 1791, in-8o. Cette brochure eut trois éditions. 3° Observations sur le compte rendu au roi par M. Debourge, l’un des commissaires civils envoyés à Arles, 1792, in-8o. 4° Quelques-uns des mensonges du commissaire Debourge dans les Observations sur l’affaire d’Arles, 1792, in-8o. 5° Supplément aux Observations sur le rapport de M. Debourge, 1799, in-8o. 6° Déclarations motivées d’Antonelle, juré au tribunal révolutionnaire dans diverses affaires, in-8o de 76 pages, Paris, an 2 (1793), Antonelle donne, dans cette brochure curieuse, les motifs de ses déclarations sur les affaires du jésuite d’Hervilly, des généraux Biron, Luckner, de Jules Dudon, de Duclos Dufresnoy, etc. 7° Le Contraste des sentiments, ou le citoyen Delacroix en présence d’un démocrate, an 3 (1795), in-8o. Voici l’épigraphe de cette brochure : « Le peuple est souverain dans la république, et vous le faites sujet ; nous avons la république démocratique, et votre plan constitue l’aristocratie et conduit à la monarchie. » 8° Quelques Idées à l’ordre, mais peut-être pas à la couleur du jour ; pluviôse an 3 (1795), in-8o de 95 pages. Antonelle voulait encore alors la terreur. Voici la conclusion de ses idées à l’ordre du jour : « La terreur, mais justement imprimée, mais sagement dispensée, mais réglée encore et contenue dans son redoutable exercice ; oui, la terreur, ainsi précisée, rentre dans l’ordre éternel. Il est un terme à tout, même à cette naturelle clémence d’un peuple qui sent sa grandeur et sa force. Le peuple le plus exorable doit avoir ses jours d’inflexibilité, et quand elle arrive cette heure terrible tx d’une sévérité rigoureuse, l’ordre éternel n’en est point troublé, il est maintenu : c’est encore la justice. » Ainsi, selon Antonelle, la terreur était la justice. 9° Motion d’ordre à l’occasion de la brochure de Loucet, an 3 (1795), in-8o. Dans cette brochure, Antonelle fait encore le procès des Girondins ; il les appelle des quarterons révolutionnaires, des constitutionnels au bas titre. Il répète que Buzot faisait de la destruction de Paris un des axiomes de sa politique ; il persifle Louvet et sa divine Lodoiska, etc. 10° Sur la prétendue conspiration du 21 floréal ; Mon Examen de conscience, ou le détenu à Vendôme, au 5 (1797), in-4o. 11° Quelques observations qui peuvent servir d’appendice à la seconde lettre de Robespierre, in-8o. 12° Enfin beaucoup d’articles signés et anonymes dans divers journaux[2]. M-d j.


ANTONELLI (Nicolas-Marie), comte de la Pergola, s’éleva par degrés, à la cour de Rome, dans les dignités ecclésiastiques, jusqu’à celle de cardinal. Il se distingua par un profond savoir, par une modestie rare et des mœurs pures. Il était né en 1697, et mourut le 2-1 septembre 1767. Il a laissé, entre autres ouvrages : 1° une dissertation latine, de Titulis

  1. Antonelle, ayant dissipé sa fortune, avait longtemps végété à Paris. Couvert d’une vieille houppelande, les cheveux gris et gras, le dos voute. la tête inclinée. il ne ressemblait guère au brillant et sémillant maire d’Arles, à la tête haute, toujours poudrée et bien frisée. Sept à huit ans avaient suffi pour opérer ce changement. Mais quelques années avant la restauration, devenu riche par la succession de son frère aîné. l’amour des plaisirs. le désir et le besoin du repos, continuèrent à absorber entièrement ses facultés. D’ailleurs il se montra toujours bon maître, généreux et bienfaisant. Il donnait à ses fermiers ses terres à bon marche. et leur faisait souvent remise des termes échos, préférant diminuer ses revenus que de poursuivre ses débiteurs. Sa plus proche parente était madame de Clennout-Lodève, mère de l’aide de camp du duc de Berri, et il lui aurait laissé sa fortune. si elle se fût hâtée de quitter Paris, suivant le conseil de son fils. En arrivant à Arles, elle trouva Antonelle mourant, et ne put ni prévenir ni faire annuler ses dernières dispositions.
  2. Sans justifier les principes, ou plutôt les opinions d’Antonelle (car il n’avait pas de principes). nous pouvons assurer qu’il n’était ni ambitieux, ni vindicatif, ni sanguinaire. C’était un épicurien, un libertin, un cerveau brûlé dans toute l’étendue du terme. On l’a vu se promener sur les remparts d’Arles, coiffé d’un mouchoir choir et en robe de chambre ; d’autres fois marcher tellement sur les bords d’un fossé, que ses pieds en étaient mouillés. Lorsqu’il écrivait, il avait à côté de lui une pile d’assiettes qu’il plaçait successivement sur son cou nu, pour le rafraîchir, et qu’il changeait à mesure qu’elles venaient a s’échauffer. Il prétendait rafraîchir ainsi les vapeurs bouillantes de son cerveau. A-t.