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son gouvernement, il fut condamné à un exil perpétuel. Dans la guerre qui suivit la mort de César, il fut battu et fait prisonnier par le fils de Cicéron, lieutenant de M. Brutus. Q-R-y.


ANTOINE (Saint), patriarche des cénobites, naquit en 251, au village de Come, près d’Héraclée, dans la hante Égypte. Ses parents, après lui avoir donné une éducation chrétienne, furent enlevés de ce monde, et le laisseront, à l’âge de dix-huit ans, possesseur d’une fortune considérable. Ces paroles de Jésus-Christ adressées au jeune homme de l’Évangile : « Vendez ce que vous avez, donnez-le aux pauvres, et vous aurez un trésor dans le ciel, » firent une telle impression sur lui qu’il vendit ses terres, en distribua le prix aux pauvres, et se retira dans le désert, pour s’y livrer a toutes les rigueurs de la vie ascétique. Les tentations que le démon lui fit éprouver dans cet état, sous toutes sortes de formes, et qui troublèrent pendant vingt ans sa solitude, sont célèbres dans l’antiquité ecclésiastique, aussi bien que les mortifications par lesquelles il sortit victorieux de ces longs et rudes combats, qui lui valurent le don des miracles. Antoine vivait isolé au milieu des décombres d’un vieux château situé sur une haute montagne, ne communiquant avec les hommes que par un serviteur qui lui portait de temps en temps quelques aliments ; un cilice couvert d’un manteau de peaux de brebis, attaché par une ceinture, formait son vêtement. Six onces de pain trempé dans l’eau, un peu de sel et quelques dattes, étaient sa nourriture de tous les jours, lorsqu’il ne jeûnait pas. Il ne s’interrompait, dans la contemplation des choses célestes, dans la méditation des vérités éternelles, que par le travail des mains, soit pour cultiver un petit coin de terre, soit pour faire des nattes, dont la vente lui produisait encore de quoi soulager les pauvres. La réputation de sa sainteté attira auprès de lui de nombreux disciples. Il descendit de sa montagne pour les rassembler dans le monastère de Phaium, composé de diverses cellules, ou plutôt de huttes et de cabanes éparses çà et là. Le désir d’une vie plus retirée le porta ensuite à s’avancer plus avant dans le désert. Il s’arrêta au pied d’une montagne dont l’aspect seul était effrayant. L’affluence des personnes qui l’y suivirent l’obligea de former en cet endroit un nouveau monastère semblable au premier, après quoi il gravit sur le sommet escarpé de la montagne, y bâtit une cellule, et y fixa sa demeure. Bientôt d’autres monastères s’établirent dans cette partie du désert, de sorte que les vastes solitudes de la Théhaïde furent couvertes de cénobites, dont les uns remplissaient ces monastères, les autres s’enterraient dans des cavernes formées par l’extraction des pierres qui avaient servi à la construction des fameuses pyramides. Le nombre de ces habitants du désert s’élevait, à sa mort, à plus de 15,000. St. Athanase, que la persécution avait souvent contraint de se réfugier dans ces retraites profondes, nous trace ainsi le tableau de la vie qu’on y menait : « Les monastères, comme autant de temples, dit-il, sont remplis de personnes dont la vie se passe à chanter des psaumes, à lire, à prier, à jeûner, à veiller, qui mettent toutes leurs espérances dans les et biens à venir, sont unies par les liens d’une charité admirable, et travaillent moins pour leur propre entretien que pour celui des pauvres : c’est comme une vaste région absolument séparée du monde, et dont les heureux habitants n’ont d’autre soin que celui de s’exercer dans la justice et dans la piété. » Les différents monastères avaient chacun leur supérieur, et tous ces supérieurs étaient subordonnés à Antoine, qui avait conservé la surintendance générale sur toutes les colonies religieuses du désert. Lorsqu’il ne pouvait point y faire de visites, il leur adressait des lettres et des instructions pour les entretenir dans leur première ferveur. Il descendait encore de sa montagne pour satisfaire à l’empressement des gens du monde, qui venaient le consulter sur leurs besoins spirituels. Quoique Antoine ne se fût point appliqué à l’étude des sciences et des belles-lettres, la lecture des livres saints et ses propres méditations l’avaient mis en état de défendre la religion contre ses ennemis. Des philosophes païens, curieux de voir un solitaire dont la renommée publiait tant de merveilles, allaient souvent le voir pour disputer avec lui. Plusieurs, frappés de la force et de la clarté avec lesquelles il confondait leurs sophismes, prouvait la vérité du christianisme et dévoilait les absurdités du paganisme, se convertirent à la foi. Deux fois il fut obligé de quitter sa solitude et de se rendre à Alexandrie ; la première en 311, pendant la persécution de Maximin, pour servir les chrétiens détenus en prison ou condamné aux mines, et les encourager, jusqu’au pied des tribunaux et sous la hache des bourreaux, à persévérer dans la foi ; la seconde, à la prière de St. Athanase, en 355, pour confondre les ariens, qui voulaient le faire regarder comme un de leurs partisans, et le peuple courait en foule pour lui entendre prêcher la doctrine de Jésus-Christ. Constantin le Grand, qui le traitait de père, lui écrivit de sa propre main pour lui demander le secours de ses prières. St. Athanase nous a conservé la réponse du saint anachorète. Antoine, sentant sa fin approcher, entreprit, pour la dernière fois, la visite de ses monastères ; il se retira ensuite sur le sommet de sa montagne avec ses deux plus chers disciples, Macaire et Amathas. Il leur défendit d’embaumer son corps, suivant l’usage des Égyptiens, qu’il avait souvent condamné comme étant fondé sur un motif de vanité et renfermant quelque pratique superstitieuse : il leur recommande de l’enterrer comme les anciens patriarches, de garder le secret sur le lieu de sa sépulture, et d’envoyer son manteau à St. Athanase, afin de prouver par là qu’il mourait dans sa communion. Après quelques autres dispositions semblables : « Adieu, mes enfants, leur dit-il ; Antoine s’en va, il n’est plus avec vous. » C’est ainsi qu’il expira paisiblement, en 556, à l’âge de 105 ans, sans que ses grandes austérités lui eussent jamais fait éprouver aucune des infirmités qui sont le partage ordinaire de la vieillesse. L’Église célèbre sa fête le 17