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et c’est à lui que cette faction dut son nom, qui a fourni plusieurs dérivés à notre langue. Il dit un jour que le parlement faisait comme ces écoliers qui, s’amusant à fronder dans les fossés de Paris, se séparent dès qu’ils aperçoivent le lieutenant civil, et se rassemblent de nouveau lorsqu’ils ne le voient plus. La comparaison fut trouvée plaisante ; dès ce moment les ennemis de Mazarin prirent pour signe de ralliement des cordons de chapeau en forme de fronde, et furent appelés frondeurs. Dans cette guerre, où les épigrammes se mêlaient aux coups de fusil, on peut croire que Bachaumont, né avec le goût et le talent des vers, exerça plus d’une fois sa verve contre le parti de la cour. Les troubles finis, il se retira des affaires, et se démit de sa charge pour ne plus s’occuper que de jouir et de chanter ses plaisirs en compagnie de Chapelle et de Broussin. Nombre de bagatelle ingénieuses, échappées à son esprit facile, délicat, ont été insérées, sans nom d’auteur, dans les recueils du temps, où il est impossible de les distinguer. Lefebvre de St-Marc n’a pu rassembler sous son nom que quatre pièces ; encore n’assure-t-il pas qu’elles soient toutes de lui : on les trouve à la suite des Poésies de Chapelle, 1 vol. in-18, Paris, 1755. Ami intime de Chapelle,

Il lui servit de compagnon
Dans le récit de ce voyage,
Qui du plus charmant badinage
Fut la plus charmante leçon. (Volt.)

On ne sait pas au juste quelle part il eut dans la composition de ce joli ouvrage ; mais il parait constant que c’est lui qui a fait ces vers si connus :

Sous un berceau qu’amour exprès
Fit pour charmer quelque inhumaine, etc.

Devenu vieux, il songea à faire une fin chrétienne. Il disait à ses amis, étonnés du changement de sa conduite : « Un honnête homme doit vivre à la porte de l’église et mourir dans la sacristie. » Le Coigneux de Bachaumont mourut en 1702, à l’âge de 78 ans. Il avait épousé la mère de madame de Lambert, connue par d’excellents ouvrages de morale (voy. Lambert), et n’avait pas peu contribué à cultiver les heureuses dispositions de sa belle-fille.

A-G-r.


BACHAUMONT (Louis Petit de), né a Paris, à la fin du 17e siècle, était un paresseux aimable. Depuis longtemps, il vivait chez madame Doublet (morte en 1771, à 94 ans), qui rassemblait dans sa maison grande compagnie. On y faisait un journal de tout ce qui se disait dans le monde. La politique, les belles-lettres, les arts, les détails et aventures de société, tout était de son ressort ; c’est ce qui donna naissance aux Mémoires secrets, pour servir à l’histoire de la république des lettres. Bachaumont en rédigea les quatre premiers volumes et la moitié du cinquième. L’ouvrage fut continué par Pidansat de Mairobert et autres ; il a été imprimé plusieurs fois en 56 vol. in-12. La meilleure édition est celle qui est imprimée en gros caractères. Chopin a donné, en 1788, un Choix des Mémoires secrets, 2 vol. in-12. M. Merle, en 1808, en a donné un autre abrégé,

BAC

très-mal fait, sous le titre de Mémoires historiques, littéraires et critiques, 2 vol. in-8o, et dont la seconde édition, qui ne vaut pas mieux, parut en 1809, 3 vol. in-8o. Tous ces abrégés ne peuvent remplacer l’ouvrage de Bachaumont et de ses continuateurs, dans lequel on trouve (depuis le 1er janvier 1767 jusqu’au 1" janvier 1788) les analyses de toutes les pièces de théâtre ; les relations des assemblées littéraires ; les notices des livres nouveaux clandestins, prohibés ; les pièces fugitives, rares ou manuscrites, en prose et en vers ; les vaudevilles sur la cour ; les anecdotes et bons mots ; les éloges des savants, des artistes, des hommes de lettres morts, etc. ; mais quelquefois, dit de Laharpe, « c’est un amas d’absurdités ramassées dans les ruisseaux, où les plus honnêtes gens et les hommes les plus célèbres en tout genre sont outragés et calomniés, avec l’impudence et la gros sièreté des beaux esprits d’antichambre. » Il est bon d’observer que Laharpe est fort maltraité dans plusieurs passages de ces Mémoires. On a encore de Bachaumont : 1° Essai sur la peinture, la sculpture, et l’architecture, 1731, in-8o ; 2° Mémoires sur le Louvre, l’Opéra, la place Louis XV, les salles de spectacle, la Bibliothèque du roi, 1750, in-12, réimprimés à la suite de l’ouvrage précédent ; 3° Vers sur l’achèvement du Louvre, 1755 ; 4° la Vie de l’abbé Gédoyn, son parent, à la tête des Œuvres diverses de l’abbé Gédoyn publiées par d’Olivet, 1745, in-12 ; 5° une édition du Quintilien de Gédoyn, 1752, 4 vol. in-12, en tête de laquelle on a reproduit la vie de ce traducteur. Bachaumont mourut le 28 avril 1771.

A. B-t.


BACHELERIE (Hugues de la Bacalaria ou), troubadour, était né vers la fin du 12e siècle, à Uzerche dans le Limousin. Anselme Faydit (voy. ce nom), son compatriote, l’a choisi pour interlocuteur d’un de ses tensons. Il fut, avec le même Faydit, un de ceux auxquels Savary de Mauléon s’adressa pour savoir quel est le plus favorisé, de l’amant que sa dame encourage par un regard amoureux, de celui dont elle a serré la main, ou enfin de celui dont elle a pressé le pied secrètement. Cette grave question, restée indécise, est débattue dans une pièce fameuse que l’abbé Millot ne fait connaître que par un extrait dans son Histoire des Troubadours, t. 2, p. 107 ; mais elle a été publiée en entier, avec une traduction littérale, par Raynouard, dans son Choix de poésies originales, t. 2, p. 199. Il parait que Hugues n’a pas joui de son temps de toute la réputation qu’il méritait. Habile dans l’art de composer des vers, il n’avait pas le talent de les faire valoir, et fréquentait rarement ces assemblées où les poètes trouvaient alors le prix de leurs travaux dans le suffrage de juges éclairés, et même dans des récompenses plus solides. L’historien des troubadours nous apprend que Hugues joignait aux avantages du corps une grande courtoisie et de l’instruction. Il ne nous reste de lui que sept pièces. Parmi celles que Raynouard a publiées, on distingue deux chansons amoureuses, dont la seconde, reproduite par M. Auguis, dans les Poëtes français depuis le 12e siècle, L 1er, p. 180, est très agréable, mais n’offre pas, comme on l’a répété d’après