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ANN

ractère grave, et qui fut bientôt après revêtu d’une des premières charges de la cour de Rome, ait inventé, fabriqué et supposé tous ces auteurs qu’il donna pour authentiques, et de l’autre, que ces auteurs, prétendus anciens, le soient véritablement. Il ne le croit donc ni un imposteur, ni un homme tout à fait sincère, mais un homme crédule et trompé, qui s’est trop complu dans son erreur, et qui a fait tous ses efforts pour y entraîner ses lecteurs après lui. (Voy. Dissertazioni Vossiane, t. 2, p. 189-192.) Ce judicieux critique cite deux preuves bien fortes de la bonne foi d’Annius, mais en même temps de sa crédulité, et de la simplicité de ceux qui croient en lui et aux auteurs de son recueil. Le P. Labat, dominicain, dans le tome 7 de ses Voyages en Espagne et en Italie (Amsterdam, 1751, in-12, p. 66 et suivantes), raconte que le P. Lequien, du même ordre, auteur de l’Oriens christianus et d’autres ouvrages, lui avait fait voir une défense d’Annius, dans laquelle il donnait ces deux preuves. L’une est, qu’ayant confronté le Manethon et le Bérose de la collection d’Annius avec divers fragments de ces deux auteurs, épars dans les livres de Josephe, il les avait trouvés tout différents. Or, si Annius eût été le fabricateur de ces fausses histoires, il était imposable qu’il ne lui fût pas venu dans l’esprit d’y encadrer ces fragments, qui auraient donné de l’autorité a son imposture. L’autre preuve est que, parmi les manuscrits de Colbert (faisant aujourd’hui partie de la bibliothèque royale), il s’en trouvait un du 13e siècle, entre 1220 et 1230, contenant un catalogue d’auteurs parmi lesquels on remarquait Bérose et Mégasthéne, les mêmes qui font partie du recueil d’Annius : ce n’était donc pas lui qui les avait fabriqués ; ils l’étaient déjà depuis plusieurs siècles. Zeno conclut que les auteurs compris dans cette collection ne méritent aucune confiance, et il se moque de Pietro Lauro qui fut, dit-il, assez désœuvré (cosi scioperato) pour employer son temps à traduire et à publier tous ces ouvrages, et plus encore de Fr. Sansovino, qui lit à cette traduction des additions et des notes, et les fit réimprimer à Venise, 1550, in-4o. Tiraboschi, autre critique non moins judicieux que Zeno, embrasse son opinion (Stor. della Letter. ital., t. 7, part. 2, p. 16 et 17, 1re édition de Modène, in-4o). Comme lui, il se refuse à croire Annius un faussaire, et ne l’accuse que d’une excessive crédulité. « Il n’y a maintenant, ajoute-t-il, aucun homme médiocrement versé dans les premiers éléments de la littérature qui ne rie, et des historiens publiés par Annius, et de leur commentateur ; et je regarderais comme une perte inutile de temps que d’alléguer des preuves de ce dont personne ne doute plus, si ce n’est ceux qu’il est imposable de convaincre. » G-é.


ANNON ou HANNON (Saint), archevêque et électeur de Cologne, était de la famille des comtes de Sonnenberg de Souabe : il fut d’abord recteur a Bamberg, ensuite prévôt à Gozlar. L’empereur Henri III, ayant entendu parler de ses talents, le fit venir à la cour, et l’envoya peu après à Cologne en qualité d’ambassadeur. Il s’y conduisit avec tant d’habileté que l’archevêque Hermann le recommanda comme digne de lui succéder, et il fut élu en 1055. Après s’être appliqué à fonder des chapitres et à réformer les monastères dans son diocèse, il fut rappelé à la cour par l’impératrice Agnès, qui lui confia l’éducation du jeune empereur Henri IV, et l’administration de l’Empire, qu’il dirigea avec un égal succès. Privé quelque temps du ministère, il retourna dans son archevêché, où les révoltes de ses propres sujets lui firent courir de grands dangers et occupèrent souvent sa justice un peu sévère. Il reparut à la cour en 1072, et mourut le 4 décembre 1075, laissant une réputation honorable. Il fut enseveli dans le couvent de Siegberg, et canonisé peu de temps après. G-t.


ANNONE (Jean-Jacques de) naquit à Bâle en 1728 et y mourut en 1804. Il étudia la philosophie et la jurisprudence, et obtint dans sa patrie en 1766 la chaire d’éloquence, qu’il quitta en 1779 pour celle de jurisprudence. Il s’occupa avec succès d’archéologie, d’histoire naturelle et de physique ; ses collections, tant de médailles et de monnaies que d’objets d’histoire naturelle qu’on conserve à Bâle, sont riches et remarquables. Outre un nombre considérable de mémoires, insérés dans les Acta helvetica et dans d’autres ouvrages périodiques de l’Allemagne, il a donné des notes relatives aux monnaies antiques, pour l’édition de Bâle, 1762, du Glossaire de du Cange, et il a enrichi l’ouvrage de Knorr, sur les pétrifications, d’un grand nombre d’articles et de figures relatives a des pièces de son cabinet. U-i.


ANOT (Pierre-Nicolas), chanoine et grand pénitencier de Reims, né en 1762 à St-Germain-Mont, fut d’abord sous-principal au collège de Reims. Il allait occuper une des premières chaires à l’université de cette ville, lorsque la révolution le força de chercher un asile hors de sa patrie. Il parcourut les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Italie, l’île de Malte, et vint, après douze années d’exil, se fixer de nouveau à Reims, où il se livra tout entier a des œuvres de charité et à l’exercice des fonctions ecclésiastiques les plus pénibles. Il mourut dans cette ville, le 21 octobre 1823, et le 3 de novembre suivant, un hommage très-honorable lui fut ainsi rendu par le président des assises de la Marne, à l’ouverture de la session : « Nous éprouvons le besoin de vous communiquer les regrets qui se sont renouvelés plus vivement hier, lorsque nous visitions les prisons confiées à notre surveillance. Il n’est plus, ce consolateur des prisonniers, ce vénérable Anot, cet émule de St. Vincent de Paul, qui avait choisi la plus rigoureuse des infortunes humaines pour la consoler et l’adoucir. C’est par cet ange des prisons que les consolations descendaient dans les asiles de la douleur et du remords. Il se privait, afin de subvenir aux besoins des prisonniers ; on l’a vu sortir de la prison après leur avoir abandonné jusqu’à ses vêtements. La douleur publique, dont je suis l’organe, pouvait-elle être exprimée plus convenablement qu’en présence des témoins de sa vie, et que près des bancs destinés aux malheureux qu’il a tant de fois consolés ? » M. Macquart, grand vicaire de Reims,