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et dangereuse combinaison, Annibal ne pouvant surtout manœuvrer pour faciliter cette jonction difficile. Ou l’armée d’Espagne devait s’embarquer vers Sagonte, pour débarquer ensuite vers Naples, ou bien Annibal, en combinant sa marche avec celle de son frère, devait regagner la haute Italie pour se joindre à Asdrubal vers la Trébie, et se diriger de concert sur Rome. Les tacticiens exercés remarquent aussi quelques fautes dans l’ordre de bataille d’Annibal à Cannes : voila les seuls reproches que la critique la plus sévère puisse adresser à la mémoire de l’un des plus grands capitaines de l’antiquité. Quant à ses mœurs, elles furent irréprochables ; plusieurs historiens citent avec éloge la continence qu’il montra au milieu des plus belles captives, et sa tempérance, malgré les délices et l’abondance de Capoue. Les mœurs d’Annibal furent d’ailleurs adoucies par la culture des lettres. Suivant Cornelius Népos et Plutarque, il cultiva la littérature grecque, et eut pour maîtres Sosile le Lacédémonien et l’historien Syllène ; tous deux habitèrent les camps avec lui, et accompagnèrent tant que le permit la fortune. Annibal composa en grec plusieurs ouvrages, entre autres l’histoire des expéditions de Cnéius Manlius Vulso, en Asie, contre les Gallo-Grecs, ouvrage qu’il dédia aux Rhodiens, et qui n’est pas parvenu jusqu’à nous. La plupart de ses reparties prouvent qu’il avait l’esprit poli et orné. On cite surtout sa réponse à Antiochus. Le roi de Syrie, fier de la richesse des armes de ses troupes, demanda un jour de revue, à Annibal, s’il croyait ces belles armes suffisantes pour les Romains. « Oui, répond l’illustre Carthaginois, quand même les Romains seraient encore plus avares. » La vie d’Annibal, que nous a laissée Comélius Népos, n’est qu’un abrégé incomplet qui doit faire regretter que Plutarque lui-même ne fait pas écrite. (Voy. Donat Acciajuoli.) Sosile le Lacédémonien avait écrit en grec l’histoire des expéditions d’Annibal, dont il fut le maître, le compagnon et l’ami ; mais cet ouvrage précieux n’est point arrivé jusqu’à nous. On sait aussi qu’Annibal perpétua les principaux événements de la seconde guerre punique, en les faisant graver en langue grecque sur des tables d’airain, qu’il laissa à Lacinium en Calabre ; Polybe a eu connaissance de ces tables, et les a suivies dans son histoire. M. de Fortia d’Urban, dans ses antiquités du département de Vaucluse, a discuté en détail le passage du Rhône par Annibal, et a combattu l’opinion adoptée par d’Anville[1]. B-p.


ANNIBAL CARO. Voyez Caro.


ANNIBALIEN, neveu du grand Constantin. Voyez Constantin, Constance et Julien.


ANNICÉRIS de Cyrène se distingua par sa passion pour les chevaux et par son adresse à conduire un char. S’étant embarqué pour aller à Olympie disputer le prix de la course des chars, il aborda à Égine au moment où Pollis y exposait en vente Platon qui lui avait été livré par Denys le Jeune. Annicéris, qui connaissait le mérite de ce philosophe, l’acheta et le renvoya, ou plutôt le reconduisit lui-même à Athènes. Ce fut sans doute alors que, voulant faire voir son adresse à Platon, il mena son char dans l’académie, et lui fit faire un grand nombre de tours sans que les roues sortissent de l’ornière qu’elles avaient tracée ; ce qui fit dire à Platon qu’il était impossible que celui qui avait mis tant de soin à s’exercer a des futilités eût rien appris de bien important. C-r.


ANNICÉRIS, de Cyrène comme le précédent, mais beaucoup postérieur à lui, puisqu’il vivait du temps d’Alexandre, fut disciple de Paræbates, de l’école d’Aristippe. Suidas et Diogene Laërce ont commis beaucoup d’erreurs dans l’histoire de ce philosophe, en le confondant avec le contemporain de Platon, et en le représentant comme suivant la doctrine d’Épicure : il était de la secte cyrénaïque. Annicéris fit à la philosophie d’Aristippe diverses modifications, et fut le fondateur de la secte annicérienne, dont on peut lire dans Diogene Larce les principes fondamentaux. Il florissait vers l’an 330 avant J.-C. D-l.


ANNIUS de Viterbe. Son véritable nom était (Jean Nanni, en latin, Nannius. Par amour pour l’antiquité, en supprimant une seule lettre, il changea Nannius en Annius, selon l’usage de son temps, et il y joignit le nom de sa patrie. Né à Viterbe, dans les États de l’Église, vers l’an 1432, il entra fort jeune dans l’ordre des dominicains. Dès lors, et pendant sa vie tout entière, le-temps qu’il ne donnait pm aux devoirs de son état fut consacré à l’étude. Celle qu’il fit, non-seulement des langues grecque et latine, mais des langues orientales, lui attira beaucoup de considération dans son ordre. Suivant son institution, il exerça souvent avec zèle le ministère de la parole. Ses succès le firent appeler à Rome, où il acguit l’estime des membres les plus distingués du sacré collège, et des souverains pontifes Sixte IV et Alexandre VI. Ce dernier lui donna, en 1499, la place honorable de maître du sacré palais, vacante par la nomination de Paul Moneglia à l’évêché de Chio. Annius eut de la peine à conserver son crédit sous ce méchant pape, dont le fils, César Borgia, plus méchant que lui, et livré à tous les crimes, pardonnait difficilement la vérité, qu’Annius lui disait toujours. La femme de César, au contraire, la duchesse de Valentinois, princesse aussi vertueuse que son mari était scélérat, accordait au savant dominicain toute sa confiance. Le duc, fatigué des conseils qu’il recevait de l’un et de l’autre, fit tomber son ressentiment sur Annius, et l’on prétend qu’il le fit empoisonner. Quoi qu’il en soit, Annius mourut le 15 novembre 1502, âgé de 70 ans, comme le porte l’épitaphe gravée sur son tombeau, à Rome, dans l’église de la Minerve, devant la chapelle de St-Hyacinthe, et non pas de St-Dominique, comme on le dit communément. Cette épitaphe, que le temps avait effacée, fut restaurée en 1618, par les soins des habitants de Viterbe. Annius a laissé un grand nombre d’ouvrages. La deux premiers qu’il publia, et qui firent une grande

  1. Je dois à obligeance de M. le baron de Jomini, auteur du traité des grandes opérations militaires, des observations et des éclaircissements essentiels sur les batailles de Cannes et de Zama.