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talents et sa brillante existence a-t-elle envenimé ces imputations. On a vu plusieurs exemples à Paris de femmes qui réunissaient autour d’elles le cercle le plus distingué, et sans lesquelles les hommes d’esprit de France n’auraient pu goûter le plaisir de se communiquer entre eux, et de s’encourager mutuellement ; mais l’ascendant d’Aspasie était d’une tout autre nature : on aimait à l’admirer comme orateur, tandis qu’en France, la parole n’était jamais qu’un jeu facile et léger. Aspasie influait sur la nation entière, dont elle pouvait presque se faire entendre ; car le nombre des citoyens qui formaient l’État politique d’Athènes était singulièrement resserré. Les beaux-arts se reproduisaient en Grèce sous toutes les formes. Non-seulement l’éloquence, mais la science du gouvernement elle-même était inspirée par une sorte d’esprit artiste, qui prenait naissance dans les mœurs et la religion des Athéniens. Ce pouvoir universel de l’imagination donnait un grand empire à Aspasie, puisqu’elle en connaissait tous les secrets. S’enivrer de la vie était presque un devoir dans le culte des Athéniens. Le renoncement au monde et à ses pompes doit être la vertu des modernes ; il est donc impossible de juger d’après les mêmes principes deux époques si différentes dans l’histoire des sentiments humains. Un poête allemand a donné à une femme le nom de Ste. Aspasie. Ce serait une belle chose, en effet, que de réunir toute la magie de la culture poétique des Grecs, avec la sévérité de morale qui fortifie l’âme, et peut seule lui donner du sérieux et de la profondeur. Le nom d’Aspasie était devenu tellement célèbre, que le jeune Cyrus le fit prendre à sa maîtresse Milto (voy. l’article suivant), afin d’exprimer ainsi l’enthousiasme qu’il éprouvait pour ses grâces et pour ses charmes : Aspasie signifiait la plus aimable des femmes, comme Alexandre le plus grand des héros. Appeler une femme Aspasie, c’était presque la comparer à quelque divinité de la fable ; car, en Grèce, les hommes et les femmes célèbres dans quelque genre que ce fût se confondaient bien vite avec les habitants de l’Olympe, qui touchait de si près à la terre. S.-H.


ASPASIE, fille d’Hermotimus, née à Phocée dans l’Ionie ; elle était d’une beauté si accomplie, qu’un satrape de l’Asie Mineure l’enleva pour en faire présent à Cyrus le jeune. Amenée devant ce prince avec beaucoup d’autres femmes, Aspasie ne voulut se prêter à aucune de ses caresses, et jeta des cris lorsqu’il voulut prendre quelque liberté avec elle. Cette résistance plut beaucoup au jeune prince : loin d’employer la violence, il s’étudia à gagner ce cœur rebelle, et, naturellement aimable, il y réussit facilement. Ils s’attachèrent tellement l’un à l’autre que Cyrus oublia son sérail pour vivre avec son esclave comme avec une épouse légitime, union qui devint célèbre dans toute la Grèce. Après la mort de ce prince, Aspasie tomba entre les mains d’Artaxercès, qui chercha vainement à s’en faire aimer : la mémoire de Cyrus lui était toujours chere. Elle céda cependant enfin à la nécessité. Quelques années après, Darius, qu’Artaxercès, son père, venait d’associer à l’empire, demanda Aspasie ; le roi, n’osant pas refuser, répondit qu’elle était maîtresse de choisir. Aspasie donna la préférence au fils, et Artaxercès, irrité, s’en vengea en la faisant grande prêtresse de la déesse Anaïtis, à Ecbatane, dignité qui l’obligeait à vivre dans la chasteté le reste de ses jours. Elle se nommait d’abord Milto ; ce fut Cyrus qui lui donna le nom d’Aspasie, devenu célèbre par le rôle que la précédente avait joué. Leconte de Bievre a publié, en 1736, en un vol. in-12 : Histoire des deux Aspasie, ouvrage déjà donné, la même année et sous le même titre, par un anonyme. C-T.


ASPASIE (Carlemegelli). Voy. Carlemegelli.


ASPASIUS, célèbre sophiste, contemporain des Philostrate, était de Ravenne, et ; vivait dans le 3e siècle. Il reçut de Démétrianus, son père, habile rheteur, les premières leçons de l’art oratoire ; et il fréquenta depuis les écoles de Pausanias et d’Hippodrome[1]. Sans affecter un respect superstitieux pour les anciens, il sut se préserver des défauts de la plupart des sophistes de son temps, et se fit un style à la fois simple et élégant. Il acquit aussi par le travail le talent d’improviser, que la nature lui avait refusé. L’empereur Alexandre Sévère l’ayant choisi pour son secrétaire, il accompagna ce prince dans ses expéditions tant en Orient que dans l’Illyrie. Il avait déjà visité ou depuis il visita d’autres contrées, cherchant partout l’occasion d’accroître ses connaissances. Aspasius enseigna longtemps la rhétorique à Rome. Tant qu’il fut dans la vigueur de l’âge, on n’eut que des éloges a lui donner : mais en vieillissant il devint opiniâtre, et dans ses disputes assez fréquentes il ne voulut céder a personne. Il en eut une très-vive avec Philostrate l’ancien ; mais on peut conjecturer que dans la suite ils se réconcilièrent, puisque Aspasius soumit une de ses improvisations au sophiste de Lemnos, en le priant de la corriger. C’est sans doute ce même Philostrate qui lui avait adressé une lettre sur le style épistolaire[2], dans laquelle il lui donne de sages conseils sur celui qu’il devait employer en écrivant au nom de l’empereur. Déjà très-vieux, il professait encore à Rome dans le temps que Philostrate le jeune recueillait les vies des sophistes, dont la dernière est celle d’Aspasius. Suidas lui a consacré un article en partie tiré de Philostrate. Il y donne les titres de deux de ses harangues contre les Médisants et contre Ariston. Moréri lui attribue un traité de rhétorique et une histoire de l’Épire en 20 livres ; mais ce dernier ouvrage est d’un autre Aspasius. Ginnani, dans ses Scrittor. Revevennati, I, 60, donne une liste assez étendue des auteurs qui ont parlé du sophiste de Ravenne. W-s.


ASPECT (d’) naquit en Provence, s’il faut s’en rapporter a une indication donnée par Desessarts (Siècles littéraires, t. 1, p. 84). Cependant on

  1. Hippodrome était l’élève de Philostrate l’ancien.
  2. Dans l’éditions des œuvres de Philostrate par Oléarius, cette lettre est la première.