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ANN

ressentait contre les Romains. Annibal le suivit en Espagne, et fut témoin de ses conquêtes. Amilcar ayant été tué neuf ans après, dans une bataille en Lusitanie, l’an 229 avant J.-C., les Carthaginois lui donnèrent pour successeur Asdrubal, son gendre, et le jeune Annibal retourna dans sa patrie. Quatre ans après, Asdrubal écrivit au sénat de lui envoyer le fils d’Amilcar, qui avait alors vingt-deux ans. Hannon, ennemi de la famille Barcine, s’y opposa avec véhémence ; mais l’ancien parti d’Amilcar l’ayant emporté, Annibal reparut en Espagne, au milieu des soldats de son père : ils crurent revoir Amilcar à leur tête : mêmes traits, même fierté, même feu dans les regards. Devenu l’idole de l’armée, Annibal fit trois campagnes sous Asdrubal, et donna tant de preuves de capacité et de valeur, qu’après l’assassinat de ce général, l’an 221 avant J.-C., l’armée lui déféra le commandement, au milieu des plus vives acclamations. Le sénat et le peuple ayant confirmé ce choix, le fils d’Amilcar, à peine âgé de vingt-six ans, se vit investi du commandement général de l’Espagne. Fidèle à son premier serment, il laissa bientôt entrevoir qu’il respecterait peu les traités conclus avec Rome ; il voila cependant ses desseins, et, marchant d’abord a la conquête entière de la péninsule, il se jeta dans la province des Olcades, et s’empara de la capitale, nommée Althéa. Les autres villes, effrayées, se soumirent. Annibal, ramenant son armée hiverner à Carthagène, fit un partage égal du butin entre les Africains et les auxiliaires, et s’assura ainsi de leur fidélité. La campagne suivante, il pénétra dans la province des Vaccéens, et s’empara de Salmantica et d’Arbucala ; il aurait tout subjugué jusqu’aux Pyrénées, si la confédération des Carpétans, peuple le plus agnerri de l’Espagne, n’eût arrêté sa marche. Pressé par 400,000 combattants, Annibal en tua 40,000, et dissipa le reste. Il lui restait encore à soumettre Sagonte, ville puissante, l’alliée de Rome, située non loin de l’Ebre, et au milieu de la mer. En l’attaquant, Annihal donnait aux Romains un prétexte de recommencer la guerre : c’était à cela que tendaient ses vues. Des plaintes s’étant élevées contre les Sagontins, Annihal écrivit lui-même au sénat de Carthage, et en reçut plein pouvoir de traiter Sagonte selon que l’exigerait l’intérêt de l’État. Rien alors ne l’arrête, ni les représentations des ambassadeurs de Rome, ni la difficulté de l’entreprise. Le siégé fut long et meurtrier ; tout y fut mis en usage, tant pour la défense que pour l’attaque. On remarqua surtout une tour de la plus grande élévation, chargée de balistes et de catapultes, qui dominait et foudroyait les assiégés sur leurs remparts. Annibal, qui s’exposait sans ménagement, eut, dans un assaut, la cuisse percée d’un trait. Remis de sa blessure, il poussa plus vivement les attaques, et, après huit mois de siége, la ville fut emportée et détruite, l’an 219 avant J.-C. Annibal, après avoir soumis, en moins de trois ans, toutes les nations d’Espagne, rentra triomphant à Carthagène. Consternés du désastre de Sagonte, qu’ils avaient laissé succomber sans la secourir, les, Romains déclarèrent la guerre à Carthage. Annibal rassemble aussitôt une puissante armée, et conçoit le hardi projet de franchir les Pyrénées et les Alpes, et d’attaquer les Romains au milieu de l’Italie. Il ouvre la seconde guerre punique en s’acquittant à Cadix d’un vœu fait à Hercule ; là, il pourvoit a la sûreté de l’Afrique, et, laissant une armée en Espagne, sous Asdrubal son frère, il se met en marche, avec 90,000 fantassins, quarante éléphants et 12,000 chevaux ; franchit les Pyrénées, se dirige vers le Rhône, et dissipe une armée de Gaulois, après avoir habilement trompé ces barbares, en faisant passer le fleuve a un détachement au-dessus du point qu’ils défendaient. Il sut ensuite éviter l’armée de Publius Scipion, débarquée à Marseille, et remonta encore le Rhône, puis s’engagea dans les défilés des Alpes. Les Allobroges, peuple brave et indépendant, en disputaient le passage : Annibal les défit en plusieurs occasions, malgré le désavantage du terrain. Arrivé en neuf jours au sommet des Alpes, il montre aux Africains étonnée les plaines fertiles qu’arrose l’Éridan ; mais, a la descente de ces hautes montagnes, l’armée ne trouve plus ni chemins, ni sentiers ; ce n’était partout qu’abîmes couverts de neige et rochers inaccessibles. Quelques historiens affirment qu’Annibal fit calciner avec du vinaigre un énorme rocher qui s’opposait à son passage. Toujours est-il certain que, se frayant à travers les glaces et les précipices une route inconnue, il arriva enfin dans les plaines de l’Insubrie, vers le 15 novembre de l’an 248 avant J.-C. L’armée était en marche depuis près de six mois, et avait mis quinze jours à passer les Alpes. Ce passage mémorable a fait naître parmi les savants des sentiments opposés. On croit généralement qu’Annibal aborda sur la rive gauche du Rhône, entre Orange et Avignon ; mais les uns lui font remonter le fleuve jusqu’à son confluent avec la Saône, et de là le dirigent vers sa source ; d’autres soutiennent, avec plus de vraisemblance, que, pressé d’arriver, il se détourna au confluent de l’Isére et du Rhône, pour pénétrer en Italie par les Alpes Cottiennes, et les vallées connues aujourd’hui sous le nom de Fénestrelles et de Pignerol. Annibal entra dans la plaine avec toute la hardiesse d’un conquérant, et, passant en revue les restes de cette armée si formidable au sortir de l’Espagne, il la trouva réduite a 26,000 hommes, qui ressemblaient plutôt à des spectres qu’à des soldats. Les Tauriniens ayant rejeté son alliance par mépris, il ne lui fallut que trois jours pour emporter Turin d’assaut. Ce premier succès lui procura des vivres en abondance, et un renfort de Gaulois cisalpins. Ils seraient accourus en plus grand nombre sous ses drapeaux, sans l’arrivée de l’armée romaine, commandée par Publius Scipion, qui, débarqué à Pise, venait à grandes journées au-devant des Carthaginois. Ce fut prés du Tésin que les deux armées se rencontrèrent ; une charge de la cavalerie numide fut pour Annibal le premier gage de la victoire. Scipion, blessé, se retire à Plaisance, et Annibal, qui le poursuit, se voit bientôt en présence d’une seconde armée, commandée par Sempronius. Tenu d’abord en échec, il irrite l’humeur