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le 19 février 1671, à 77 ans, après soixante-douze ans de profession et soixante-deux de gouvernement. Elle publia deux livres, l’un intitulé : l’Image de la Religieuse parfaite et imparfaite, Paris, 1665, in-12 ; et l’autre : le Chapelet secret du saint sacrement, 1663, in-12, supprimé à Rome, sans être censuré. On lui attribue aussi : les Constitutions de Port-Royal. Ces deux abbesses eurent quatre sœurs, toutes religieuses dans le même monastère, et toutes attachées au parti janséniste, et occupées de disputes sur la grâce ; « comme si, dit Bossuet, la simple foi ne valait pas mieux que tout cela. » C’est ce qui faisait dire à l’archevêque de Paris, Péréfixe, « que ces filles étaient pures comme des anges, mais orgueilleuses comme des démons. » — Leur nièce, la mère Angélique de St-Jean Arnauld, née en 1621, entra à Port-Royal à six ans, fut élevée par ses deux tantes, entre les mains desquelles elle devint un prodige d’esprit et de vertu, fut durant vingt ans maîtresse des novices, puis abbesse, et mourut en 1684, âgée de 59 ans. Elle eut une grande part aux articles du Nécrologe de Port-Royal. On a de plus d’elle des Relations, des Réflexions, et des Conférences. Ce dernier écrit a été publié par D. Clémencet, en 1760, 3 vol. in-12. Madame de Sévigné vante une lettre qu’elle écrivit à l’occasion de la disgrâce de son frère, le marquis de Pompone. « C’était, ajoute-t-elle, la chère fille de M. d’Andilly, dont il me disait : Comptez que tous mes frères, tous mes enfants, et moi, nous sommes des sots, en comparaison d’Angélique. Jamais rien n’a été bon de tout ce qui est sorti de ces pays-là, qui n’ait été corrigé et approuvé d’elle. Toutes les langues, toutes les sciences lui sont infuses, etc. » Antoine Arnauld et l’abbé Duguet ont fait son éloge. N-l.


ARNAULT DE NOBLEVILLE (Louis-Daniel), agrégé au collège des médecins d’Orléans, de la société et correspondance royale de médecine, né à Orléans, le 24 décembre 1701, mort le 1er mars 1778, a publié : 1° le Manuel des dames de Charité, ou Formules de médicaments faciles à préparer, 1717, in-12, réimprimé en 1750, 1757, 1760, 1766, in-12, traduit en italien et en hollandais. 2° Ædologie, ou Traité du rossignol franc ou chanteur, 1751, in-12. 3° Histoire naturelle des animaux, pour servir de suite à la matière médicale de Geoffroy, 1756, 9 vol. in-12. Arnault eut pour collaborateur un nommé Salerne. 4° Description abrégée des plantes usuelles employées dans le Manuel de charité (avec le même collaborateur), 1767, in-12. 5° Cours de médecine pratique, rédigé d’après les principes de Ferrein, 1769, 3 vol. in-12 ; 1781, 3 vol. in-12. — François Arnault de la Borie, chanoine de St-Étienne et de St-Front, de Périgueux, sa patrie, successivement archidiacre et chancelier de l’université de Bordeaux, mort en 1607, dans un âge très-avancé, est auteur des Antiquités de Périgord, imprimées en 1577, dit le P. Lelong. Il avait, suivant l’abbé Gouget, traduit le Traité des anges et des démons, de J. Maldonat, et composé l’Anti-Drusac, Toulouse, 1564. A. B-t.


ARNAULT (Antoine-Vincent), de l’Académie française, l’un des hommes les plus distingués de cette période littéraire qu’on a appelée la littérature de l’empire, naquit à Paris, le 22 janvier 1766 ; il fit ses études chez les oratoriens, au collége de Juilly, où il eut pour professeurs les PP. Fouché et Billaud (de Varennes), lesquels ont acquis plus tard une si funeste célébrité révolutionnaire, et pour condisciples MM. Pasquier, Dupleix de Mézy, Eyriès, Boiste, Salverte, Durand de Mareuil, Creuzé de Lessert, Sallenave, dont bien peu lui ont survécu, et qui tous se sont plus ou moins fait remarquer dans les lettres, les affaires ou la politique. La passion des vers le domine des l’enfance et lui ménagea quelques succès précoces. Il perdit de fort bonne heure son père, qui avait sacrifié une partie de sa fortune pour obtenir dans la maison de Monsieur, comte de Provence (depuis Louis XVIII), une charge dont la finance ne fut pas restituée à sa famille, et pour laquelle une pension fut assignée à sa veuve. Au sortir du collége, Arnault fut placé chez un procureur, où il ne s’occupa que de poésie, et composa un grand opéra intitulé Sapho, dont il se flattait que l’illustre Piccini ferait la musique ; mais cette illusion, si flatteuse pour un débutant, ne se réalisa point. Un de ses parents, receveur de rentes, M. Defrance, homme riche et instruit, chez qui il allait souvent, aimait à recevoir les savants et les gens de lettres. Arnault fréquentait aussi quelques littérateurs affiliés au musée de Court de Gébelin, entre autres St-Ange, le traducteur d’ovide, et le fabuliste Lebailly. « Que je portais envie à ces messieurs, écrivait-il cinquante ans après dans ses Souvenirs ! que les applaudissements excités par la lecture de leurs ouvrages retentissaient profondément dans mon âme ! Nulle gloire ne me paraissait préférable à celle dont ils semblaient déjà saisis, etc. » Il ne suivait pas le théâtre avec moins d’avidité que les séances académiques ; enfin il s’essayait déjà dans divers genres, tels qu’héroïdes, élégies, romances. L’une de ces romances, intitulée l’Absence, fut mise en musique par mademoiselle Garre, sœur de madame Gail. Laharpe l’inséra avec éloge dans sa Correspondance littéraire adressée au comte de Shouwalof. Madame, comtesse de Provence, s’intéressa aux premiers succès d’un jeune homme qu’elle connaissait depuis l’enfance, et l’attacha a sa personne en qualité de secrétaire de son cabinet (1786). La même année, Arnault, quoiqu’à peine âgé de vingt ans, se maria, autant pour se distraire d’une première passion sans espoir, que par le désir de sortir de la tutelle où le retenait sa mère. « Comme celui qui se jette l’eau pour se sauver de la pluie, dit-il à lui-même[1], je me mariai pour devenir indépendant. » Au reste, toutes les raisons de convenances et même de fortune justifiaient cette union avec l’une des filles du premier valet de chambre de Monsieur, mademoiselle de Bonneuil, qui lui donna deux fils. Madame, qui voulut signer le contrat, accorda sur sa

  1. Souvenirs des sexagénaire, t. 1, p. 146.