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boduus. « Arminius, dit Tacite, fut incontestablement le libérateur de la Germanie ; il ne combattit pas le peuple romain dans les commencements de sa puissance, comme d’autres rois et et d’autres généraux, mais au faite de sa gloire et et dans les temps où l’empire avait atteint le plus haut degré de splendeur : il ne fut pas toujours heureux ; mais il ne cessa pas un moment d’imposer au vainqueur, par son attitude et par ses forces. Pendant douze ans l’arbitre des affaires de la Germanie, du gré de ses concitoyens, il fut l’objet de leur vénération après sa mort. » C’est à lui qu’ils doivent la conservation de leur indépendance politique, de leur existence nationale, et, par conséquent, de leur langue, qui, sans les victoires d’Arminius, chassée par le latin, ou reléguée, comme le celtique, dans quelques districts écartés, ne serait plus aujourd’hui le lien de tant de peuples estimables, et l’instrument d’une des littératures qui font le plus d’honneur à l’esprit humain. Il ne faut donc pas s’étonner que la mémoire de ce héros leur soit chère, et que leur plus grand poëte l’ait célébrée. On a deux poèmes de l’auteur de la Messiade, dont Hermann est le sujet : il en sera parlé à l’article de Klopstock. (Voy. aussi celui de Lohenstein, dont l’Arminius eut le plus grand succès, à une époque où le goût des Allemands n’était pas encore formé.) L’historien moderne qui a mis le mieux en œuvre les passages des anciens où il est fait mention de Hermann est Schmidt, dans le 1er volume de son Histoire des Allemands. S-r.


ARMINIUS (Jacques), proprement Harmensen (et non Hermanns), chef de la secte des arminiens, ou remontrants, naquit en 1560 à Oude-Water, dans la Sud-Hollande, où son père était conseiller. Il le perdit de bonne heure, et n’aurait pu se livrer aux études, sans le secours de quelques bienfaiteurs et du magistrat de Leyde. Il les fit dans cette dernière ville, à Marbourg, à Genève, sous Th. de Bèze, et à Bâle, sous Grynæus. De là, il retourna à Genève, où l’ardeur avec laquelle il avait soutenu la philosophie de Ramus lui avait, pendant son premier séjour, attiré des désagréments. Le désir d’entendre Jacques Zabarella lui ayant fait faire le voyage de Padoue, la curiosité le conduisit à Rome ; curiosité, dont on ne lui sut pas de gré en Hollande ; mais les préventions qui s’étaient élevées contre lui se dissipèrent bientôt, lorsque, de retour dans son pays, il se fit entendre dans les chaires de l’église réformée. Ses succès lui valurent une place de pasteur à Amsterdam, en 1588, et bientôt après une correspondance qui lui donna occasion de changer ses idées en théologie et fit naître le parti considérable connu sous son nom. Des ecclésiastiques de Delft avaient publié un livre ou la doctrine de Calvin sur la prédestination était combattue ; Martin Lydius, professeur à Franecker, s’adressa à Arminius, pour l’engager à réfuter cet écrit. Arminius, en l’examinant, trouva les doutes des théologiens de Delft fondés, et finit non-seulement par adopter leurs sentiments sur le point en litige, mais par leur donner beaucoup plus de développement, en se prononçant avec force contre le supralapsarisme, c’est à-dire contre le dogme qui représente la chute d’Adam comme la suite et non comme la cause des décrets de Dieu sur la rédemption. Révolté de l’idée que l’être souverainement bon devait avoir, de toute éternité, condamné les uns au péché et à la douleur, et prédestiné les autres à l’adoption de la foi salutaire et à la félicité céleste, sans autre motif que son bon plaisir, pour faire des premiers des monuments de sa justice, pendant que les derniers prouveraient sa miséricorde, il enseigna que Dieu avait laissé à tous les hommes la faculté de s’appliquer les bienfaits de sa grâce, offerts à tous ceux qui s’en rendraient dignes par leurs efforts. Cette doctrine fit, dès son origine, beaucoup de bruit et trouva un grand nombre d’adversaires ardents ; mais elle n’empêcha pas les curateurs de l’université de Leyde d’offrir, en 1603, à Arminius, une chaire de théologie, vacante par la mort de François Junius. Dans cette nouvelle place, que ses paroissiens le virent accepter avec regret, il eut à soutenir les attaques de son collègue François Gomar, zélé calviniste ; la dispute s’échauffa, les deux partis des arminiens et des gomaristes se formèrent ; et, bien que les plus grands hommes de la république, Hugues de Groot (Grotius), Rembold Hoogerbeets, et Pomement de sa patrie, Jean van Olden-Barneveldt, penchassent pour ses opinions et le protégeassent contre la violence des gomaristes, cette controverse, prenant chaque jour une tounure plus alarmante, ôta toute tranquillité à Arminius, et contribua indubitablement à abréger ses jours. Il mourut le 19 octobre 1609, laissant sept fils et de nombreux disciples, qui obtinrent d’abord la faculté de professer leurs principes en toute liberté ; mais qui ensuite, victimes de la haine de Maurice, prince d’orange, contre Olden-Barneveldt, furent enveloppes dans la chute du parti républicain, et condamnés par le synode de Dordrecht, convoqué, en 1618, par leurs ennemis religieux et politiques. Voici les cinq articles que les arminiens présentèrent aux états de Hollande en 1610, comme renfermant toute la doctrine de leur chef, tels qu’ils se trouvent dans leur mémoire, intitulé Remontrances, d’où ils ont pris le nom de remontrances : 1° Dieu a, de toute éternité, décrété d’admettre au nombre des élus ceux qu’il a prévu devoir garder la foi en Jésus-Christ, inviolable jusqu’à leur mort ; 2° Jésus-Christ a expié les péchés de tous les hommes, sans exception, quoique ceux-là seuls qui croient en lui puissent s’en appliquer les fruits ; 3° sans la coopération du St-Esprit, l’homme, naturellement enclin au mal, ne peut produire en lui la foi salutaire ; 4° la grâce divine est la source de tout bien dans l’homme, et les bonnes œuvres ne peuvent être attribuées qu’à ce secours de Dieu ; mais la grâce n’exerce pas sur la volonté du pécheur me force irrésistible, et peut être repoussée par sa perversité ; 5° ceux qui sont unis au Christ par la foi ont des forces suffisantes pour vaincre tous les obstacles au bien ; en revanche, on ne pourra qu’au moyen d’un examen plus approfondi des saintes Écritures, déterminer s’il est pos-