Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
ARK

avec cette enseigne : Au Barbier souterrain, on rase pour un penny (2 sous). Cette nouveauté eut tant de succès, que les autres barbiers furent obligés de baisser leur prix ; et alors il baissa lui-même le sien jusqu’à un demi-penny. On raconte qu’un savetier étant venu chez lui avec une barbe extrêmement dure, le barbier fit observer qu’il lui en coûterait un rasoir, et qu’il n’en pouvait être dédommagé par le demi-penny ; mais que le savetier persista à ne payer que selon la taxe de l’enseigne, dont Arkwright se contenta. Ce trait excita l’admiration du savetier, au point qu’il prit en affection Arkwright, et lui fit faire la connaissance d’un homme qui avait inventé une machine à filer, ce qui fut l’origine de la fortune d’Arkwright. Il avait l’esprit inventif, et cette persévérance si nécessaire à ceux qui veulent mettre à exécution des projets nouveaux. Il quitta la profession de barbier, et se fit marchand de cheveux : ce fut en cette qualité qu’il parcourut quelques comtés d’Angleterre. Il avait, dit-on, conçu le projet d’une mécanique qui devait réaliser le problème du mouvement perpétuel. Vers l’an 1767, Arkwright fit connaissance, à Warington, avec un horloger nommé John Kay, qui le détourna de son projet, et lui fit entendre qu’en appliquant l’invention qu’il méditait aux filatures de coton, il pouvait en tirer de plus grands profits. Arkwright, qui savait que plusieurs inventeurs de mécaniques à filer s’étaient successivement ruinés, n’était pas trop disposé à suivre le conseil de Kay. Il lui demanda s’il pouvait faire une petite machine avec très-peu de dépense. Kay, qui avait été employé comme ouvrier machiniste dans une filature de coton, s’associa avec Arkwright, et ils s’adressèrent à P. Athecton, pour faire la machine qu’ils avaient projetée. Les apparences misérables d’Arkwright n’inspirant aucune confiance à Athecton, il refusa d’entreprendre la machine, mais il consentit à prêter à Kay deux de ses ouvriers ; ce fut ainsi que Kay parvint à faire la première machine à filer d’Arkwright, pour laquelle il obtint une patente. Arkwright s’associa ensuite a Smulley de Preston, dans le Lancashire ; leurs affaires tournèrent mal : ils se rendirent à Nortingham, et y trouvèrent des capitalistes plus confiants, par le secours desquels ils élevèrent une filature considérable, mise en mouvement par des chevaux. Ces succès d’Arkwright lui suscitèrent des envieux ; on l’accusa de n’être pas l’inventeur des machines qu’il employait, et on chercha à lui faire retirer sa patente. Les mécaniques à filer n’étaient pas, il est vrai, une invention nouvelle lorsqu’Arkwright s’en occupa ; mais les tentatives qu’on avait faites jusqu’à lui avaient eu peu de succès. Un M. Hayes, qui avait établi des machines cylindriques à carder le coton, et chez lequel Kay avait été employé comme mécanicien, fut appelé en témoignage dans le procès intenté à Arkwright pour lui faire retirer sa patente. Ce procès fut instruit devant la cour du banc du roi, le 25 juin 1785. Hayes prouva qu’il était l’inventeur de la machine ; mais Arkwright l’avait beaucoup perfectionnée. Celui-ci établit qu’environ cinquante ans avant lui, un nommé Paul, et quelques autres personnes de Londres, avaient invente une machine à filer le coton et obtenu une patente ; qu’il s’établirent à Nortingham et dans d’autres lieux ; qu’ils avaient fait des essais très-malheureux, et ruiné tous ceux qui s’étaient associés a leurs entreprises ; que, depuis vingt ou trente ans, plusieursn machines avaient été construites pour filer le coton, le lin, la laine, etc., mais qu’on n’en avait retiré aucun avantage réel ; qu’en 1767, un nommé Kargrave de Blackwell construisit aussi une machine a filer ; mais qu’après avoir souffert par la destruction de cette machine, dans les émeutes populaires qui eurent lieu dans le Lancashire, il s’était retiré à Nortingham, ou une association formée contre lui fit annuler sa patente et le réduisit à une grande détresse ; que lui Arkwright, pour atteindre le perfectionnement auquel il était arrivé, avait dépensé plus de 12,000 livres sterling avant d’avoir pu obtenir aucun profit ; qu’on devrait protéger un homme qui, après s’être aventuré dans une entreprise si utile a l’État, et où tant d’autres avaient échoue, avait montré tant de persévérance. Arkwright avait beaucoup de partisans, mais il avait aussi de nombreux ennemis ; les uns le représentaient comme un génie supérieur, un inventeur habile, infatigable ; les autres, comme un homme rusé, toujours pret à s’emparer des découvertes des autres, ingrat envers ses bienfaiteurs. Ses succès prouvent un mérite peu commun, et ils ont donné aux fabriques anglaises une grande supériorité. Il fut créé chevalier par le roi, à St-James, le 22 décembre 1786, sur une adresse présentée par les notables de Wickworth. Il mourut, au milieu de ses travaux, à Crumbford, dans le Derbyshire, le 5 août 1792, laissant à sa famille une fortune de 500,000 livres sterling. V-R-x.


ARLAUD (Jacques-Antoine), naquit à Genève, en mai 1668. Il voulut se destiner a la théologie, mais la nature avait décidé, avant lui, qu’il serait peintre. Il étudia pendant deux mois le dessin avec un maître : son travail et son goût lui enseignèrent le reste. À l’âge de vingt ans, il vint à Paris, ou il peignait le jour les portraits qu’on lui demandait, et il dessinait pendant la nuit. Arlaud devint bientôt si célèbre, que G. Brice disait, en 1713, « qu’aucun peintre en miniature ne pouvait l’emporter sur Arlaud. » Le duc d’Orléans, qui fut depuis régent, disait aussi : « Jusqu’à présent les peintres en miniature ont fait des images ; Arlaud leur a appris a faire des portraits. » Le duc le choisit pour son maître, et lui donna un appartement dans le château de St-Cloud. Arlaud pénétrait si bien la physionomie et le caractère de ceux qu’il peignait, qu’un courtisan s’écria un jour : « Il lit jusque dans le fond de nos âmes. » Arlaud fit aussi quelques tableaux ; il avait fait une Léda, qu’il copia sur un bas-relief de Michel-Ange ; il la déchira, on ne sait pour quel motif : on présume que ce fut par scrupule. On conserve les deux mains de cette Léda dans la bibliothèque de Genève. Le duc de Médicis fit demander à Arlaud son portrait, pour le placer dans la galerie des peintres de Florence. Newton fut son ami, et lui fit présentée la version française