Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
207
ARI

avant J.-C. Il était connu comme astronome du temps d’Archimède, qui parla de lui dans son Psammite ou Arenarius. Aristarque soutint l’opinion enseignée, dit-on, par Pythagore avant lui, et qui a été démontrée par les astronomes modernes, que la terre tourne autour du soleil. Dans l’ouvrage qu’on vient de citer, Archimède dit : « Aristarque de Samos, réfutant ces opinions des astrologues, a fait une hypothèse, d’où il résulte que le monde est beaucoup plus grand que nous ne l’avons cru ; car il suppose que les étoiles fixes et le soleil sont immobiles, et que la terre tourne autour du soleil, dans la circonférence d’un cercle. » Plutarque (Quæst. Plat.) observe que cette opinion du mouvement de la terre fut enseignée comme une hypothèse par Aristarque, et que Séleucus l’établit dogmatiquement. Sextus Empiricus (Adversus Mathermateos) dit qu’Aristarque niait le mouvement de l’univers, mais qu’il croyait que la terre est mobile. Au moyen de la judicieuse correction du passage de Plutarque proposée par Gassendi ; et adoptée par Ménage, Fabricius et Bayle, on a un autre témoignage décisif, qui prouve qu’Aristarque soutenait cette opinion. Le passage, corrigé de cette manière, peut être ainsi rendu (Plutarque, de Facie in orbe lunæ) « Ne nous accusez point d’impiété, comme Cléanthe pense que les Grecs auraient dû en accuser Aristarque le Samien, parce qu’il avait détruit les fondements du monde, et qu’il voulait expliquer les aspects des astres, en supposant que les cieux sont immobiles, et que la terre tourne autour, dans un orbite oblique, et, en même temps, tourne sur son axe. » Aristarque inventa une espèce particulière de cadran solaire, dont parle Vitruve. Le seul ouvrage existant de cet astronome est un traité sur les grandeurs et les distances du soleil et de la lune, et il est à remarquer que, dans cet ouvrage, il ne dit pas un seul mot du système qui lui est attribué ; mais on y trouve le moyen ingénieux par lequel il essaie de prouver que la distance du soleil a la terre est de dix-huit à vingt fois plus grande que celle de la lune à la terre. Cette détermination est fort inexacte, ainsi que tous les rapports de grandeurs calculés par Aristarque ; mais la méthode était bonne, et, pendant dix-huit cents ans, les astronomes n’en ont pas connu de meilleure : elle consiste à mesurer l’angle entre la lune et le soleil, à l’instant où la lune entre dans son premier ou son dernier quartier. Si l’on prend pour rayon ou pour unité la distance de la lune à la terre, la distance du soleil à la terre sera la sécante de cet angle. La difficulté était de saisir avec assez de précision l’instant où la lune est moitié éclairée et moitié obscure, où la lumière et l’ombre ont pour limite commune une ligne droite. Aristarque trouva qu’il s’en fallait de 5° que cet angle ne fût de 90° ; il ne s’en faut que de quelques minutes. Il fit, en conséquence, la distance vingt fois trop petite. L’ouvrage d’Aristarque : de Magnitudinibus et Distantiis colis et lunæ liber, fut publié in-fol., à Venise, en 1498, ensuite par Wallis, in-8o, Dxford, 1688, et dans le 3e volume des ouvrages de Wallis, imprimés in-fol., à Oxford, en 1699. M. de Fortis en a donné une tradition française, Paris, 1810, in-8o. D-L-e.


ARISTARQUE. Ce critique célèbre, formé à l’école d’Aristophane le grammairien, et qui a mérité que son nom désignait, dans tous les siècles, un censeur sévère, mais juste et éclairé, était né dans la Samothrace, 160 ans avant J.-C., et eut Alexandrie pour patrie adoptive. Il fut fort estimé de Ptolémée Philométor, qui lui confia l’éducation de ses enfants. Il avait beaucoup travaillé sur Pindare, sur Aratus, et sur d’autres poètes ; mais il n’est plus connu aujourd’hui que comme éditeur d’Homère. Jamais critique plus rigoureuse ne fut exercée sur les ouvrages de ce génie immortel. Les éditeurs précédents, depuis Lycurgue jusqu’au poëte Aratus, s’étaient bornés à recueillir, à mettre en ordre et à publier, le plus correctement possible, tout ce qu’ils avaient pu rassembler d’Homère. Aristarque fit plus : il nota sévèrement tous les vers qui lui déplaisaient, admettant ou rejetant sans scrupule tout ce qui lui paraissait plus ou moins digne du prince des poètes. Aussi son édition fut-elle vivement attaquée. Zénodote le jeune, le stoïcien Cléanthe, Lucien, Philoxène, et une foule d’autres s’élevèrent contre Aristarque. Strabon, Plutarque et Athénée ne l’épargnérent pas davantage. Grâce à l’excellente édition de L’Iliade publiée par Villoison les philologues modernes sont à portée d’apprécier aujourd’hui la justesse ou la témérité des conjectures d’Aristarque et des premiers éditeurs d’Homère. Ce grand critique mourut dans l’île de Chypre, âgé de 72 ans. Il était attaqué d’une hydropisie ; il désespéra d’en guérir, et se laissa, dit-on, mourir de faim. — Suidas fait mention d’un autre Aristarque, poète tragique, de Tégée en Arcadie, qui vécut plus de 100 ans, fut le contemporain d’Euripide, et fit, dit-on, chausser, le premier, le cothurne aux acteurs tragiques. Il avait composé soixante-dix tragédies, dont une (Achillis) avait été traduite par Ennius, et imitée par Plaute dans son Pænulus. Athénée cite cet Aristarque vers la fin de son 13e livre. A-D-r.


ARISTÉE. Nous avons sous son nom l’histoire des Septante, c’est-à-dire de la manière dont a été faite la version grec de la Bible connue sous le nom des Septante. Cet Aristée, qui se dit attaché à la personne de Ptolémée Philadelphe, raconte que ce prince, ayant chargé Démétrius de Phalère du soin de lui former une bibliothèque, apprit de lui que les Juifs avaient, dans leur langue, des livres qu’il était important de faire traduire en grec, pour compléter cette bibliothèque. Ptolémée envoya des ambassadeurs, du nombre desquels était Aristée, et des présents considérables à Eléazar, souverain pontife des Juifs, pour lui demander ces livres, et des interprètes qui pussent les traduire. Éléazar choisit, dans chacune des douze tribus, six personnes également versées dans la connaissance des livres saints et dans celle de la langue grecque, et il les chargea de porter ces livres à Ptolémée et de les traduire ; on plaça ces soixante-douze interprètes dans l’île de Phares, pour qu’ils fussent moins détournés de leur travail,