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ARG

fût transcrit dans ses actes. La plus importante des entreprises d’Argellati fut l’édition du grand recueil devenu si célèbre sous le titre de Scriptores Rerum Italicarum. Le savant Muratori lui ayant fait part du dessein qu’il avait formé de rassembler et de publier ces anciens écrivains de l’histoire d’Italie, lui avoua qu’il était arrêté dans son projet par l’impossibilité où l’on était alors de trouver en Italie une imprimerie capable de l’exécuter ; en effet, on y avait laissé déchoir de la manière la plus déplorable cet art où l’Italie s’était précédemment acquis tant de gloire. Argellati jugea que l’entreprise ne pouvait réussir qu’à Milan. Il s’y transporta aussitôt, communiqua le dessein de Muratori au comte Charles Archinto, protecteur des lettres, et son protecteur particulier. Archinto réunit une société de nobles Milanais qui prit le titre de société Palatine, et qui s’engagea, de concert avec lui, à suppléer aux frais de l’édition. Il y en eut jusqu’à seize qui fournirent chacun 5,000 écus. Argellati se donna tous les soins nécessaires pour l’établissement d’une magnifique imprimerie. Le premier ouvrage qui en sortit fut ce précieux et volumineux recueil. Argellati y eut beaucoup de part ; ce fut lui qui rassembla et qui fournit à Muratori le plus grand nombre des manuscrits et des notices pour les premiers volumes, et qui en rédigea les dédicaces, dont la plupart portent son nom. Il ne laissait pas de conduire en même temps d’autres impressions. La plus remarquable est celle des œuvres de Sigonius, in œdibus Palatinis, achevée en 1758, en 6 vol. in-fol. L’empereur Charles VI, à qui il la dédia, et qui l’avait déjà récompensé de la dédicace du 1er volume des Scriptores, en lui accordant le titre de son secrétaire et une pension de 300 écus, doubla alors cette pension. Argellati continua de publier, avec une activité infatigable, différentes édifions d’ouvrages importants pour les lettres. Les principales sont : le Opere inedite di Ludovico Castelvetro, 1727, in-4o ; le traité du V. Pietro Grazioli, barnabite, de Antiquis Mediolani Ædificiis, 1736, in-fol. ; Thésaurus novus veterum Inscriptionum, de Muratori, 1739, in-fol. Les réimpressions faites à Milan de l’ouvrage du P. Martène, de antiquis Ecclesiæ Ritibus, des Transactions philosophiques, du Recueil de Dissertations de divers auteurs, Milan, 1750, de Monetis Italiæ, et plusieurs autres. On a de plus de ce laborieux écrivain : 1o  Bibliotheca Scriptorum Afediolanensium, Milan, 1745, 2 vol. in-fol. ; 2o  Biblioteca degli Volgarizzalori ilaliani, Milan, 5 vol. in-4o, publiés en 1767, et un grand nombre de dissertations ou de lettres éparses dans différents recueils. Argellati mourut à Milan, le 5 janvier 1755, après avoir eu le chagrin de perdre son fils François, qui est l’objet de l’article suivant.

G-é.


ARGELLATI (François), fils du précédent, naquit à Bologne, le 8 mai 1712. Il se livra d’abord à l’étude de la philosophie et des lois, et fut reçu docteur en droit à Padoue en 1756. S’étant ensuite appliqué aux mathématiques, et spécialement au génie militaire, il fut nommé, en 1740, ingénieur de sa Majesté Catholique. Il joignit à ces hautes sciences le goût des lettres latines et italiennes. L’exemple de son père l’engageait à les cultiver. Il vécut presque toujours avec lui, soit à Milan, soit à Bologne, et mourut quelques mois avant lui à Bologne, en 1754. François Argellati a publié : 1o  Pratica del foro Vencto, Venise, 1757. in-4o. 2o  Une traduction italienne de l’ouvrage du savant Huet, de la Situation du Paradis terrestre, 1757, in-8o ; 3o  Saggio d’una nuova filosofia, Venise, 1740, in-8o. 4o  Storia della nascita delle scienze e belle lettere, etc., Florence, 1743, in-8o. Cet ouvrage devait être composé de 12 volumes, mais le 1er seul a paru. 5o  De præclaris Jurisconsultis Bononiensibus Oratio, etc., 1749, in-4o, sans nom de ville : mais le discours est suivi d’une lettre latine de Philippe Argellati, père de l’auteur, qui est datée de Milan. 6o  Il Decamerone, Bologne, 1751, 2 vol. in-8o. Ce Décaméron, fait à l’imitation de celui de Boccace, contient de même cent nouvelles partagées en dix journées. Les sujets eu sont tirés de quelques faits extraordinaires rapportés dans les Transactions philosophiques d’Angleterre, ou dans les relations de quelques voyageurs ; on y voit aussi des bons mots, des historiettes curieuses ou galantes, mais où les mœurs sont toujours respectées. 6o  Novissimo Sistema di filosofia alla Capuccina, a vantaggio di chi non puô interienersi in lunghe applicazioni a questo studio, Modène, 1753, in-8o. Il avait aussi écrit la vie de Jean Gaston, grand-duc de Toscane, et celle d’une sainte religieuse du tiers ordre de St-François ; mais ces deux ouvrages n’ont point vu le jour.

G-é.


ARGENS (Jean-Baptiste de Boyer, marquis d’), naquit le 24 Juin 1704 à Aix en Provence. Son père, procureur général au parlement de cette ville, le destinait à la magistrature ; mais l’état militaire convenait mieux à ses goûts, et il y entra dès l’âge de quinze ans. Ses amours avec la belle Sylvie, dont il fait le récit dans ses Mémoires, lui firent quitter le service et la France, pour aller épouser cette comédienne en Espagne. Arrêté à la demande d’un ami de sa famille, avant d’avoir pu exécuter son projet, il fut ramené en Provence, et bientôt envoyé à Constantinople avec l’ambassadeur de France. Son séjour dans les pays musulmans fut marqué par plusieurs aventures folles et plaisantes, qui auraient pu lui coûter la vie. De retour en France, il voulut suivre le barreau pour complaire à sa famille ; mais de nouvelles liaisons avec les actrices l’enlevèrent encore à ce grave métier, et il finit par reprendre celui des armes. Il fut blessé, en 1754, au siége de Kehl ; et après celui de Philisbourg, il fit une chute de cheval, qui le mit hors d’état d’y remonter jamais, et dans l’obligation d’abandonner le service. Déshérité par son père, il se fit écrivain pour vivre, et passa en Hollande, afin d’écrire librement. Ce fut là qu’il composa ses Lettres juives, chinoises, et cabalistiques. Frédéric II, qui n’était encore que prince royal, désira en connaître l’auteur, et se l’attacher. D’Argens répondit qu’avec sa taille de 5 pieds 7 pouces, il y aurait du danger pour lui à passer près de Frédéric-Guillaume. Ce roi-caporal étant