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soins en 1103, devint en peu de temps considérable et célèbre, quoi qu’en aient dit quelques prélats de son temps, dont il n’eut pas osé accuser les mœurs, si les siennes n’eussent pas été exemptes de reproche ; et les tristes échos de Bayle, qui ont trouvé plaisant de répéter après lui que Robert d’Arbrissel ne faisait qu’un même lit avec ses plus jolies prosélytes, afin de vaquer plus commodément à l’oraison. Il est certain que sa piété ne se démentit jamais ; que sa réputation fut attaquée et non flétrie par les accusations dont nous venons de parler ; que les papes, les rois et les prélats les plus distingués lui rendirent justice et le protégèrent contre toutes les interprétations malignes. Lorsqu’il crut que son établissement pouvait se passer de lui, il reprit son premier emploi de prédicateur ambulant, parcourut la France, exhortant les riches à la charité, les pauvres à l’humilité, les femmes à la continence, et les hommes à l’amour de Dieu. Il assista, en 1104, au concile de Beaugency, et prit place parmi les prélats. L’évêque de Poitiers fut si satisfait de sa doctrine et des lois qu’il avait données à ses disciples, qu’il sollicita auprès du saint-siége les bulles de confirmation ; et, en les délivrant, le pape Pascal II déclara qu’il prenait cet ordre sous sa protection spéciale. Ce fut au milieu de ses travaux apostoliques que Robert tomba malade ; il fut obligé de s’arrêter au prieuré d’Orsan, diocèse de Bourges, et il y mourut, le 24 février 1117. L’archevêque de cette ville, son clergé, la noblesse des environs et une foule de laïcs, accompagnèrent son corps jusqu’à l’abbaye de Fontevrault, où on lui fit des obsèques magnifiques. En 1633, Louise de Bourbon, abbesse de Fontevrault, fit placer les restes de Robert dans un superbe tombeau de marbre, sur lequel on lisait l’épitaphe qu’Hildebert, évêque du Mans, avait faite en son honneur, et dont voici quelques vers :

Attrivit lorica latus, sitis arida fauces,
    Dura fames stomachum, lumina cura vigil.
Indulsit raro requiem sibi, rarius escam.
    Guttura pascebat gramine, corda Deo.
Legibus est suhjecta caro dominaæ rationis ;
    Et sapor unus ei, sed sapor ille Deus.

L’ordre de Fontevrault, supprimé avec tous les autres, par suite de la révolution, était divisé en quatre provinces, savoir : la province de France, dans laquelle il y avait quinze prieurés ; la province d’Aquitaine, quatorze prieures ; la province d’Auvergne, quinze prieurés ; la province de Bretagne, treize prieurés. L’habit des hommes consistait en une robe noire, une chape, un chaperon ou grand capuce, auquel étaient attachées par derrière et par devant deux petites pièces de drap nommées roberts. L’habit des femmes consistait en une robe blanche, une cuculle noire, un surplis blanc et une ceinture de laine noire. En prononçant leurs vœux, les hommes et les femmes promettaient stabilité, conversion de mœurs, chasteté pure, pauvreté nue et obéissance. Le P. de Soris a publié pour la défense de Robert d’Arbrissel l’ouvrage suivant : Dissertation apologétique pour le bienheureux Robert d’Arbrissel, sur ce qu’en a dit M. Bayle dans son Dictionnaire, Anvers, 1701, petit in-8o. G-s. G-s.


ARBUTHNOT (Alexandre), théologien anglican, fils du baron d’Arbuthnot, était né en Écosse en 1538. Il se fit remarquer par un grand zèle pour la religion réformée et par une habileté particulière dans les affaires ecclésiastiques. En 1509, il fut nommé principal du collège du roi à Aberdeen. Ayant encouru ensuite le ressentiment de Jacques VI par la publication de l’Histoire d’Écosse, de Buchanan, il en fut tellement affecté qu’il ne fit plus que languir, et mourut à Aberdeen en 1583. On a de lui un ouvrage intitulé : Orationes de origine et dignitate juris, Édimbourg, in-4o, 1572. X-s.


ARBUTHNOT (Jean), Écossais, célèbre comme médecin et comme homme de lettres, était né à Arbuthnot, près de Montrose, quelque temps après la restauration. Il prit le degré de docteur en médecine à l’université d’Aberdeen, et alla ensuite s’établir à Londres, où il joignit d’abord l’enseignement des mathématiques à la pratique de son art. Il se fit bientôt connaître par quelques ouvrages scientifiques qui le firent recevoir dans la société royale. Il fut successivement médecin extraordinaire du prince George de Danemark et l’un des médecin ; de la reine Anne. En 1710, le collège des médecins de Londres l’admit au nombre de ses membres. Ce fut vers ce temps que commença entre Swift, Pope, Gay et lui, une liaison très-étroite qui dura jusqu’à sa mort. En 1714, il conçut avec les deux premiers le plan d’une satire sur les abus de l’érudition, pré-

    leurs joies, laissait planer sur cette moitié du genre humain d’injurieuses prétentions qui la maintenaient dans une condition d’infériorité. Cet état de choses change au 12e siècle, et la femme obtient enfin une complète réhabilitation. Après avoir été si longtemps considérée comme une cause de péché, comme l’auxiliaire du démon, elle devient pour l’homme un puissant mobile de vertu et d’héroïsme ; elle récompense la valeur, dispense et consacre la gloire. Les plus puissants barons, les guerriers les plus illustres briguent ses suffrages, avouent sa suprématie, lui jurent obéissance. respect, dévouement, et la placent, dans leurs devises héraldiques, après Dieu et avant le roi. Deux faits ont exerce une grande influence sur cette révolution sociale ; d’abord le dévouement de la célèbre comtesse Mathilde envers Grégoire VII et les services rendus par elle à la puissance pontificale ; puis la fondation de l’ordre de Fontevrault par Robert d’Arbrissel. « Le libre mysticisme. dit M. Michelet, entreprit alors de relever ce que la dureté sacerdotale avait traîné dans la boue. Ce fut surtout un Breton, nommé Robert d’Arbrissel, qui remplit cette mission d’amour. Il rouvrit aux femmes le sein du Christ, fonda pour elles des asiles, leur bâtit Fontevrault, et il y eut bientôt des Fontevrault par toute la chrétienté. L’aventureuse charité de Robert s’adressait de préférence aux grandes pécheresses ; il enseignait dans les plus odieux séjours la clémence de Dieu. son incommensurable miséricorde. Un jour qu’il était venu à Rouen, il entra dans un mauvais lien, et s’assit au foyer pour se chauffer les pieds. Les courtisanes l’entourent, croyant qu’il est venu pour faire folie ; lui, il prêche les paroles de vie, et promet la miséricorde du Christ. Alors celle qui commandait aux autres lui dit : Qui es-tu, toi qui dis de telles choses ? Tiens pour certain que voilà vingt ans que je suis entrée en cette maison pour commettre des crimes, et qu’il n’y est jamais venu personne qui parlât de Dieu et de sa bonté. Si pourtant je savais que ces choses fussent vraies !… » À l’instant il les fit sortir de la ville ; il les conduisit, plein de joie, au désert, et là, leur ayant fait faire pénitence, il les fit passer du démon au Christ. C’était chose bizarre de voir le bienheureux Robert d’Arbrlssel enseigner, la nuit et le jour, au milieu d’une foule de disciples des deux sexes qui reposaient ensemble autour de lui. Les railleries amères de ses ennemis. les « désordres même auxquels ces réunions donnaient lieu, rien ne rebutait le charitable et courageux Breton. Il couvrait tout du large manteau de la grâce. C. W-r. ».