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plébéiens les plus recommandables ; Appius y introduisit des fils d’affranchis, et en fit admettre quelques-uns au nombre des prêtres d’Hercule, qui jusque-là n’avaient été choisis que dans la famille Potitia. Mais ce qui rendit sa censure plus célèbre fut la construction d’un aqueduc pour conduire de l’eau dans Rome, et la prolongation jusqu’au delà de Capoue, pendant environ 142 milles, du grand chemin auquel la reconnaissance publique donna le nom de voie Appienne. Ce chemin dura dans son intégrité prés de neuf cents ans, et ce qui en reste aujourd’hui excite encore l’admiration. Sûr d’avoir captivé par ces travaux utiles l’affection du peuple, Appius refusa d’abdiquer la censure au bout de dix-huit mois, quoiqu’elle eût été limitée à ce terme par un décret. Il fut cité en jugement, et sept tribuns voulaient qu’on le conduisit en prison ; mais les trois autres se déclarèrent pour lui, et l’obstination d’Appius l’emporta sur une loi positive : il resta censeur et n’eut point de collègue. À peine était-il sorti de fonctions, qu’il se mit sur les rangs pour le consulat. Quoique Appius ne fût pas recommandable par des talents militaires, et que la république eût alors besoin de conserver à la tête de ses armées les grands généraux qu’elle possédait, il fut élu avec L. Volumnius Flamme, l’an de Rome 447 : c’était encore le peuple qui le favorisait. Le sénat, forcé de céder, voulut du moins que Fabricius, qui s’était illustré l’année précédente à la tête d’une armée, en conservât le commandement, avec le titre de proconsul. Appius n’ayant retiré de son consulat d’autre honneur que celui d’occuper quelque temps la première place de la république, se fit nommer préteur, et ce choix fut généralement approuvé, parce qu’Appius était orateur et habile jurisconsulte. l’an 298 avant J.-C., Appius, à qui l’extrême partialité du peuple envers lui n’avait pas fait oublier les principes inflexibles de la famille Claudia, tenta d’empêcher qu’aucun plébéien ne parvint au consulat ; mais il ne put y réussir. Deux ans plus tard, il reproduisit son projet, commença par se faire nommer consul, et demanda pour collègue Fabius, qui, en sa qualité de consul sortant de charge, présidait l’assemblée ; mais cet homme illustre refusa de donner un exemple aussi dangereux. il résista aux prières des patriciens, et le plébéien. L. Volumnius devint pour la seconde fois collègue d’Appius. Le sénat, qui avait toujours très-peu de confiance dans les talents militaires d’Appins, prorogea pour six mois le commandement des consuls précédents, et les chargea de continuer la guerre dans le Samnium. Les Samnites battus se réfugièrent dans le pays des Étrusques. Ces peuples se réunirent pour résister aux Romains, et appelèrent même un corps de Gaulois. Appius marcha contre eux avec deux légions et 2,000 auxiliaires ; mais son incapacité fut bientôt démontrée, tant aux ennemis qu’à ses soldats qu’elle jeta dans le découragement. On assure qu’alors il manda secrètement à son collègue de venir à son secours. Volumnius accourut, et l’armée d’Appius l’accueillit avec enthousiasme ; mais le fier patricien affecta un air de hauteur, et lui exprime son mécontentement de ce que, abandonnant le soin de sa province, il venait offrir son aide à qui ne la réclamait pas. Une dispute, aussi violente que scandaleuse, s’ensuivit entre les deux consuls, en présence des armées ; et Volunmius, après avoir fait sentir à Appius que l’éloquence dont, il se piquait n’était pas alors aussi nécessaire à l’État que le talent de se battre, lui laissa le choix du Samnium et de l’Étrurie ; mais les soldats demandèrent à grands cris que les deux consuls tissent ensemble la guerre dans ce dernier pays, et Volumnius céda à leurs instances. Dans la bataille qui eut lieu aussitôt, Appius, opposé aux Samnites, trompa toutes les conjectures, et montra tant de valeur et d’habileté, qu’il parut au moins l’égal de Volumnius. La victoire fut complète, et produisit entre les deux collègues une sincère réconciliation. L’année suivante, ils joignirent de nouveau leurs armes, et domptèrent encore les Samnites. Depuis cette époque, il ne parait pas qu’Appius ait été revêtu d’aucune dignité publique. Dans un âge avancé, il perdit la vue, ce qui lui fit donner le surnom de Cæcus ; et le peuple superstitieux ne manqua pas de croire que les dieux lui faisaient éprouver ce malheur, pour punir le sacrilège qu’il avait commis, pendant sa censure, à l’égard du temple d’Hercule. Pyrrhus, roi d’Épire, ayant envoyé à Route l’éloquent et sage Cynéas, Appius Claudius, retiré depuis longtemps au sein de sa famille, se fit porter au sénat, et fit décréter que la république n’entamerait aucune négociation avec le roi d’Épire, avant qu’il fut sorti de l’Italie. On ne sait dans quelle année mourut ce Romain, que Cicéron a placé au nombre des anciens orateurs. Il lui accorde de l’éloquence et de la chaleur ; et, dans son traité de la Vieillesse, il trace de lui cet éloge, qu’il met dans la bouche de Caton : « Appius, vieux et aveugle, gouvernait une maison composée de quatre fils, hommes faits, de cinq filles, et d’un grand nombre de domestiques. Doué d’un esprit dont la vigueur n’était nullement affaiblie, il avait conservé non-seulement l’autorité, mais un pouvoir suprême sur toute sa famille. Ses esclaves le redoutaient, ses enfants avaient de la vénération pour lui, et tous le chérissaient ; enfin, sa maison était le vrai modèle des mœurs austères de nos aïeux. » D-t.


APPONCOURT. Voyez Graffigny.


APRAXIN (Fédor-Matvéicht, comte), amiral russe sous le règne de Pierre le Grand, servit avec un égal succès sur terre et sur mer, et doit être considéré comme un des créateurs de la marine russe. Tandis que l’imprudent et infatigable ennemi de Pierre, marchant sur la Russie dent il avait rêvé la conquête, traversait la Desna après avoir perdu 2,000 hommes, Apraxin, a la tête d’un corps de troupes, attaque et défit à Ingrie le général Lubeker qui voulait réparer les affaires des Suédois dans cette province, et il le força de se rembarquer précipitamment. En 1709, il reçut de Pierre une lettre par laquelle ce monarque lui faisait part de la victoire qu’il venait de remporter à Pultava. Cette lettre, monument de l’estime et de la confiance qu’il