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ses libéralités, ses profusions même, semblaient peu compatibles avec la médiocrité de sa fortune, on lui a supposé le secret de faire de l’or. Il mourut en 1699, à l’âge de 81 ans, non à Cologne, comme le dit Moréri, mais à Cülln sur la Sprée, l’un des faubourgs de Berlin (1)[1]. La mort de cet homme, qui avait joué un rôle assez marquant, ne fut presque pas aperçue. Leibnitz, qui lui a supposé une magnifique épitaphe, se plaint qu’on l’eût si tôt et si facilement oublié. « Ce bon M. Van Helmont, dit-il, est délogé sans trompette et sans carillon ; mais j’espère que sa cousine ne laissera pas de lui faire faire des obsèques dans quelque église. S’il n’y en avait pas d’autres, on pourrait peut-être obtenir dispense à Wolfenbutel pour les faire dans la chapelle du jardin de Saltzdulen, où M. le duc le voulait ensevelir vivant. » Van Helmont publia les ouvrages que son père avait laissés en manuscrit, sous ce titre : Opuscula medica inedita, Amsterdam, Elzevir, 1648, in-4o ; mais on lui reproche de n’avoir pas donné à cette édition tous les soins dont il était capable (voy. l’article précédent). On a de lui : 1° Alphabeti vere naturalis hebraici brevissima delineatio quae simul méthodum suppeditat juxta quam : qui surdi nati sunt, sic informari possunt, ut non alias saltem loquentes intelliqant, sed et ipsi ad sermonis usum perceniant, Sulzbach, 1667, in-12 de 34 et 108 pages, avec 36 planches, dont les 33 premières représentent les mouvements de la langue dans la bouche, pour l’articulation de chaque consonne. C’est dans ce livre, dont il existe des traductions en allemand et en hollandais, qu’il cherche à prouver que l’hébreu est une langue si naturelle aux hommes, que les caractères en sont comme nés avec eux, puisque la forme de chaque lettre, dans l’alphabet hébreu, n’est, selon lui, que la représentation de la position des organes vocaux nécessaire pour la prononcer. On a reproduit de nos jours l’idée bizarre de chercher dans la langue hebralque et dans la Genèse l’art de faire parler les sourds-muets (voy. Fabre d’Olivet). 2° Opuscula philosophica quibus continentur principia philosophiae antiquissimae et recentissimae, item philosopha vulgaris refutata ; quibus subjecta sunt CC problemata de revolutione animarum humanarum, Amsterdam, 1690, In-12. C’est le recueil de la doctrine de Van Helmont, et on peut juger, par le titre, de toutes les bizarreries qu’elle renferme. 3° Seder olam, sive ordo saeculorum, historica enarratio doctrinae, 1693, in-12 de 196 pages. Reimmann (Histor. atheismi) dit qu’il n’a point paru depuis l’invention de l’imprimerie de livre aussi rempli d’absurdités, d’idées singulières et contraires à la foi. 4° Quaedam premeditatae et consideralae cogitationes super quatuor priora capita libri primi Moisis, Genesis nominali, Amsterdam, 1697, in-8o rare. Dans l’avertissement, l’auteur annonce un autre ouvrage qui devait contenir ses réponses aux questions que lui avait adressées un jeune sourd-muet de naissance, qui, formé par la méthode de Conrad Amman (voy. Amman), était parvenu à lire la Bible en hébreu, à l’aide de la version interlinéaire d’Arias Montanus. C’est, comme on le pense, un tissu d’idées paradoxales, indignes d’aucun examen sérieux. 5° Plusieurs opuscules en allemand et en hollandais, dont l’un traité d’un Remède souverain contre la peste, un autre, de l’Enfer, etc. Dans quelques dictionnaires on a distingué F. Van Helmont d’un baron de même nom, vrai illuminè, mais il est certain que c’est le même personnage, (voy., pour plus de détails, l’Histoire de la folie humaine. par Adelung, t. 4, p. 294-323). W-S.


HÉLOÏSE ou LOUISE, était nièce de Fulbert, chanoine de Paris, aumônier du roi Henri Ier. Belle, mais surtout spirituelle, elle se livra avec ardeur à l’étude des sciences, et se fit un nom dans le monde, dès sa première jeunesse, par une érudition rare chez les femmes, plus rare encore dans le temps où elle vécut. Elle possédait à la fois la science de la philosophie et les langues latine, grecque et hébraïque. Après avoir été maîtresse, ensuite femme d’Abailard, elle devint religieuse, puis prieure au couvent d’Argenteuil ; enfin, première abbesse du Paraclet, où elle mourut le 17 mai 1164, âgée de 63 ans, et vingt-deux ans après son mari. Le nom d’Héloïse réveille une foule de sentiments et de pensées ; c’est un des personnages du 12e siècle que nous connaissons le plus, mais non pas le mieux. La première partie de sa vie, livrée aux égarements d’une passion ardente, l’accuse ; la deuxième l’absout et l’honore : mais c’est à, ses erreurs surtout qu’elle doit sa célébrité. Les gens du monde la voient comme une espèce de figure poétique ; ils l’aiment et la jugent d’après des romans où il n’y a d’elle qu’un amour déjà condamné par la société, avant d’être devenu sacrilège dans le cloître, mais rien de ce qui fait le mérite de cet esprit distingué, et de ce grand caractère que sa vie révèle à qui l’a dépouillée des fictions. Défigurée par les poëtes et les romanciers, elle l’est aussi par le critique Bayle, dont la mauvaise foi poursuit dans Héloïse le catholicisme et les cloîtres. On ne rapportera point ici l’histoire de ses amours et de ses malheurs (voy. Abailard) ; mais ceux qui voudront la bien connaître chercheront dans ses lettres originales ce qui peut pallier ses fautes. On est pret à pardonner les torts d’Héloïse à l’excès, même à la constance de son amour : on ne l’excuse point, mais on conçoit qu’égarée parla lecture des anciens philosophes, elle ait pu préférer la gloire de son amant à son propre honneur en refusant de l’épouser, lorsqu’on pense qu’elle sacrifiait, avec l’honneur, les intérêts mêmes de sa passion ; lorsqu’on la voit marcher à l’autel, portant dans ses mains l’ordre qu’elle en a reçu d’Abailard, prononcer ses vœux dans l’éclat de la jeunesse et

(1) Il y a encore d’autres variantes sur ce point. J.-G. Wachter pense que Van Helmont mourut à Emmerich en décembre. Foppune le fait mourir en Suisse.


  1. (1) Il y a encore d’autres variantes sur ce point. J.-G. Wachter pense que Van Helmont mourut à Emmerich en décembre. Foppune le fait mourir en Suisse.