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tent principalement sur la musique. Tous ces ouvrages respirent un enthousiasme très-vif pour les beaux-arts : on les dirait-conçus dans Pivresse des passions. Il y a des pages parfaitement écrites et vraiment dignes de Diderot, avec qui l’auteur allemand a quelques rapports. Heinse entreprit encore plusieurs excursions, mais sans revoir l’Italie. Il perdit sa place par les révolutions qui détrônèrent l’électeur et firent de Mayence le chef-lieu d’un département français. Heinse mourut le 22 juin 1805. Il est du petit nombre des auteurs allemands dont les ouvrages sont écrits avec chaleur, qualité rare dans cette littérature. On n’a pas reconnu le feu de son imagination dans ses traductions en prose de la Jérusalem délivrée et du Roland. Il s’est peint lui-même dans ses lettres que contient la Correspondance de Gleim, lleinse et de Jean Müller. publiée par liœrte. Une notice biographique et littéraire sur Heinse, par F. Lautsch, a été insérée dans le recueil Zeilgenouen, 5* série, vol. 2. D-c.
HEINSIUS (Daniel), philologue hollandais, naquit
à Gand en 1580, d’une famille distinguée.
Son père, homme sage et sans ambition, mais
d’un caractère élevé, prit, dans les troubles des
Pays-Bas, un parti funeste pour son repos et pour
celui de sa famille. Dès Page de trois ans, Daniel
fut envoyé, d’abord à Veere, en Zélande, d’où il
ne tarda pas à passer, avec ses parents, en Angleterre.
Peu après, il les suivit encore en Hollande.
On s’établit d’abord à Delft, puis dans le
village de Ryswick, et enfin à la Haye. Le père
de Heinsius se consolait de ses disgrâces, en donnant
tous ses soins à la première éducation de son
fils ; mais les circonstances nécessitèrent le retour
de celui-ci en Zélande. Il y manqua moins de
bons maîtres que de dispositions pour en profiter,
du moins dans les premiers temps. Il préférait au
travail les jeux de son âge. Cependant la manie
des vers le possédait déjà ; et, à dix ans, il composa
une élégie latine, dans laquelle on dut voir
un présage satisfaisant. Son père le destinait au
barreau ; et, à quatorze ans, il l’envoya à Franeker
pour y étudier le droit. Cette destination fut traversée
par la belle passion dont Heinsius se prit
pour le grec. Il ne resta que six mois à Franeker,
et de là passa à Leyde, dont l’université naissante
jetait déjà le plus grand éclat. Scaliger le signala
parmi ses disciples ; Marnix de Sainte-Aldegonde,
Douza le père, Phonorèrent d’une bienveillance
particulière. Il s’établit entre Scaliger et Heinsius
d’intimes rapports, d’affection d’un côté, et de
vénération de l’autre. Une noble émulation enflammait
l’âme de Heinsius : il lui arrivait souvent
de ne pas dormir la nuit, tant il désespérait de
jamais approcher d’un si grand modèle ! Douza
procurait d’agréables délassements à son jeune
ami, en Pemmenant avec lui dans sa terre de
Nordwick, à deux lieues de Leyde, et il pressait
son ambition littéraire d’un aiguillon non moins
généreux. Heinsius n’avait que dix-huit ans quand
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il fut attaché à l’université de Leyde, pour expliquer d’abord les classiques latins, et bientôt aussi les grecs : à vingt-cinq ans, il s’y vit appelé à la chaire d’histoire et de politique. Scaliger, qui mourut en 1609, avait voulu lui léguer toute sa bibliothèque ; mais celui-ci n’en accepta qu’une partie. À la mort de Paul Merula, en 1607, la place de bibliothécaire de l’Académie de Leyde fut dévolue à Heinsius, et il y remplit également les fonctions de secrétaire. Sa réputation allait en croissant ; elle attirait à Leyde un grand nombre d’élèves : de toutes parts on enviait à la Hollande un homme d’un mérite aussi rare. Il reçut des propositions du côté de la France,’de l’Allemagne et de l’Italie. Heinsius écrit, en 1616, que les Italiens faisaient beaucoup de cas de lui, et qu’il était fortement sollicité d’aller à Rome. l/alde ltali no : amant, et jam clanculum et ; 1-hvšmáloçov, ingenli prœmio, videndœ ur-bi : causa. ínvitamur. (Voy. Burmanni Sylloge epirlol., t. 2, ep. 250, p. 455.) Si l’on en croit Balzac, Heinsius, dans ses relations avec Rome, ménageait un peu (comme on s’exprime vulgairement) la chèvre et le chou. Dans l’apologie de son Herode : infanticide contre les critiques de Balzac, apologie que Heinsius envoya à Rome, un passage du texte, où il est question du pape, portait : lprunn etiam Ecclesiœ caput ; l’errata le rectifie ainsi : Ipruna Eccleriœ Roñuuue caput. « Le texte, dit Balzac, était pour Rome ; « l’errata pour Leyde : d’un côté Heinsius voulait « plaire au pape, qui vraisemblablement ne lirait « pas son errata ; de l’autre, avoir un moyen de « se justifier envers les ministres, si on l’accusait « d’être mauvais huguenot et d’avoir des intelligences avec l’ennemi. » Mais, 1° cette duplicité tout à fait hors du caractère bien connu de Heinsius ; 2° Heinsius lui-même ne fut pas l’éditeur de son Epislola qua dinerlalioni D. Balzacii ad Herodevn infanlicidam respondetur (Leyde, 1636, in-1 2), mais bien M. Z. Boxhorn ; 5° l’errata en question n’est point rejeté, comme c’est l’ordinaire, à la fin du volume, mais il s’y trouve en quelque sorte à l’endroit le plus apparent, entre la dédicace et le commencement de la lettre ; 4° il parait, par le récit de Thysius, dans son oraison funèbre sur Heinsius, que, dans les propositions du pape Urbain VIII et du cardinal Barberini pour attirer Heinsius à Rome, il ne fut rien stipulé qui eût trait à la religion. La république de Venise créa Heinsius chevalier de l’ordre de St-Marc ; le roi de Suède Gustave-Adolphe le nomma son historiographe, en y joignant le titre de conseiller privé. Les États de Hollande le récompensèrent de son attachement à sa patrie et du refus de ces diverses propositions étrangères, en le choisissant pour leur historiographe, et en attachant un traitement libéral à ce titre. Heinsius s’aliéna bien des amis en acceptant, en 1618, la qualité de secrétaire politique au fameux synode de Dordrecht. À Page de trente-cinq ans, il épousa Ermegarde, sœur du célèbre Janus Rutgersius ; et il eut de