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208 HEN sa mère, eut une telle influence sur la position d’Henriette, que le cardinal de Retz, étant allé V la voir cinq ou six jours avant le départ du roi, la trouva dans la chambre de sa fille, depuis duchesse d’Orléans, et elle lui dit : « Vous voyez, je viens tenir compagnie à Henriette ; la pauvre enfant n’a pu se lever aujourd’hui, faute de feu. » La postérité aura peine à croire (observe le cardinal) que la petite-fille de Henri IV ait manqué d’un fagot pour se lever, au mois de janvier, dans le Louvre ! Enfin, la guerre étant terminée, la reine d’Angleterre revint de St-Germain, où elle s’était décidée à suivre la cour, et se réunit à ses religieuses, qui avaient beaucoup souffert de son absence. Ses affaires se rétablirent successivement par le calme dont jouissait alors le royaume de France ; et elle donna de grands exemples de charité, s’imposant elle-même des mortifications secrètes, quoique sa santé fût très-affaiblie par des souffrances presque habituelles. Elle semblait destinée à passer par toutes sortes de peines ; car Dieu permit encore en 1657 qu’elle éprouvat de la part de Cromwell une humiliation bien pénible. La France avait été contrainte de conclure un traité avec cet usurpateur, devenu maître de l’Angleterre sous le titre de protecteur. La reine, pour tirer parti de ses propres malheurs, et décharger autant qu’elle le pouvait la France des secours pécuniaires qu’elle en recevait, pria le cardinal Mazarin, qui négligeait de lui faire payer sa pension (lui à qui quatre millions suffisaient à peine pour sa dépense personnelle), d’écrire, au nom de son maître, à celui qui gouvernait alors le royaume de Charles l••’, afin d’en obtenir du moins le payement de son douaire ; mais cet odieux tyran répondit sans ménagement qu’il n’accorderait pas ce qu’Henriche demandait, parce qu’elle n’avait jamais été reconnue comme reine d’Angleterre. Ainsi elle resta dans sa pauvreté, et avec la honte d’avoir été, toute fille de France qu’elle était, traitée de concubine par l’assassin de son mari. Lorsque enfin, tout étant rentré dans l’ordre à Paris, la famille royale y fut de retour, l’Angleterre se vit délivrée de la tyrannie de Cromwell par sa mort, arrivée en 1658. « Dieu, qui avait rendu inutiles tant d’entreprises et tant d’efforts, parce qu’il attendait l’heurc qu’il avait marquée, alla, quand elle fut arrivée, prendre comme par la main le roi, fils de Henriette, pour le conduire à son tronc.... Ala fin, Charles II est reconnu, et l’injure des rois est vengée. » Nous ne pouvions mieux faire que d’emprunter les paroles de Bossuet. La reine parvint donc, après tant de revers, à jouir de quelques jours sereins. Le désir de voir son fiü tranquille possesseur de sa couronne la détermina en 1660 à entreprendre le voyage d’Angleterre, où elle reçut à son passage tous les témoignages de la joie et de l’afI’ection d’un peuple qui, douze ans auparavant, demandait la tête de sa souveraine ; mais les honneurs

HEN qu’on lui rendait à Londres ne lui faisaient pas oublier la mort tragique du roi son époux. Ses souvenirs, de nouveaux chagrins, et surtout celui de trouver ses enfants moins disposés que jamais à embrasser la religion catholique, la décidèrent à retourner en France. À l’époque du mariage de Charles II avec l’infante de Portugal, elle revit encore une fois les États de son fils ; mais des raisons de santé et de piété tout à la fois lui firent désirer de finir ses jours dans cette même retraite de Chaillot, qu’elle chérissait tant : elle y vécut paisiblement pendant quatre années, et allait seulement passer les beaux jours de l’automne à Colombe, près Paris. Ce fut là qu’elle mourut presque subitement le 10 septembre 1669, à l’âge de près de 60 ans. Elle avait demandé à être enterrée dans l’église du couvent de la Visitation de Chaillot ; mais Louis XIV voulut que son corps fut transporté à St-Denis ; son cœur seul resta au monastère dont elle était regardée comme la fondatrice. Quarante jours après cette translation, Bossuet prononça en présence de Monsieur et de Madame l’oraison funèbre qu’on trouve en tète de la collection qui honore à la fois notre littérature et notre religion. Indépendamment de l’Hi : toire de Henriette-Marie de France, reine d’Angleterre, avec un journal de sa vie, par le sieur C. C., Paris, Querout, 1690, et Brunet, 1695, in-8o, il existe une oraison funèbre de cette princesse par François Faure, évêque d’Amiens, Paris, 1670, in-4o. Celle de Bossuet (alors évêque de Condom), Paris, 1670, in-4o, a été souvent réimprimée avec des notices sur Henriette de France, dans le recueil des oraisons funèbres de ce grand orateur. Enfin, il s’en trouve une par Jean-François Senault, de l’oratoire, Paris, 1670, in-4o. L—n-a.

HENRIETTE-ANNE d’Angleterre, duchesse d’Orléans, fille de Charles Ier, naquit au milieu des troubles et des guerres civiles, le 16 juin 1644, à Exeter, où Henriette de France sa mère s’était réfugiée. Elle avait à peine dix-sept jours quand la reine fut obligée de chercher un asile en France. La jeune princesse resta entre les mains de la comtesse de Morton, sa gouvernante, qui parvint, deux ans après, à la soustraire aux factieux, et la ramena auprès de sa mère. Cette reine infortunée se renferma dans le monastère de la Visitation de Chaillot aussitôt qu’elle connut la mort tragique du roi son époux, et là, . dépouillée de toutes les grandeurs de la terre, elle ne s’occupa plus que de l’éducation de sa fille. Celle-ci, instruite par le malheur, conservait au fond de son âme les nobles sentiments de sa naissance, tandis qu’elle puisait dans une éducation plus rapprochée des rangs ordinaires une douceur et une aménité qui l’ont rendue l’une des princesses les plus aimables dont la cour de France ait conservé le souvenir. Sa mère exigeait même qu’elle apprit à pratiquer l’humilité chrétienne en servant à table, aux jours de fêtes so