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lait défendre la royauté constitutionnelle : il ne restait plus aux jacobins qu’une minorité à la tête de laquelle étaient Brissot, le chevalier de Laclos, l’un des principaux auteurs de l’émeute du Champ de Mars, et cinq ou six députés constituants qui avaient voté pour que le roi fût mis en jugement. On remarquait parmi ces démagogues Pétion, Robespierre et l’abbé Sieyès, qui cependant n’avait point opiné dans ce sens. Lors de l’arrivée des députés, le club des jacobins se grossit d’un grand nombre de membres, et devint le foyer le plus ardent de la résistance révolutionnaire, et d’où devait sortir le système de la terreur. Les nouveaux députés, qui avaient été presque tous clubistes dans leurs départements, se partagèrent, suivant la différence de leurs idées, entre la société des jacobins et celle des feuillants Guadet et ses amis choisirent les jacobins, et on les vit presque aussitôt travailler sans relâche à l’établissement de la république. Guadet fut un de ceux dont les discours, toujours véhéments, toujours pleins d’audace et souvent même d’éloquence, servirent le mieux ce parti : à cette époque, aucun orateur dans ces assemblées ne produisait un effet plus marqué. La colère publique était surtout provoquée contre les émigrés, les prêtres, la cour et les ministres : on n’entendait pas autre chose dans les clubs, et, en sortant de celui de Paris, Guadet faisait retentir de nouveau ce cri dans l’assemblée législative avec le plus grand succès. L’émigration des princes était principalement l’objet d’attaques continuelles et de commentaires violents. Dès le commencement de la session de l’assemblée législative, M. de G....., l’un de ses membres, demanda le 28 octobre 1791 qu’il fût fait une proclamation constitutionnelle qui enjoignit à Monsieur, frère du roi, de rentrer dans le royaume dans le délai de deux mois, sous peine d’être privé de ses droits. Guadet appuya vivement cette proposition (qui passa le 30 octobre), et demanda bientôt après que les Français qui s’étaient réunis hors des frontières, sur les bords du Rhin, fussent déclarés suspects de conjuration contre l’État, et que si, au 1er janvier 1792, ils n’étaient pas rentrés dans le royaume, on les poursuivit comme conspirateurs, et que, comme tels, on les punit de mort : il proposa aussi que le séquestre fût mis sur leurs biens, et que la nation en perçût les revenus, les droits des créanciers réservés ; cette proposition fut décrétée. Peu de temps après, un de ses collègues fit la motion d’aller plus directement à ce qu’il appelait la source du mal, en mettant en accusation les princes frères du roi. Guadet répondit qu’il fallait réserver cette mesure pour les étrennes du peuple, et l’ajourna pour le 1er janvier 1792 : elle le fut sans opposition ; mais, le 2 janvier, Gensonné ayant relevé l’ajournement, Guadet ne manqua pas d’appuyer le décret d’accusation, qui passa à une assez grande pluralité. À peu près dans le même temps, Guadet signala le congrès de l’Europe contre la France et sa révolution ; il fit décréter que tout agent français et autre lignicole qui y prendrait part, ou à tout autre projet tendant à détruire la constitution, serait poursuivi comme coupable du crime de lëse-nation, et puni de mort. Ce fut lui qui, le 5 mai, fit rendre un décret d’accusation contre l’abbé Royou, rédacteur du journal intitulé l’Ami du roi, et contre Marat, qui publiait l’Ami du peuple. Jusqu’aux derniers jours de juillet 1792, Guadet et ses amis poursuivirent leur marche révolutionnaire avec la même ardeur ; déportation des prêtres, licenciement de la garde du roi, il provoqua tout ce qui pouvait conduire au renversement du tronc (voy. Gensonné) ; mais à la fin de juillet, les menaces de la faction de Danton, qui avait un autre but, et les terribles approches de la révolution du 10 août, dont son parti et lui craignaient de ne pouvoir être les maîtres, parurent un peu les intimider. Ils firent publier dans les journaux qui leur étaient dévoués différents articles dans le sens des constitutionnels ; mais bientôt ils reprirent leur attitude révolutionnaire. Peu de temps avant ce moment d’incertitude, on avait vu Guadet un des premiers appuyer la pétition des soldats du régiment suisse de Chateauvieux, et le triomphe qui leur fut décerné dans la capitale (voy. Collot-d’Herbois) : il défendit aussi ceux qui avaient pris part aux scènes d’Avignon, et qui à Paris vinrent se joindre aux exécuteurs des massacres de septembre. Ami de Brissot, qu’il surpassait de beaucoup en talents, Guadet avait appuyé de toutes ses forces le décret d’accusation contre le ministre Delessart (voy. Baisser). On signala généralement Guadet et son parti comme les provocateurs du rassemblement qui, le 20 juin 1792, pénétra dans le château des Tuileries, et mit en danger les jours du roi et de la reine. Un moment avant cette scène, on avait entendu Guadet demander que ce rassemblement armé fût admis aux honneurs de la séance et défilât dans la salle ; Pétion, maire de Paris, ne s’était point opposé à ce mouvement, ou plutôt l’avait puissamment favorisé ; l’administration du département, qui était constitutionnelle, le suspendit de ses fonctions, et le roi approuva son arrêté : Guadet dénonça le département, la cour et les ministres, et obtint la réintégration du maire, en faisant l’éloge de son patriotisme. Le général Lafayette avait, au nom de son armée, demandé justice des attentats commis contre la personne du roi : Guadet, dans un discours toujours mordant, toujours dérisoire, soutint que cette demande, libellée dans le style de Cromwell ou de César, ne pouvait être du fils ainé de la liberté. Le général, voyant que sa pétition n’avait pas produit l’effet qu’il en avait espéré, parut lui-même à la barre de l’assemblée : Guadet ne put se contenir en sa présence ; il l’attaqua à découvert, et demanda que le ministre de la guerre fût interpellé de dire s’il avait accordé un congé à M. de Lafayette, qui n’eût pas dû