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der à la vocation de son fils. Haydon fit en conséquence ses études dans une école qui avait été celle de Reynolds, et en 1804 il entra à l’Académie royale de Londres. C’est de cette époque que date sa connaissance avec le peintre Fuseli, dont il imita beaucoup le style et le caractère. Au mois d’octobre 1806 Haydon termina son premier tableau, représentant Joseph et Marie faisant reposer le Sauveur pendant le voyage d’Égypte, et il l’exposa en 1807. L’année suivante, janvier 1808, il commença son Dentatus, qui fut retardé et sensiblement modifié en conséquence des principes qu’il tira de l’étude des marbres antiques d’Elgin, étude à laquelle il ne consacra pas moins de dix à douze heures par jour. Le Dentatus obtint à l’exposition de 1809 le grand prix de l’institution royale, et, encouragé par ce premier succès, Hayden entreprit le Jugement de Salomon, un de ses meilleurs tableaux. Malheureusement, les ressources lui manquaient, et ce ne fut qu’au milieu des plus dures privations qu’il put achever son œuvre. Le Jugement de Salomon fut exposé à Spring-Gardens ; et les directeurs de cet établissement votèrent à son auteur un don de cinq guinées. Dès ce moment Haydon vit ses œuvres justement appréciées du public, et vraisemblablement il serait devenu l’un des membres de l’Académie royale, s’il n’avait eu la maladresse de s’aliéner cette compagnie par les vives discussions qu’il soutint contre elle. En 1809, il entreprit un voyage dans le Devonshire, en compagnie de Wilkie, avec lequel il était lié d’une étroite amitié. Le caractère de Wilkie était bien différent de celui d’Haydon. Autant le premier était plein de ménagement, de circonspection et de déférence, autant le second était fier, impétueux et entier dans ses idées. Leurs relations toutefois n’en souffrirent pas, et en 1814 ils se rendirent ensemble à Paris. Haydon y séjourna deux mois, étudiant avec fruit la collection du Louvre ; et, de retour dans sa patrie, il composa son plus grand ouvrage, le Christ entrant à Jérusalem, qui, exposé à Londres et à Édimbourg en 1820, obtint un succès d’enthousiasme. La réputation d’Haydon paraissait dès lors établie sur de solides bases, et il semblait qu’il devait être pour toujours à l’abri du besoin. Il n’en fut point ainsi cependant. Ses productions, malgré le mérite incontestable de leur exécution, manquaient souvent d’acheteurs. Cela venait sans doute des dimensions exagérées qu’il donnait à ses toiles, qui, par suite, ne pouvaient trouver à se loger dans les appartements des particuliers. L’ambition d’Haydon fut toujours de se distinguer comme peintre d’histoire, mais à ses yeux un grand tableau était un beau tableau, et la sensation produite par ses premières productions, notamment par son Jugement de Salomon, contribua à le confirmer dans cette opinion. De plus, il ne sut pas se concilier la faveur des amateurs, et la manière dont il agit envers sir Georges Beaumont dut suffire pour alarmer tous les protecteurs des arts. Celui-ci lui avait commandé un sujet de Macbeth, destiné à un emplacement particulier. Hayden fit un tableau trois fois trop grand et fut fort étonné que sir Georges ne fût pas enchanté du développement qu’il avait donné à ses idées. Quoi qu’il en soit, la fortune ne lui souriait pas, et en 1827, dans une réunion de ses amis ayant pour objet de provoquer une souscription publique, Hayden raconta en ces termes le triste sort de ses tableaux : « Mon Jugement de Salomon est roulé dans un magasin de la ville ; mon Entrée à Jerusalem, autrefois l’objet de l’enthousiasme de toute l’aristocratie et de toutes les beautés des trois royaumes, est pliée dans une arrière-chambre à Holborn ; mon Lazare est dans la boutique d’un tapissier, à Mount-Street, et mon Crucifiement dans un grenier à foin, à Lisson-Grove ! » Et cependant, les toiles d’Haydon avaient des beautés incontestables ; c’est ainsi que plus tard son Jugement de Salomon fut acheté pour sept cents livres sterling (17 500 fr.) ; son Triomphe d’Alexandre après avoir dompté Bucéphale fut payé cinq cents guinées, et son tableau de Vénus et Anchise deux cents guinées. En 1827, Haydon fut emprisonné pour dettes, et c’est dans sa prison qu’il fit la Comédie de l’élection (Block election) que le roi George acheta cinq cents guinées, et son pendant le Triomphe de l’élu (Chairing the member), qui fut vendu trois cents guinées. De cette période date également son Pharaon renvoyant Moïse, dont il eut cinq cents guinées. À bout de ressources, il essaya de peindre des portraits, genre qu’il avait dédaigné jusque-là ; mais son pinceau était trop sincère pour lui attirer des succès. Nous devons mentionner seulement comme appartenant à ce genre son Napoléon á Ste-Hélène, qui fut un de ses ouvrages les plus applaudis, et dont il fit au moins quatre copies dont trois lui furent commandées par sir Robert Peel, par le duc de Devonshire, et par le duc de Sutherland. Ce tableau a été gravé. Hayden fut moins heureux dans le pendant qu’il voulut lui donner :Wellington à Waterloo. Enfin les ouvrages historiques qu’il donna à partir de ce moment ne furent qu’une suite d’échecs, en exceptant toutefois ses deux derniers tableaux, Uriel et Satan et le Bannissement d’Aristide, où il se releva et qui prouvèrent qu’il n’avait perdu ni sa verve ni sa vigueur. En 1850 et 1856 Haydon avait été de nouveau emprisonné ; sa vie pourtant n’avait rien d’irrégulier. Il attribuait ses infortunes à son refus de vendre certains de ses tableaux, aux attaques des journaux, à des dépenses que lui occasionnèrent des procès qu’il eut à subir, et qui sont si coûteux en Angleterre, et au mauvais succès d’une de ses exhibitions. Durant cette carrière pénible et agitée, Hayden écrivit et professa incessamment. Ses attaques ne ménagèrent pas l’Académie royale, et il soutint un grand nombre de polémiques sur