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BIOGRAPHIE UNIVERSELLE
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GUA DE MALVES (Jean-Paul de), l’un des premiers Français qui se soient occupés d’économie publique, naquit en 1712 à Carcassonne, d’une famille noble et ancienne. La chute du système de Law entraîna la ruine de son père. Privé des moyens de paraître dans le monde d’une manière conforme à sa naissance, il se décida à embrasser l’état ecclésiastique, fut pourvu de quelques bénéfices, et vint à Paris, où, vivant dans le plus grand isolement, il se livra à l’étude avec beaucoup d’ardeur. Ses progrès furent très-remarquables, surtout dans les mathématiques. Il publia en 1740 l’Usage de l’analyse de Descartes. Cet ouvrage, dans lequel il venge le philosophe français des injustes critiques de ses adversaires, lui ouvrit les portes de l’Académie des sciences. Il fut admis dans la classe de géométrie, et ne tarda pas à se montrer le digne émule des Clairaut et des d’Alembert. Il succéda en 1745 à Privat de Molières dans la chaire de philosophie du collége de France ; mais il ne la conserva que quelques années. Il s’en démit, et sollicita en même temps le titre d’académicien honoraire, afin de pouvoir se livrer dans la retraite aux travaux qu’il méditait. On lui proposa de se charger d’une nouvelle édition de la traduction française de l’Encyclopédie de Chambers ; mais il eut bientôt connu les imperfections du dictionnaire anglais, et il forma le projet d’en publier un sur un plan plus vaste, et qui fût véritablement le dépôt des connaissances humaines. Il s’associa pour ce travail un grand nombre de savants et d’artistes ; mais n’ayant pu s’accorder avec les libraires qui devaient faire les fonds de l’entreprise, il y renonça ; et Diderot et d’Alembert furent choisis pour le remplacer (voy. Diderot). L’activité de son esprit lui fournissait sans cesse de nouveaux projets. Après avoir abandonné la direction de la nouvelle Encyclopédie, il sollicita le privilège d’un recueil périodique destiné exclusivement à faire connaître les ouvrages des sciences ; mais il ne put l’obtenir, parce qu’il ne voulut pas promettre de n’y pas traiter certaines questions d’économie politique auxquelles le gouvernement craignait alors qu’on donnât trop de publicité. Il présenta en 1764 un plan pour la recherche des mines d’or du Languedoc, indiquées par le sable aurifère de quelques rivières, et demanda l’autorisation d’y faire travailler à ses frais. Malheureusement, lorsqu’elle lui eut été accordée, il se cassa une jambe en allant visiter les travaux, et dépensa toute sa petite fortune en essais infructueux. Il adressa encore au ministère un plan d’emprunts par loteries ; mais il ne put le faire adopter. Un procès qu’il eut à soutenir avec sa famille acheva de le ruiner, et il mourut dans un état voisin de l’indigence, à Paris, en 1786. Ses qualités personnelles et ses talents le rendaient digne d’un meilleur sort. Ce fut son attachement aux idées systématiques, et peut-être aussi son caractère lier et pointilleux qui causèrent tous ses malheurs. Son esprit le portait à tout ce qui exigeait des efforts et de la patience : on l’a vu s’amuser à des anagrammes très compliquées, et une fois il composa un poëme assez long en vers d’une syllabe, pour répondre à un défi. Il était membre de la société royale de Londres et de l’Académie de Bordeaux. On a de lui : 1° Usage de l’analyse de Descartes pour découvrir, sans le secours du calcul différentiel, les propriétés des lignes géométriques de tous les ordres. Paris, 1740, in-12. On ne peut, dit un critique, lire cet ouvrage de l’abbé du Gua sans y reconnaître une tête forte, féconde en idées et en ressources. On y trouve des théories simples et générales, présentées d’une manière nouvelle, presque toujours étendues ou perfectionnées, enfin rendues plus piquantes par des rapprochements singuliers et inattendus. 2°. Mémoire qui contient une démonstration d’algébre cherchée depuis longtemps par les plus fameux algébristes ; — autre sur la façon de rechercher le nombre des racines réelles ou imaginaires ; dans le Recueil de l’académie des sciences, année 1741 ; 3° Dialogues entre Hylas et Philonoûs, traduits de l’anglais de Berkeley (voy. Berkeley), Paris, 1744, in-8° ; 1750, in-12 ; 4° le Voyage d’Anson autour du monde, traduit en français, ibid., 1750, in-4°, ou -1 vol. in-12 ; 5° Essai sur les causes du déclin du commerce étranger de la Grande-Bretagne, ibid., 1757, 2 vol. in-12, traduit de l’anglais de Decker ; 6° Discours pour et contre la réduction naturelle de l’argent, traduit de l’anglais (de Ch. Barnard, Robert Walpole et un anonyme), avec un avant-propos du traducteur, ibid., 1757, in-12 ; 7° Projet d’ouverture