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équipages. Groignard fut chargé de former la marine de la compagnie des Indes, composée de plus de vingt vaisseaux. Sans sacrifier leur destination commerciale, il les rendit propres à la guerre ; et en améliorant leur marche, l réduisit de moitié les frais d’armement ainsi que les chances de la navigation. Ce succès fit adopter ses plans pour toute la marine marchande. Ils furent également adoptés pour la course en quelque sorte légitimée par le refus de l’Angleterre d’admettre le grand principe que le pavillon couvre la marchandise, vainement proclamé par la France au congrès d’Utrecht. Persuadé que l’expérience est la mère de la science, Groignard ne cédait à personne le soin de surveiller les travaux. Son activité ne pouvait être surpassée que par le sévère désintéressement qu’il ne cessa de montrer pendant sa longue carrière. En 1759 il contribua efficacement à la défense du Havre, bombardé par les Anglais, et fut proposé par le maréchal d’Harcourt pour la croix de St-Louis. L’année suivante, le maréchal de Vaux se l’attacha pour présider à la descente préparée contre l’Angleterre. Ses travaux dans les ports, notamment ã St-Valery, la Hougue et Cherbourg. contribuèrent remarquablement à leur sécurité. Citons encore comme l’un des plus signalés services rendus par Groignard, le rétablissement de la communication des deux mers par le canal du Languedoc, interrompue par Pensablement de la rivière d’llérault. Mais ses grands titres à l’admiration des gens de l’art et à la reconnaissance nationale sont les premiers bassins de Toulon et de Brest, construits pendant les années 1785 et 1784. Le maréchal de Castries, homme de bien, ministre habile, le comprit au nombre des hommes éprouvés et éclairés dont il sut s’entourer, et auxquels il dut l’honneur et l’éclat de son administration. Souvent appelé au conseil et au comité des ministres, Groignard ne fut jamais consulté sans que le service n’y gagnât de notables améliorations. On le voit constamment refuser toute indemnité pour les travaux extraordinaires qu’il exécutait ou les procédés et les découvertes dont il était heureux d’enrichir son art. Un million avait été promis à l’ingénieur qui parviendrait à doter la marine d’un bassin à Toulon. Il se tint pour satisfait du grade de capitaine de vaisseau et d’une pension de six mille francs par an, dont la moitié, en cas de décès, était réversible sur sa veuve. Le roi y ajouta des lettres de noblesse avec cette légende : Mare vidit et fugit. Il faut renoncer à évaluer ce que, par les perfectionnements introduits dans les marines de l’État et du commerce, cet habile ingénieur préserve d’hommes et de richesses à la France. Le titre d’ingénieur général de la marine fut créé pour lui. Nommé en l’an 4 de la république (1796) ordonnateur à Toulon, il venait d’y commencer de grands travaux, lorsque des raisons de santé décidèrent son retour à Paris, où il mourut l’année suivante. Groignard était un de ces hommes qui, plus jaloux d’être utiles que de briller, consacrent sans réserve de hautes facultés au service de l’État : aussi a-t-il peu écrit ; du moins ne connaissons-nous de lui que les deux mémoires couronnés par l’Académie des sciences : l’un traite du Roulis et du Tangage, l’autre de l’An-image. Tous deux se trouvent dans le Recueil des prix de l’Académíe des sciences, t. 7 et 9. Le dernier a été réimprimé en 1814, à la suite du Manœuvrier de Bourdé de Villehuet. Par l’immensité et l’importance de ses travaux, on pourrait dire que Groignard, s’il n’eùt été surpassé par Sané, serait resté sous quelques rapports

le Vauban de la marine.

Ch—U.


GROLÉE (Humbert ou Imbert de), un des capitaines qui se signalèrent par leur bravoure dans la guerre contre les Bourguignons, sous Charles VI et Charles VII. Né vers la fin du 14e siècle, il était fils d’Aimar, chevalier, seigneur de Grolée, et de Catherine du Quart. En 1418, il fut nommée sénéchal de Lyon et bailli de Macon. La plus complète anarchie désolait alors le royaume ; mais, grâce au patriotisme d’Humbert, la fidélité des Lyonnais à leurs souverains légitimes ne se démentît point ; tout ce qu’il était possible de faire le fut pour que Lyon, point de mire de Philippe le Bon, ne fût pas surpris. En 1422, Grolée fit un de ses premiers faits d’armes à Severette, près du Puy en Velay ; il joignit ses forces à celles de Bernard d’Armagnac ; une bataille fut livrée au sire de Rochebaron, seigneur du Forez, qui tenait le parti des Bourguignons, et qui, à a tête d’une troupe de 800 hommes de diverses nations, parcourait et ravageait l’Auvergne, le Forez, le Lyonnais et le Beaujolais. Mis en déroute, le sire de Rochebaron alla rejoindre le duc de Bourgogne. L’année suivante (1425), Charles VII obtint du duc de Milan un renfort de 500 lances et de 1,000 archers ; Groléc se mit à la tête de cette troupe lorsqu’elle arriva à Lyon ; il la conduisit en toute hâte au château de la Bussières, près de Macon, et il y parvint le jour même où le maréchal de Toulongeon devait y entrer : car le gouverneur de cette place avait promis de la rendre pour ce terme, s’il ne lui arrivait pas de secours. Le maréchal, au jour prescrit, mit sa troupe en

  • bataille pour attendre ceux qui se présenteraient :

tout à coup les Lombards et les Lyonnais tombèrent sur cette troupe, la taillèrent en pièces, et firent prisonnier le maréchal de Toulongeon. En 1426, Grolée fit saisir quatre chevaux appartenant à Jean de Chalon, duc d’Orange, qui faisait cause commune avec la faction bourguignonne ; ce prince envoya un défi à la ville de Lyon, mais il parait que ce premier défi n’eut pas de suites, car deux autres défis du même duc lui furent envoyés le 6 avril et le 9 août 1429. Toutefois, malgré son dernier défi, Jean de Chalon évita de trop s’approcher de Lyon, lorsque, après avoir échoué dans ses projets de s’emparer du Dauphiné, que défendait le sire de Gaucourt, gouverneur de cette province, il résolut de pénétrer dans la Bresse.