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peu d’assidùité à Versailles, en général, qui n’était nullement courtisan, ne cessa de se montrer dévoué à son souverain et à sa patrie. Il mourut le 9 mai 1789, après deux mois d’une maladie douloureuse, vivement regretté de ses amis, et du corps qui s’honore encore du nom de Gribeauval, comme le génie du nom de Vauban. Une partie de cet article a été extraite d’une notice par le marquis de P. (Puységur), colonel au corps royal d’artillerie, et insérée dans le Journal de Paris (supplément du 8 juillet 1189). M. le chevalier de Pessac a fait paraître en 1810 un Précis sur M. de Gribeauval, in-8° de 15 pages. L-p-e.

GRIBELIN. Voyez Gibelin.


GRIBOJEDOF (Alexandre), poëte et homme d’État russe, né vers 1789, fit ses études à l’université de Moscou. En 1812, lors de l’invasion de la Russie par l’armée française, il entra dans un des nouveaux régiments qui furent formés pour la défense de la patrie, et il servit pendant quatre ans. Cependant, tout en faisant le service, il trouva le loisir de se livrer à la composition de pièces dramatiques. Son début dans cette carrière fut la comédie Molodyia souproughi (les Nouveaux Mariés), qui fut représentée en 1815 au théâtre de St-Pétersbourg. Elle fut suivie de la comédie Swoía semia (la Famille particulière), qu’il avait composée en société avec le prince Chackovsky et le poëte Chmelnisky ; il donna encore au théâtre une traduction ou imitation des Fausses infidélités de Berthe, qu’il avait faite en société avec A. Gendre. Après avoir quitté le service militaire, il fut employé en 1811 dans le ministère des affaires étrangères, et obtint l’année suivante l’emploi de secrétaire d’ambassade près la cour de Perse. Il demeura dans ce pays pendant plusieurs années, et y composa sa meilleure comédie Gore ot ouma (L’inconvénient d’avoir trop d’esprit), dans laquelle il traça en couleurs vives mais un peu exagérées, et avec beaucoup de talent, les ridicules et les prétentions des diverses classes de la société dans la capitale de la Russie, sans épargner même celles qui jouissent le plus de la faveur du gouvernement, telles que la noblesse et les militaires. Il porta cette pièce à St-Pétersbourg dans un voyage qu’il fit par congé en 1825. Elle y eut un grand succès, et s’est maintenue au répertoire. L’auteur demeura dans la capitale pendant la guerre qui eut lieu entre la Russie et la Perse, et s’y livra aux travaux littéraires. Il traduisit en russe, entre autres écrits, le prologue du Faust de Gœthe. En 1825 il eut ordre de se rendre au quartier général du comte Paskewitch, et fut employé aux négociations pour le traité de paix qui fut conclu bientôt après. L’empereur le nomma alors ambassadeur à la cour de Téhéran. Se rendant à son poste, il fut fiancé à Tiflis avec la fille du prince Tchevtchevadsef, qu’il épousa peu de temps après ; mais le mariage fut rompu par un malheureux événement qui termina l’ambassade et la vie de Gribojedof. À son arrivée en Perse, il trouva le peuple exaspéré de la paix honteuse que le schah avait été obligé de faire. Déjà plusieurs émeutes avaient éclaté dans les provinces au sujet des contributions de guerre qu’on levait pour satisfaire aux exigences de la Russie, et l’arrivée d’un ambassadeur russe, avec sa sulte nombreuse, rappelait vivement aux Persans l’humillation qu’ils venaient de subir. Dans ces circonstances critiques, il aurait fallu toute la prudence et la souplesse d’un diplomate consommé ; Gribojedof, plus habile poëte que diplomate manqua malheureusement de la modération nécessaire, et filt trop sentir qu’il représentait un monarque vainqueur. Il ne fallait qu’une occasion pour que la fureur du peuple éclatât, et cette occasion ne lui fut fournie que trop tôt. Un Arménien coupable d’un crime, étant poursuivi par la police persane, se réfugia dans la demeure de l’ambassadeur russe ; comme cet homme était originaire de la province d’Érivan cédée à la Russie, Gribojedof s’attribua le droit d’étendre sa protection sur lui. Cependant les réclamations de la police avaient causé, le 27 mars 1829, un attroupement du peuple, irrité de la protection accordée par les étrangers à un criminel du pays. L’affaire se compliquait encore par une réclamation qui fut adressée à l’ambassadeur au sujet de deux femmes géorgiennes qui s’étalent mises sous sa protection comme sujettes russes, et que les Persans redemandaient comme esclaves. L’une et l’autre demande ayant été repoussées avec hauteur, le peuple commença une attaque sur la demeure de l’ambassadeur, et en vint aux mains avec ses domestiques et ses Cosaques. Ces derniers eurent l’imprudence de tirer des coups de fusil sur les agresseurs ; dès lors, la multitude, exaspérée en voyant les victimes des mécréants gisant sur le sol, ne mit plus de bornes à sa fureur ; les portes furent enfoncées, les murs escaladés ; et quoique la police persane envoyât aussitôt une garde pour protéger l’ambassadeur, sa demeure fut envahie, et tous ceux que les assaillants rencontrèrent dans les appartements furent massacrés, Le Schah, accompagné de son fils, accourut à la tete d’un corps de troupes ; mais la vengeance était accomplie, Gribojedof, Adelung son second secrétaire, son médecin, son interprète et quinze personnes de sa suite avaient succombé. Il n’y eut de sauvé que le premier secrétaire et trois personnes attachées à l’ambassade qui, se trouvant dans une partie reculée de l’habitation, avaient eu le temps de se soustraire à la fureur populaire. Le schah pressentit les suites de cet événement, fait pour rallumer une guerre à peine éteinte. Aussi se hâta-t-il d’ordonner un deuil de huit jours et m’envoyer son petit-fils, le prince Khosrew-Mirza, au quartier général russe ; mais, Paskewitch n’ayant rien voulu ou pu décider, le prince lut obligé de se rendre à St-