Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 17.djvu/534

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inviolable de chacun, et non sur l’égalité de tous. Il comprit admirablement que la pairie devait être convaincue et non forcée, réduite à se préserver elle-même par une abstention volontaire, et non submergée sous une création de pairs qui aurait avili sa dignité, en même temps que son pouvoir. Après une innovation si profonde dans l’essence de la chambre des communes, la pairie surveillant d’un œil jaloux son droit législatif, et n’en permettant pas la concession viagère et dépendante, demeure un des fondements de la liberté britannique. Souhaitons la longue durée de cet exemple, sous les yeux de l’Europe aujourd’hui plus occupée d’industrie que de politique, et de civilisation que de liberté ! V—n.


GREZIN (Jacques), poëte français du 16e siècle, inconnu à nos deux anciens bibliothécaires, Lacroix du Maine et Duverdier, était né, selon toute apparence, dans l’Angoumois. Ayant embrassé l’état ecclésiastique, il fut nommé curé de Condac, et peu de temps après l’évêque d’Angoulême le créa son vicaire général. À cette époque la France était en proie à tous les fléaux ; la guerre civile, la peste et la famine désolaient ses plus belles provinces, et l’Angoumois n’avait pas été épargné. Ce fut pour rappeler les habitants à la pénitence que Grezin composa l’ouvrage suivant : Advertissements faits à l’homme par les fléaux de Notre-Seigneur, de la punition à lui deue de son péché, comme est advenu depuis trois ans en ça. Angoulême, 1565, in-4° de 17 feuilles. C’est un long dialogue entre cinq personnages, sans distinction d’actes ou de scènes. On en trouve l’analyse dans la Bibliothèque du Théâtre-Français (attribuée au duc de la Vallière), t. 1, p. 178. À la suite de cette espèce de drame est un second ouvrage intitulé Sonnets lamentables de notre mère sainte Église. en forme de complainte à Jésus son époux ; et un troisième qui a pour titre : Vers lamentable : en forme de dialogue, pour chanter en l’honneur de Dieu et mémoire de sa passion pendant la semaine sainte. Ce volume est très-rare. W-s.


GRIBALDI (Matthieu)[1], célèbre jurisconsulte, né à Chieri en Piémont, au commencement du 16e siècle, enseigna le droit pendant plusieurs années en France et en Italie. Sa réputation était déjà faite, lorsqu’il fut appelé à Padoue en 1548, puisqu’on lui offrit un traitement de 800 florins qu’on éleva jusqu’à 1 100. Papadopoli remarque que sa renommée allait aussi toujours croissant, et que le nombre des élèves qui accouraient à ses leçons devint si grand que la salle de l’université ne pouvait plus les contenir. Gribaldi partageait en secret les opinions des novateurs, et il lui échappe des propos indiscrets qui confirmèrent les soupçons qu’on avait déjà à cet égard. Des amis l’ayant averti de pourvoir à sa sûreté, il s’enfuit de Padoue en 1555, et après avoir erré quelque temps dans les Alpes, il fixa son séjour à Genève. Pendant l’instruction du procès de Servet, il demanda une conférence il Calvin, qui la lui refusa, dans la crainte qu’il ne prit la défense des sentiments de l’accusé touchant la Trinité et la divinité de Jésus-Christ. Cependant après le supplice de cet hérésiarque, Calvin l’invita d’assister à une assemblée du synode : Gribaldi s’y rendit avec confiance ; mais Calvin n’ayant pas voulu lui tendre la main, en signe d’amitié, avant d’avoir entendu sa profession de foi, il sortit précipitamment de la salle, et craignant d’être arrêté par l’ordre de cet implacable sectaire, il s’enfuit jusqu’à Tubingen. Ses amis lui procurèrent dans cette ville une chaire de droit. Il ne l’occupa que peu de temps et vint habiter la terre de Farges, qu’il avait achetée dans le canton de Berne. Calvin le poursuivit dans cet asile et l’obligea de présenter la rétractation des sentiments qu’on lui attribuait : il continua cependant de fréquenter la secte des raciniens, et il cacha même dans sa maison Valentin Gentilis. Aussi, dit Bayle, il aurait été tôt ou tard puni du dernier supplice, si la peste, qui l’emporta au mois de septembre 1564, ne l’eùt garanti de tout procès d’hérésie. On a de lui : 1° De methodo ac ratione studendi in jure civili libri tres, Lyon, 1544 ; ibid., 1556, in-16 ; 1574, in-8° ; l’épître dédicatoire, datée de Valence 1541, est adressée à ses anciens élèves de Toulouse ; 2° Recensiores jurisconsulti singuli, síngulis distintis comprehensi ; imprimé à la suite du Catalog. jurisconsult. veterum, de Jean Lorich, et inséré par Ch.-God. Hoffmann dans son édition du traité de Pancirole, De claris legum interpretibus, Leípsick, 1721, in-4° ; 5° Commentarius ad legem Falcidiam, Pavíe, 1548, in-8 ; 4° Epistola in mortem Fr. Spierœ. publiée par Cœl. Secund. Curio, Bâle, 1554, in-8° ; 5° quelques ouvrages de droit peu importants, et dont on trouvera les titres dans les Mémoires de Niceron, t. 51. On peut consulter la notice que ce volume renferme sur Gribaldi ; mais elle doit être corrigée sur ce que Tiraboschi rapporte de ce jurisconsulte dans la Storia della letterat. italian, t. 7.

W—s.


GRIBAN. Voyez Greban.


GRIBEAUVAL (Jean-Baptiste Vaquette de), né à Amiens le 15 septembre 1715, entra en 1752 comme volontaire dans le régiment de Royal-Artillerie, et fut en 1755 nommé officier pointeur. Son application, son goût pour l’étude, déterminèrent particulièrement sa vocation pour la partie des mines, et en 1752 il devint capitaine du corps des mineurs. Les connaissances qu’il avait dès lors acquises dans toutes les parties de son métier, avaient si bien établi sa réputation, qu’il fut choisi par le comte d’Argenson, ministre de la guerre, pour aller prendre des renseignements sur l’artillerie prussienne, où le système des pièces légères attachées aux régiments d’infanterie venait d’être introduit. Gribeauval rem-

  1. Gribaldi a pris, on ne sait pourquoi, à la tête de quelques-uns de ses ouvrages le surnom de Mopha ou Mofa. Bayle a eu tort de tourner son nom en celui de Gribaud.